Nous présentons le texte « Entre crise et espoir » utilisé lors de l’atelier « Journalisme en période de conflit: la réconciliation c’est aussi de l’info » réalisé en Equateur par l’équipe Pressenza. L’atelier invite à réfléchir autour du concept de réconciliation à partir des textes de Silo, à connecter avec soi-même et avec sa propre expérience personnelle ;  les participants ont aussi pu avancer dans la déconstruction du mythe de « la violence fait vendre ».

« Il y a peu de temps Zlatko Dizdarevic, directeur du seul journal qui a survécu à la guerre qui a détruit Sarajevo(*), a visité mon pays.

Durant cette visite, Zlatko a revécu un moment inoubliable pour lui et pour le personnel du journal « Libération ». Une bombe avait réduit en cendres et fumée les efforts de ces journalistes pendant plus de 30 ans : les nouvelles installations, les machines, les archives modernes, tout était perdu. Mais Zlatko et ses compagnons n’ont pas eu le temps de s’épancher parce que la question de savoir ce qu’ils devaient faire les a vite absorbés. Et la décision a été audacieuse et unanime : le journal devait paraître le lendemain. A l’aide d’équipements loués, ils ont préparé l’édition et toute la rédaction est sortie dans la rue pour vendre le journal que les bombes, les balles et les flammes n’avaient pas pu réduire au silence.

Alors ils ont vu les habitants de Sarajevo faire la queue pour acheter le journal…

Je savais, a dit Zlatko, que plusieurs de ces personnes n’avaient de l’argent que pour acheter le journal ou du pain, pas pour les deux. Et c’est le journal qu’ils préféraient acheter…

Je l’ai interrompu pour lui demander : Comment expliquer cette préférence ?

Il m’a répondu : Parce qu’en pleine guerre, les gens peuvent vivre sans pain, pas sans espoir.
C’est cela que nous devons à nos sociétés en crise : une ration d’espoir. »

Texte de Javier Darío Restrepo

 (*) NDT : Elle débuta le 6 avril 1992 pour se terminer le 14 décembre 1995.