Des « Marches indignées » aux « Marches de la dignité ».

 Difficile de répondre à cette question, vu que son influence ne s’est peut-être pas encore estompée. Le 15-M, qu’est-ce que c’était ? Ou plutôt, s’il est toujours d’actualité : qu’est-ce que c’est ? Il semble qu’on le voit projeté dans les « marées », dans la diversification des protestations, dans les nouvelles formes de lutte. C’est comme si le 15-M était en train de muter, de se transformer, bien qu’il paraisse parfois ressurgir tel quel, comme c’est le cas pour les Marches de la dignité qui ont récemment eu lieu à Madrid.

Cela n’a échappé à personne que ces marches sont des répliques quasi-identiques des « Marches indignées », qui ont parcouru la péninsule « du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest » il y a environ trois ans ; mais cette fois, ça oui, elles comportent bien plus de drapeaux (là où les premières ne comportaient que des idées et des slogans), tout en gardant le même esprit de lutte et de rejet d’un gouvernement qui « ne représente pas le peuple ».

Aujourd’hui, cet enthousiasme se réactive, cette chose contagieuse du commun ; et les citoyens descendent dans la rue, recouvrant d’humanité et de civisme les places ainsi que les espaces publics.

Face à cet exercice de civisme et de démocratie, le pouvoir réplique également de son côté, avec la même réponse consistant à tenter de criminaliser les manifestations. Comme s’il n’y avait aucune raison de protester dans la rue !

La déléguée du gouvernement réitère ses mesures, mais cette fois avec 1 700 agents, pour « protéger les libertés ». Et après, elle déclarera que les dégâts ont été causés par une petite minorité de vandales. Quel manque d’efficacité ! Quelle mauvaise foi ! Comment se fait-il que tous ces agents, auxquels s’ajoutent les centaines d’infiltrés parmi les manifestants, aient été incapables de neutraliser quelques petites dizaines de vandales ? Serait-ce parce qu’ils ne voient pas d’intérêt à les neutraliser ? Serait-ce parce qu’il leur faut la présence de vandales pour justifier leur propre présence ?

En tout cas, pour en revenir à ce qu’était/est le 15-M, on en a dit beaucoup de choses : j’ai compilé une centaine de livres (1) qui parlent de ce phénomène social, ou qui y sont liés.

Aujourd’hui cependant, nombreux sont ceux qui tiennent le 15-M pour mort : il s’agit principalement de ceux qui le voyaient comme un phénomène organisationnel médiatique et trop voyant. D’autres l’ont analysé avec plus de profondeur : ils ont défini le 15-M comme étant une « atmosphère », un « état d’âme », une « sensibilité »… ou bien peut-être les trois à la fois, ainsi qu’une « attitude digne face à la vie ». Peut-être que ce qui s’est matérialisé pendant les jours autour du 15 mai 2011, c’était une attitude morale de rébellion citoyenne face à l’injustice, au mensonge, à la corruption, à la violence, au manque d’empathie et de sensibilité humaines. Dire « assez ! » à des valeurs et à un modèle de société où autrui est un concurrent dans la « jungle sociale darwinienne ».

En outre, on n’a pas fait que dénoncer : on a aussi commencé à montrer comment faire. Dans la mini-ville construite sur la place de la Puerta del Sol, on a commencé à pratiquer la collaboration, l’intégration de la diversité, l’interaction, l’intelligence collective, l’horizontalité, la culture du copyleft où la richesse vient du partage, et non de l’exclusivité. Une autre direction mentale où les choses acquièrent plus de valeur au fur et à mesure qu’elles sont utilisées, comme la connaissance, les relations, les créations… Plus on les utilise, recrée, modifie et réactualise, et plus elles gagnent en force et en importance : contrairement à la direction de la culture de la possession, où la valeur provient du fait d’être unique, isolé et exclusif.

Serions-nous dans une sorte de réactivation du 15-M, un « 15MReload » (2) ?

Il est impressionnant de voir la quantité de choses (3) qui ont surgi, teint, muté ou convergé à partir du 15-M. Je vous recommande de consulter la « carte » mentale avec toutes ses dérivations à l’adresse suivante (en espagnol) : http://autoconsulta.org/mutaciones.php .

Avec les Marches pour la dignité, peut-être entrons-nous dans une nouvelle phase du 15-M, qui peut être très différente de ce que l’on a vu jusque là, bien qu’elle porte encore son germe initial.

Si le 15-M a quelque chose à voir avec cette « attitude digne face à la vie », alors cette nouvelle culture se développe et s’élargit au fur et à mesure que des gens y prennent part. Comme dans ces Marches pour la dignité, qui sont un pas de plus dans le progrès qui connaît en ce moment l’autonomisation des citoyens.

Rafael de la Rubia

Groupe de travail « Autosaisine citoyenne »

15MReload

 Notes

(1) Voir les livres liés au 15-M à cette adresse (en espagnol) : http://autoconsulta.org/libros.php

(2) Voir le texte sur le 15MReload « Réactiver le 15-M ? » à cette adresse (en espagnol) : http://autoconsulta.org/15mreload.php

(3) Voir les mutations, projections, alternatives et convergences du 15-M à cette adresse (en espagnol) : http://autoconsulta.org/mutaciones.php

(Traduction de l’espagnol : Thomas Gabiache)