Portique de prélèvement de l’écotaxe portant une bannière d’opposition à la mise en place de la taxe poids lourds à hauteur de Bignan dans le Morbihan.

La mobilisation contre l’écotaxe en Bretagne manifeste sous une forme contestable et pour partie dévoyée la colère populaire qui monte contre une politique économique et écologique dramatiquement inadaptée aux enjeux actuels. S’il poursuit dans cette voie le gouvernement de François Hollande va dans le mur. Un premier signe de réorientation passerait par la suspension de la hausse prévue de la TVA au 1er janvier.

 

La révolte bretonne contre l’écotaxe est elle une manipulation patronale ou une juste lutte pour l’emploi ? Selon certains, le Medef et la FNSEA, principaux responsables de l’échec du « modèle breton » avec leurs choix productivistes et polluants, réussiraient ainsi à se dédouaner tout en torpillant toute fiscalité écologique. Pour d’autres, le mouvement veut légitimement défendre l’emploi et le pouvoir d’achat contre la politique économique et fiscale désastreuse du gouvernement.

Ces thèses apparemment contradictoires sont en réalité toutes deux exactes. Dans la récente manifestation de Quimper, où agriculteurs, patrons et ouvriers de l’agro-alimentaire défilaient ensemble contre l’écotaxe, c’est le recours aux symboles historiques et culturels (le bonnet rouge, le drapeau breton) qui a fait tenir ensemble, peut-être provisoirement, ces deux dynamiques.

Le grand responsable de cette confusion, c’est le gouvernement de François Hollande. Il fournit sur un plateau à la droite et aux oligarques de Bretagne (et d’ailleurs) foison d’arguments pour capitaliser sur la colère populaire. En cause : une politique fiscale aberrante et une politique de transition écologique inexistante.

François Hollande s’est rallié au credo du Medef sur la compétitivité : 20 milliards d’exonérations supplémentaires (le « crédit d’impôt compétitivité-emploi ») seront financés par la hausse de la TVA au 1er janvier prochain et par de nouvelles coupes dans les dépenses publiques. Pour réduire à marche forcée les déficits publics comme l’impose le Traité budgétaire européen accepté par la France, il a alourdi l’impôt sur le revenu (gel du barême, suppression d’avantages pour les familles) et va augmenter les cotisations sociales (réforme des retraites). Au moment où les salaires stagnent et où le chômage explose, les ménages aux revenus moyens ou faibles perçoivent toutes ces hausses comme une agression fiscale.

Dans ce contexte l’écotaxe est le bouc-émissaire idéal pour le patronat. Elle avait pourtant au départ d’excellentes justifications : accroître le coût du transport routier pourrait aider une démarche cohérente de relocalisation des productions et de transition écologique. Mais l’écotaxe issue du Grenelle de Sarkozy n’est qu’une caricature de taxe écologique.

D’abord parce qu’elle ne touche que les transports sur les routes et autoroutes gratuites, épargnant l’essentiel du trafic de longue distance qui passe par les autoroutes à péage – privatisés à bas prix par la droite en 2006. Ensuite parce que le partenariat public-privé confié dans des conditions douteuses à l’entreprise Ecomouv est une véritable spoliation, puisque 20% des recettes attendues iront au partenaire privé. Et ce, même si l’écotaxe n’entre pas en vigueur, du fait des pénalités prévues au contrat. Enfin parce que ces recettes n’iront pas au financement d’une politique de transition écologique dans le domaine des transports.

Car l’écotaxe illustre aussi la démission du gouvernement en matière de transition écologique. On prétend vouloir décourager le transport routier, mais où est le plan de développement massif du ferroutage et de transport ferroviaire de marchandises ? Dans les faits la SNCF poursuit son désengagement accéléré du fret ferroviaire via sa filiale Geodis. En Allemagne au contraire la Deutsche Bahn le développe massivement : les modes alternatifs au routier représentent 11% du trafic de marchandises en France contre 30% Allemagne.

Pour Attac la crise sociale et écologique impose une réorientation radicale :

  • une politique fiscale à la fois fortement redistributive (renforcer l’impôt progressif sur le revenu et les grandes fortunes, taxer la finance) et écologique (taxe sur les émissions de CO2 et les transports au long cours)
  • une politique de l’emploi axée sur la réduction du temps de travail et des investissements massifs dans la transition écologique : transport ferroviaire, énergies renouvelables, économies d’énergie…
  • un soutien à la relocalisation des productions

Dans l’immédiat ce n’est pas d’abord l’écotaxe qu’il faut suspendre mais la hausse de la TVA au 1er janvier 2014, qui va amputer le revenu des catégories populaires et aggraver la récession.

Source : http://www.france.attac.org/articles/ce-nest-pas-lecotaxe-quil-faut-geler-cest-la-tva