Texte prononcé à Genève le 16 août 2016 par Jean-Marie Matagne, président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN), devant l’assemblée plénière des délégués des gouvernements et des ONG participant au Groupe de Travail de l’ONU pour l’avancement des négociations sur le désarmement nucléaire multilatéral.

Introduction
Souvent on reproche au TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ) de ne pas avoir atteint ses objectifs, puisque l’article 6 n’est toujours pas respecté 46 ans après son entrée en vigueur, 48 ans après avoir été rédigé. C’est une grande injustice. En réalité, le TNP a parfaitement réalisé les objectifs de ses rédacteurs. Car que voulaient les Etats-Unis, l’Union Soviétique et le Royaume-Uni en 1968 ? Fermer derrière eux la porte du « club nucléaire », empêcher d’autres Etats d’acquérir des bombes atomiques. Mais conserver les leurs.

C’est exactement ce qui s’est passé, année après année, depuis bientôt un demi-siècle.

  1. Le TNP, moyen de perpétuer les armes nucléaires de certains Etats et de préserver leur monopole

Dans ce marché de dupes, les Etats dotés d’armes nucléaires ont fait aux autres Etats deux promesses :
D’abord, la promesse de leur fournir l’accès au nucléaire civil, qui pouvait leur rapporter gros, et qui faisait oublier que le seul vrai motif de développer l’énergie nucléaire, le motif premier, ce n’est pas de faire bouillir de l’eau pour produire de l’électricité, c’était et cela reste, pour les Etats dotés d’armes nucléaires, de fabriquer des bombes et d’en garder le monopole.
Ensuite, une promesse de désarmement qui ne leur coûtait pas cher car ils n’avaient aucune intention de la réaliser.

Ils ont tenu la première promesse d’autant plus volontiers qu’elle leur permettait de faire des affaires en vendant leur technologie nucléaire, tout en augmentant la dépendance technologique et politique des Etats acheteurs à leur égard. Moyennant quoi ils ont empoisonné la planète : Mayak, Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima, et demain peut-être Fessenheim ou Flamanville en France.

Ils n’ont pas tenu leur deuxième promesse, d’autant plus facilement que les autres parties voulaient y croire, sans jamais oser leur réclamer des comptes.

Le TNP, dit-on, repose sur trois piliers :
1. le droit de tous les Etats à l’énergie nucléaire dans ses usages pacifiques ;
2. l’interdiction de se procurer des armes nucléaires pour les Etats qui n’en ont pas ;
3. et pour ceux qui en ont, la promesse d’éliminer leurs arsenaux.
Bref : promotion du nucléaire civil, non-prolifération, désarmement.

Mais les Etats non nucléaires peuvent bien s’arcbouter pour maintenir debout le pilier du désarmement, qui menace ruine en permanence, ce qui importe uniquement aux Etats nucléaires, ce sont les deux autres piliers. Pour eux, le désarmement n’est qu’un pilier en trompe-l’œil, à l’usage des naïfs.

On peut dire que le nucléaire civil et le nucléaire militaire sont « comme cul et chemise ». La chemise civile sert à cacher le fondement militaire. C’est pourquoi, si vous voulez vous débarrasser de l’un, il faut aussi vous débarrasser de l’autre. Ce que nous devons vouloir, c’est un monde libéré de toutes ses armes ET de toutes ses centrales nucléaires. S’il n’est pas affranchi des unes, il ne le sera pas non plus des autres. Et l’humanité finira par s’éteindre, soit à petit feu, à cause de la radioactivité diffusée par les centrales et leurs accidents à répétition, soit à feu violent dans une catastrophe nucléaire militaire. Et peut-être les deux à la fois, car les centrales nucléaires forment aussi, avec les cités, de très belles cibles militaires…

III. Conclusion

Tant que l’humanité ne sera pas libérée de l’hypocrisie du TNP, elle restera menacée dans sa propre survie. Et le seul moyen pour les peuples du monde de s’en libérer, d’affirmer leur droit à la survie (Cf. A/AC286/NGO28, L’ONU doit proclamer le droit des peuples à la survie), c’est de ne plus faire dépendre l’abolition des armes nucléaires du bon vouloir des Etats dotés de ces armes à appliquer l’article 6 du TNP. C’est de la leur imposer en les plaçant au ban de l’humanité, par un traité interdisant expressément ces armes criminelles.

Il ne s’agit de rien d’autre que de traduire en un instrument juridique préventif et contraignant la Résolution 1653 XVI de l’Assemblée générale de l’ONU du 24 novembre 1961 (A/RES/1653 (XVI), 24 novembre 1961) : « Tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’humanité et commettant un crime contre l’humanité et la civilisation. »

 

L’article original est accessible ici