Par Réjane Ereau
.
L’image a fait le tour du monde : Mata Amritanandamayi, dite Amma, serrant dans ses bras des milliers de personnes. Sainte pour les uns, curiosité pour les autres, l’indienne bouscule plus qu’il n’y paraît. Qui est-elle ? Que bouleverse-t-elle ?

Un reflet sur une mer d’argent. Le soleil qui se couche sur l’océan. Il est 18 heures sur la plage d’Amritapuri, l’ashram édifié par Amma sur sa terre natale, au sud de l’Inde. Une lagune, des palmiers… et un immense sentiment de sérénité.

Hier encore, pourtant, l’idée de me retrouver là ne me faisait ni chaud, ni froid. « Puisque tu remontes vers Cochin, tu devrais t’arrêter voir Amma », m’avait conseillé le Dr Sambhu Pillai, médecin ayurvédique à Trivandrum. La fille qui fait des câlins au monde entier ? Vu par le prisme des reportages télé, son charisme ne m’avait pas frappée, son initiative me paraissait gentiment exotique. Mais connaissant Sambhu, son intuition et sa fine connaissance de l’âme humaine… Me voilà devant l’ashram. « Il y a trente ans, il n’y avait que des huttes, se souvient le chauffeur de taxi. Amma n’était pas aussi connue, on pouvait l’approcher facilement ! Maintenant, il faut faire la queue pendant des heures. Les gens d’ici n’ont pas vu grandir sa popularité d’un bon œil – elle attirait trop de monde. Mais désormais, ils sont contents : Amma les soutient et leur donne du travail. »

La porte franchie, avec ses échoppes, ses temples, ses tours d’habitation, ses disciples de toutes origines qui déambulent, conversent ou vaquent à leurs occupations, Amritapuri à tout l’air d’un village affairé. « Vous venez d’arriver ? m’interpelle une dame. Filez au petit temple, Amma y donne son darshan. Posez vos sacs, je vous les garde. » Etonnante bienveillance ! A l’intérieur, l’ambiance est au recueillement. Assis par terre, des fidèles vêtus de blanc tendent leur visage vers Amma. Dans leur regard, une douce ferveur. A leurs côtés, une vingtaine de personnes attendent leur tour en silence : touristes de passage, familles indiennes venues parfois de loin pour que la gourou les embrasse, bénisse un enfant, prodigue un conseil, résolve comme par miracle une difficulté…

La force de l’étreinte
A Amritapuri, ce jour-là, il suffit d’une demie-heure pour se retrouver devant elle. Dans la file, l’émotion est perceptible. Les gens avancent, Amma les enlace, leur susurre « mon fils chéri » ou « ma fille chérie » dans leur langue, leur glisse un bonbon et quelques cendres sacrées entre les mains.

Arrive mon tour. Ma nationalité ? « French. » Pendant qu’elle m’étreint, son assistante cherche fébrilement dans son ordinateur la formule en français. La tête entre ses seins, j’attends. Amma aussi. Tout à coup, nous éclatons de rire ; peu importe les mots, l’essentiel n’est pas là ! L’essentiel, c’est la sincérité de cette étreinte, la chaleur qu’elle incarne. Simple bon moment pour certains, sensation bouleversante pour d’autres.

« Un ami m’avait parlé d’elle, mais sur le moment, je n’avais pas fait très attention, raconte ainsi Nadouchka. Lorsque mon mari m’a offert un voyage en Inde, je m’en suis souvenue. En voyant sa photo sur le web, j’ai su qu’il fallait que j’essaie de la croiser. Mon époux a accepté que nous allions assister à l’un de ses darshans – sans attente particulière, juste par curiosité. Quand nous sommes arrivés, le lieu était noir de monde. Je me suis dit : “laisse tomber”. Plutôt que de me mettre dans la queue, je me suis adossée à un mur. De là, je l’ai regardée… ça m’a fait un coup au cœur. Deux minutes après, quelqu’un est venu m’aborder. “Vous n’avez jamais rencontré Amma ? Alors suivez-moi.” Nous avons remonté la foule jusqu’à l’estrade. Tout s’est passé très vite. Amma m’a prise dans ses bras. Son étreinte m’a transportée. Par ce simple contact, j’ai compris que j’étais protégée, que la vie avait un sens, qu’il ne fallait pas que je m’inquiète ni que je perde courage, malgré les terribles épreuves que j’ai traversées. …

.

L’article original est accessible ici