Par Olivier Petitjean

Le projet de barrage de Mphanda Nkuwa, sur le fleuve Zambèze au Mozambique, suscite la colère des écologistes et des riverains. Ils dénoncent un projet exclusivement conçu pour enrichir les élites politiques et les multinationales, sans véritable évaluation des risques pour l’environnement et les populations locales. Ce qui n’a pas empêché l’entreprise publique française EDF de chercher à s’investir dans le projet. Un groupe d’ONG internationales vient d’adresser une lettre ouverte à Henri Proglio et à tous les membres du Conseil d’administration d’EDF pour leur demander de se retirer du projet.

La lettre ouverte adressée au PDG d’EDF Henri Proglio et aux autres administrateurs du groupe (en grande partie, faut-il le rappeler, des représentants de l’État français) est lisible ici. Elle est signée par 26 organisations internationales en soutien à Justiça Ambiental, la branche mozambicaine des Amis de la terre, qui anime la lutte contre le barrage :

Ce barrage préoccupe les acteurs de la société civile mozambicaine au vu du non-respect des bonnes pratiques en usage : absence de prise en compte des impacts en aval, inquiétudes relatives à la corruption et manque d’analyse sérieuse des alternatives énergétiques du pays. De plus, la viabilité et le rendement de ce barrage sont rendus aléatoires par la sous-estimation du risque sismique et l’absence totale de prise en compte des impacts du changement climatique. (…) C’est pourquoi nous demandons à EDF de se retirer d’un projet comportant de si hauts risques sociaux et financiers. Le gouvernement mozambicain, comme EDF dans ses projets d’investissements à l’étranger, doivent s’assurer que les standards de bonnes pratiques sont respectés.

Le fleuve Zambèze est déjà doté de deux grands barrages, celui de Karimba au Zimbabwe (qui menacerait d’ailleurs actuellement de s’écrouler) et celui de Cahorra Bassa, à seulement 70 kilomètres du site prévu pour Mphanda Nkuwa.

Selon les critiques, on retrouve à Mphanda Nkuwa tous les pires problèmes généralement associés aux grands barrages. Le projet est surtout conçu en fonction des intérêts des élites au pouvoir et des entreprises multinationales intéressées par sa construction ou par l’achat de son électricité : sont impliquées dans le projet la firme sud-africaine Eskom, la chinoise State Grid, la brésilienne Eletrobras et la française EDF… Et les risques pour l’environnement et pour les moyens de vie des populations locales sont traitées de manière cavalière.

L’affaire est une nouvelle illustration des velléités d’expansion d’EDF dans le secteur des grands barrages au niveau mondial. L’entreprise publique française – qui opère 80% de la capacité hydroélectrique nationale, ce qui en fait le premier producteur européen – a déjà construit le barrage de Nam Theun 2 au Cambodge, et lorgne vers de nouveaux projets en Amazonie. Au Mozambique, EDF est d’ailleurs étroitement associée à Electrobras, son homologue brésilienne, avec laquelle elle a conclu un partenariat global.

L’entreprise française a toujours promis qu’elle se conformerait aux plus stricts standards sociaux et environnementaux en matière de grands barrages. En ce qui concerne Mphanda Nkuwa, cela reste largement à démontrer.

Source : http://multinationales.org/La-societe-civile-appelle-EDF-a-se