Après avoir négocié avec les organisations sous-régionales (Cemac, Cedeao, Sadc, Esa, Caraïbes, Pacifique), l’Union Européenne (UE) a maille à partir avec ces pays qui ne semblent pas tous avoir la même appréciation des Accords de Partenariat Economique (APE).

En accédant à la signature des APE, les pays concernés obtiennent la suppression de droits de douane sur les produits originaires de leurs pays qui entrent dans l’UE. Ce qui est une aubaine pour le pays africains qui trouvent l’occasion de faire un challenge économique sur le marché de l’UE non sans réduire l’écart socio-économique qui existe entre Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), et l’UE. Mais les droits de douanes seront également supprimés sur les produits originaires de l’UE lors de leur entrée dans les pays signataires. Les pays ACP pensent que cette ouverture du marché africain aux produits de l’UE ne permettra pas une émergence de leurs industries.

Le Cameroun, pour sa part, a signé le 15 janvier 2009 l’accord d’étape des APE. Le pays s’engageait ainsi à libéraliser progressivement 80% de ses importations sur une période de 15 ans. Disposition prise par l’UE en application provisoire de l’APE d’étape. Reste la ratification qui semble aujourd’hui plongée dans les affres du doute que l’Etat camerounais a à propos de ces accords. Du coup, l’UE met la pression sur les pays ACP qui, comme le Cameroun, hésitent à ratifier les APE. En effet, l’UE envisage de réviser le règlement 1528 : il s’agit de retirer ces pays de la liste des pays qui bénéficient des préférences et n’ont pas pris les mesures nécessaires en vue de la ratification des APE d’étape ou régional.

Selon le quotidien Mutations, le 13 octobre 2013, alors qu’il était l’invité du Club de la presse de la section camerounaise de l’Union de la presse francophone (UPF), Raul Matteus Paula, le chef de la Délégation de l’UE au Cameroun, a déclaré que le processus de la signature des APE est enclenché et devrait s’achever au plus tard en octobre 2014.

La société civile contre les APE

Depuis le début des négociations sur les APE en 2004, la société civile camerounaise n’a pas baissé la garde. Pendant plus de 10 ans, elle a critiqué et démontré par des termes plus simples que la signature des APE était économiquement suicidaire pour le Cameroun. 25 organisations de la société civile se sont réunies à Yaoundé à l’initiative des Jeudi de Cotonou, agissant en partenariat avec Dynamique Citoyenne, et ont dévoilé leur position sur les APE en cinq points :

– Il est absolument indispensable de sauvegarder et d’accentuer les efforts des pays d’Afrique centrale pour l’intégration régionale et d’éviter tout engagement de nature à compromettre cette intégration ;

– Les études sur l’impact de l’APE doivent être consolidées et acceptées par les deux parties ainsi que la comparaison avec le régime SPG (Système de Préférences Généralisées) de l’Union européenne ;

– Les nombreuses clauses de rendez-vous contenues dans l’accord et qui le rendent inapplicable doivent être respectées et les négociations reprendre sur tous les points en suspens ;

– La réouverture des négociations au niveau sous régional doit être effective avec un assouplissement de l’UE et la prise en compte de l’aspect développement dans l’APE avec l’Afrique centrale ;

– Le Cameroun, dans son effort pour un APE régional, doit se conformer au mandat de négociation de l’Afrique centrale pour une ouverture plafonnée à 70%.

Le gouvernement faiblit

Bien que soutenu par la société civile, le gouvernement camerounais semble lâcher du lest ces dernières années. Dans le courant du mois de juillet dernier, des informations assez concordantes, suffisamment relayées dans la presse nationale, faisaient état de ce qu’une importante réunion avait eu lieu à la présidence de la République au sujet de la ratification des APE. Cette réunion était présidée par Séraphin Magloire Fouda, secrétaire général adjoint de la présidence de la République en charge des dossiers économiques. Les ministres de l’économie, de l’agriculture et du développement rural, du commerce, des petites et moyennes entreprises et des relations extérieures, étaient également de la partie.

Pourtant, le regroupement patronal Entreprises du Cameroun (E-Cam) a pris position contre la ratification des APE. Son président Protais Ayangma a été ferme sur la question : «Le Cameroun a plus à perdre qu’à gagner en signant ces accords» a-t-il confié au Quotidien de l’économie. Il va plus loin avec une analyse caricaturale : «Il s’agit de mettre sur un même ring de boxe, un poids lourds et un poids léger. Il est difficile de penser que nous pouvons faire face à des économies compétitives et parfois subventionnées.»

Enfin, il est temps de changer la politique de coopération au développement entre UE et les ACP. Aujourd’hui, le processus des APE apparaît bloqué, inadapté et dangereux. Depuis 8 ans, les négociations sont bloquées parce que ces accords sont jugés inadaptés et dangereux par les pays ACP pour leur économie. Des pays comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire qui ont déjà signé les accords intérimaires assistent à une menace directe sur la cohérence des démarches d’intégration régionale.

Dans son rapport de la session 2011 sur les APE entre l’UE et 79 pays d’Afrique, l’assemblée parlementaire de la francophonie indique que les voies de sortie de cette impasse ne sont malheureusement pas évidentes. Il est difficile à l’UE de renoncer au processus, d’une part en raison des accords même partiels déjà signés, d’autre part du fait du travail accompli et de l’investissement mis dans la négociation. Il lui est également difficile de surmonter les problèmes structurels et de mener les discussions sur une base nouvelle, associant intimement ses services chargés du développement et ceux qui suivent la négociation commerciale. Il est tout aussi difficile pour les pays ACP de quitter purement et simplement la table de négociation, compte tenu des relations étroites qui continuent d’exister avec l’UE, en termes de commerce, d’aide et de renforcement des capacités.

Le problème dépasse désormais le niveau technique et se situe à un niveau exclusivement politique :

– ou bien l’UE réussit à reprendre l’initiative en dépassant le stade des échanges de vues entre les ministres sectoriels pour envisager une réflexion entre les chefs d’Etat et de gouvernement. Il leur faudra définir clairement les objectifs afin que le Conseil donne un mandat précis à la Commission sur cette base. Cela permettra de retrouver des leviers dans les négociations.

– ou bien les deux parties décident d’enterrer plus ou moins discrètement le processus et de repartir sur de nouvelles bases. Il n’est donc plus possible de maintenir l’illusion d’une conclusion prochaine des négociations, alors que les objectifs initiaux ne sont plus au rendez-vous et que la volonté politique faiblit.