Depuis 1979, l’Iran fait figure de «meilleur ennemi» de l’Occident. Or avec les négociations sur le nucléaire iranien et la montée en puissance de Daesh, Téhéran sort peu à peu de ce rôle. L’occasion de revenir sur cinq idées reçues sur ce pays.

Mahmoud Ahmadinejad a-t-il vraiment menacé d’«effacer Israël de la carte»?

2005, le président Ahmadinejad déclenche une tempête internationale en déclarant, selon les traductions des agences de presse, qu’il faudrait « effacer Israël de la carte ». Le tollé est général et les pays occidentaux y voient la preuve que si l’Iran obtenait l’arme nucléaire, il chercherait aussitôt à l’utiliser contre Israël.

Seulement voilà, à y regarder de plus prêt, la déclaration faite en farsi par le président iranien a tout simplement été mal traduite. Elle faisait référence en fait à une citation de l’ayatollah Khomeiny ayant pour réel sens «ce régime d’occupation sur Jérusalmen doit s’évanouir de la page du temps». Il ne s’agissait donc pas là d’une menace de détruire Israël, donc un effacement géographique, mais du désir de voir le régime israélien s’effondrer de lui-même.

Dan Méridor, vice-premier ministre israélien l’admettra d’ailleurs en avril 2012 lors d’une interviewdonnée à la chaîne Al Jazeera.

Les femmes n’ont aucun droit en Iran?

Quand on parle de l’Iran, ce sont souvent tchadors noirs et femmes opprimées qui viennent à l’esprit de beaucoup. Pourtant, la réalité iranienne est plus nuancée. Les femmes représentent près de la moitié des étudiants à l’université, 60 % des 2,8 millions d’étudiants iraniens ont été en 2012 des femmes. Près de 69 % des Iraniennes actives occupées ont au moins l’équivalent du bac, contre 45 % des Iraniens. Dans certaines professions comme les médecins et les avocats, la féminisation est flagrante. Maryam Mirzakhani, lauréate de la médaille Fields en 2014 symbolise bien cette autre réalité de la société iranienne. Les femmes iraniennes ont également un taux de fécondité de deux enfants par femme, comparable en cela à la France ou aux Etats-unis.

La situation des Iraniennes tranche franchement avec celle des femmes saoudiennes, dont le pays est pourtant l’allié inconditionnel des États-Unis. Ces femmes n’ont ni le droit de vote ni celui de conduire une voiture, contrairement aux femmes iraniennes.

L’Iran est une société archaïque qui persécute ses minorités religieuses?

L’islam domine le paysage religieux iranien, avec 85% de chiites et 12% de sunnites. Trois religions sont officiellement reconnus par la constitution de la République islamique: le Zoroatrisme (30 000), le Judaïsme (environ 25000) et le Christianisme (250 000). A ce titre, ces religions bénéficient de la liberté de culte, de la possibilité de gérer leur lieux de culte, et les questions de mariage, divorce et héritage sont gérées par des tribunaux religieux spécifiques. Ces trois religions sont représentées au parlement par cinq députés avec des sièges réservés.

Quant à la vision d’un pays fermé et archaïque, l’Iran d’aujourd’hui compte 70 % de jeunes. Ce pays est surnommé le «Bloguistan» en raison de la passion de cette jeunesse pour le Net et l’informatique. La société civile iranienne est porteuse d’un dynamisme et d’une effervescence que son cinéma, de plus en plus renommé au plan international, traduit bien.

L’Iran a voulu se doter de l’arme nucléaire?

L’Iran a subi quatre cycles de sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU et différents types de sanctions de la part des États-Unis et de ses alliés en raison de son programme militaire nucléaire supposé. Pourtant aucun rapport de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AEIA) n’a pu démontrer avec certitude que le programme nucléaire iranien avait une dimension militaire.

Mais le pays a payé un lourd tribut en terme de développement économique en raison de l’embargo qui lui a été imposé: médicaments,  nourriture, dépréciation du Rial, la monnaie iranienne.

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Ce que l’Iran a toujours clamé est qu’il dispose d’installations d’enrichissement d’uranium. Mais en tant que membre signataire du traité de non-prolifération (TNP), le pays a le droit de s’engager dans un programme nucléaire civil.

Sa centrale nucléaire située près de la ville de Bouchehr a d’ailleurs été construite en 1975 avec l’aide de l’Allemagne, puis menée à son terme par la Russie.

Pourtant, tandis que Téhéran a accepté des inspections répétées de l’AEIA, Israël et l’Inde s’y sont toujours refusés et n’ont jamais signé le TNP. Cela n’a pas empêché Benjamin Netanyahou d’agiter de façon dramatique à la tribune de l’ONU la menace que faisait peser, selon lui, un Iran nucléarisé sur Israël.

Pour rappel, l’Iran se trouve dans une zone géographique stratégique, coincée entre plusieurs de ses voisins, dont le Pakistan et Israël, qui possèdent l’arme nucléaire, même si Israël continue à le nier.

L’Iran soutient le terrorisme?

Le pays a connu plusieurs situations chaotiques au 20eme siècle. En 1953, le gouvernement démocratiquement élu du Premier ministre Mossadegh a été renversé par les Etats-Unis. En 1980, après l’instauration d’une République islamique, il a été attaqué par son voisin l’Irak, avec le soutien implicite des Etats occidentaux. Un million d’Iraniens mourront, dont beaucoup en raison de l’utilisation d’armes chimiques.

Dans les années 80, ses liens avec le mouvement chiite libanais, le Hezbollah, ont fait soupçonner la main de Téhéran derrière une série d’attentats à Paris et des prises d’otages au Liban. Avec la montée de l’Etat islamique au Proche et Moyen-Orient, l’Iran est cependant devenu l’allié inattendu des pays occidentaux dans la lutte contre l’organisation terroriste.

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