(NdT : pour comprendre quatorze ans de désinformation dans Libération, le Monde, les Échos, le Figaro, l’AFP, TF1, RFI, France-Inter, RTL, etc…, on gagne à remonter à la “matrice”. Les français ne font en général que traduire avec un jour de décalage ce que disent les médias privés dominants du Venezuela ou des États-Unis.)

Par Joe Emersberger- ZNet

Un des mensonges que martèle sans relâche la presse internationale est que “l’opposition est muselée au Venezuela”. Il est certain que le gouvernement, depuis le coup d’État qui l’a renversé brièvement en 2002, a fortement travaillé pour modifier le paysage médiatique. On est passé d’une situation où un média appartenant à un oligarque avait tellement de pouvoir qu’il était capable d’organiser un coup d’État, au paysage actuel où – si on lit attentivement l’étude détaillée des médias télévisés du Centre Carter – ces médias conservent un avantage, qui n‘a plus rien de commun cependant avec ce qu’il était il y a dix ans.

Une analyse attentive montre que la facilité avec laquelle, en mai dernier, l’opposition a diffusé l’enregistrement de Mario Silva dans l’ensemble des médias, est aux antipodes d’un quelconque baillonnement..

Par ailleurs le rejet public généralisé des médias privés a modifié la donne sur les dix dernières années, et cela n‘incombe pas simplement à l’action du gouvernement.

Les médias privés n’ont pas seulement été le fer de lance du coup d’État de 2002. Ils ont aussi appuyé un sabotage économique massif. La presse internationale a usé d’un langage apocalyptique pour décrire les malheurs économiques actuels du Venezuela en omettant de dire que l’économie a crû en 2013 (1). Par contraste, lors du coup d’État  médiatique du début des années 90, l’économie s’est contractée de 30% sous l’effet combiné du putsch militaire-patronal et du sabotage économique. Ces destructions appuyées par les médias privés ont valu à leurs propriétaires et journalistes une forte hostilité de la part des millions de personnes gravement touchées.

Une conférence de presse du leader de la droite vénézuélienne Henrique Capriles Radonski (2013)

Cet article d’AP est donc “typique” dans sa manière de dépeindre un gouvernement “resserrant son emprise” sur les médias (2). Cependant une phrase très curieuse y apparaît :

Les propriétaires-fondateurs de la chaîne Capriles ne sont pas directement liés au politicien dont ils partagent le nom.

Ce qui revient à dire que les fondateurs du plus grand conglomérat de presse écrite du Venezuela ont “un lien” avec Henrique Capriles, le leader de la droite vénézuélienne.

L’auteur de l’article, Fabiola Sanchez, est obligée de mentionner ce fait embarrassant. Il serait difficile en effet, même pour AP, de ne rien dire de l’homonymie du géant médiatique et du  leader de l’opposition. Des lecteurs, mêmes occasionnels et pas très bien informés, pourraient se gratter le crâne. Sanchez pourrait aussi mentir en disant qu’il n’y a “pas de lien”, elle a donc écrit “pas de lien direct” dans une faible tentative d’éviter de parler de la vraie nature des médias vénézuéliens.

Au lendemain des élections municipales du 8 décembre, la mise à jour d’Associated Press prolonge le mensonge : l’article d’AP admet à contrecœur que l’opposition n’a pas réussi à faire une percée significative aux élections municipales de dimanche, le gouvernement et ses alliés ayant remporté la majorité des mairies et du suffrage populaire global.

Caracas, décembre 2013 : les citadin(e)s envahissent peu à peu les rues pour les achats de Noël.

Mais une vraie dépêche d’AP sur le Venezuela ne saurait se passer de « bourdes ». Par exemple, l’article prétend que « les difficultés économiques du Venezuela se sont approfondies, avec une inflation qui atteint un sommet, sur les deux dernières décennies, de 54 pour cent… »

En 1996 (c’est à dire il y a deux décennies), le taux d’inflation au Venezuela était de 99,9% selon les données du FMI. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme AP, l’inflation actuelle n’est pas « la plus forte en deux décennies ». En outre, un examen des données du FMI citées ci-dessus montre que l’inflation moyenne était d’environ 40% au cours des 15 ans qui ont précédé l’élection de Hugo Chavez à la présidence. A partir de là, le taux d’inflation a été en moyenne d’environ 25% (même si l’on inclut la pointe de 2013 qui n’est pas encore reprise dans les données du FMI)…

Bonne chance si vous voulez trouver ces chiffres, pourtant faciles à vérifier, dans un média privé ! Les mensonges par omission facilitent la malhonnêteté d’airain de AP.

Notes :

(1) Lire « L’apocalypse tant espérée n’aura pas lieu »,  http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/11/10/venezuela-lapocalypse-tant-esperee-naura-pas-lieu/

(2) Voir « Noam Chomsky, Greg Grandin, Michael Moore, Oliver Stone et une douzaine d’experts états-uniens demandent au New York Times d’enquêter sur sa désinformation quotidienne au sujet du Venezuela »http://wp.me/p2ahp2-TZ

Le cinéaste Oliver Stone a rencontré ce mercredi 11 décembre 2013 le président Maduro, à qui il a offert une copie et une affiche de son récent documentaire “L’histoire non contée des États-Unis”. En août 2009, à l’occasion de la projection de “South of the border” à la Mostra de Venise, Stone expliquait : “Les médias mainstream aux États-Unis font campagne contre les gouvernements progressistes d’Amérique Latine. Or, le manque de liberté d´expression que dénoncent les médias et l’opposition vénézuélienne est un mensonge. Celui qui va au Venezuela se rend compte que 80, 90 % des médias sont contre Chavez. Ils disent des choses trés dures sur lui et il le tolère. Il ne punit pas ces personnes, elles sont toujours en place. Aux États- Unis cela ne se passerait pas ainsi.

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Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

Source : http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/12/14/associated-press-et-le-mythe-de-lopposition-muselee-au-venezuela/