Le premier concours de la création originale de légumes est lancé. Alors que 80 % des variétés de légumes cultivées il y a cinquante ans ont disparu, ce prix est un moyen de résister à l’uniformisation et la standardisation de l’agriculture industrielle, et de contribuer à la biodiversité pour la terre et nos assiettes. Créateurs, à vos semis !

Si vous êtes un créateur en herbe du tubercule, un agro-trouvetou du potager, cette initiative peut vous intéresser. Il s’agit du premier prix de la création originale de légumes. Pour y participer, vous devez proposer des légumes originaux, bios et savoureux. Ce concours européen sera récompensé par deux beaux prix : 5 000 euros pour les maraîchers professionnels et 3 000 euros pour les jardiniers amateurs. Vous avez jusqu’au 15 juin pour vous inscrire via ce formulaire. Alors, jardiniers et maraîchers… à vos planteuses, à vos bineuses. Car sachez-le, en matière de légumes, créer, c’est lutter !

Du « Do It Yoursef » pour les semences

C’est la Fondation pour une Terre humaine, établie depuis 2001, qui est à l’origine de ce prix. Et si l’idée a germé, c’est que la Fondation constate que la création de légumes est plus répandue aux États-Unis que sur le vieux continent. Avec ce prix, elle espère découvrir des passionnés de toute l’Europe. Mais au fait… comment s’y prend-on pour créer des légumes ?

Jean-Louis Gueydon de Dives, président de la Fondation pour une Terre humaine, distingue deux manières de faire : « On peut repérer les variétés sauvages par exemple. On prend une plante intéressante dans la nature, on la replante et petit à petit on l’améliore. Autrement, une méthode consiste à marier des variétés entre elles pour en obtenir des nouvelles. Par exemple Tom Wagner avec sa variété de tomate Green Zebra ».

Pour Jean-Louis Gueydon de Dives, il est urgent de retrouver ces savoir-faires agricoles : « C’est du ’do it yourself’ (DIY). On se demande comment retrouver de l’autonomie en faisant des semences différentes ».

Les agriculteurs sont les premiers sélectionneurs

Claude et Stéphane Poupin, maraîchers bios dans le Sud-Finistère, n’ont pas attendu la création du prix pour s’inscrire dans cette démarche. Même si leur travail permet de créer les conditions nécessaires, Claude Poupin précise que « c’est souvent la nature qui fait le travail et qu’il faut ensuite stabiliser la plante ».

Pour la maraîchère, il est important d’apprendre à connaître les variétés : « Il faut les goûter, les cuisiner et les faire goûter, car tout le monde n’a pas les mêmes avis. Le goût et la rusticité, c’est très important ».

Ce modèle local pourrait répondre à la faim dans le monde, selon Ananda Guillet, directeur technique de Kokopelli : « On voit bien que le système d’entonnoir dans lequel l’industrie a plongé la biodiversité en allant toujours vers l’uniformisation et la standardisation de l’agriculture ne fonctionne pas du tout. Il y a 33 000 personnes qui meurent de faim tous les jours et ce ne sont sûrement pas les OGM ou les hybrides qui vont sauver ces gens-là ».

Une nécessité pour l’agriculture biologique

Si la Fondation pour une Terre humaine porte une attention particulière à la conservation de légumes, c’est que l’appauvrissement des variétés est une réalité. D’après le Réseau Semences Paysannes, 80 % des légumes cultivés, il y a cinquante ans, ont disparu. « Nous pensons qu’il faut reprendre ce que l’on a abandonné aux industriels qui ne créent que pour des marchés de masse », confie Jean-Louis Gueydon.

La perte est considérable pour la biodiversité et pour l’avenir de l’agriculture comme l’avait déjà expliqué Reporterre. Un point de vue partagé par Véronique Chable, ingénieure de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et membre du jury : « Il s’agit de reprendre un mouvement qui a toujours existé. Les semences ont accompagné les évolutions du monde paysan jusqu’à la fin du 19e et 20e où ça a été concentré dans les mains de semenciers et d’entreprises privées ».

Pour ces grands semenciers, une variété de légumes ne sera rentable que si la distribution se fait à grande échelle. Conséquences : certains maraîchers bios n’arrivent plus à diversifier leur production. « Ces semences paysannes répondent à un besoin d’agriculture biologique, d’agriculture paysanne qui s’adapte à l’environnement », conclut Véronique Chable.

 

Crédits dessin : Nessuno

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Comment séduire ce jury éclectique ?

Ami-e-s de la nature, pour remporter ce concours, vous devrez d’abord convaincre les six membres du jury. Et comme à Reporterre on est sympa, on vous donne quelques tuyaux :

Si vous n’étiez pas bon en math, pas de panique ! Edith Lammerts van Bueren, chercheure hollandaise au Louis Bolk, et Véronique Chable, de l’INRA, ne vont pas observer vos créations au microscope. Cette dernière va plutôt s’intéresser « à l’originalité et à la curiosité de celui qui va créer quelque chose. Ce qui compte, c’est que la démarche soit cohérente avec ce système semencier informel qui est en train de se développer ».

De son côté, Ananda Guillet de Kokopelli, indique qu’« on va essayer de sélectionner des variétés qui sont un minimum stable. Tous les critères sont importants : l’adaptabilité, la productivité, les nutriments, le gout et l’aspect ». Prenez-en de la graine !

Enfin, gardez à l’esprit que les légumes sont cultivés pour être mangés. Vos racines de persil gorgées d’eau risquent fort de désappointer Bernard Charret, chef du restaurant Les chandelles gourmandes et Imane Lauraux, traiteur et cuisinier bio.

L’idée ne doit pas seulement être originale : « Il faut qu’il se passe quelque chose dans la bouche », précise Bernard Charret. Un aspect gustatif auquel il faut rajouter l’accessibilité. Le chef tient à ce que le légume soit reproductible sans grande difficulté : « Si un produit trop difficile ne peut être reproduit que par quelques grands spécialistes, ça deviendra un produit snob et un produit réservé juste à une élite ».

Maintenant, c’est à vous de jouer. Et si vous suivez nos conseils, vous serez, espérons-le, présent pour les résultats du concours à Paris, en décembre prochain. Dans le cas contraire, ce n’est pas grave. Vous aurez contribué à la biodiversité pour la terre et nos assiettes… et c’est le principal.

L’article original est accessible ici