Par Emmanuel Poilâne, directeur de France Libertés.

Certains diront qu’il s’agit d’un incident mineur, d’autres que l’empressement français à interdire l’espace aérien au Président bolivien est un signe de notre rapport de dépendance aux USA. Pourtant, je pense que l’important n’est pas là. La question que nous devrions nous poser est celle-ci : accepterions-nous que l’on nous fasse l’affront que nous faisons subir à la Bolivie ?

Le monde change et l’Occident doit modifier ses habitudes avant qu’il ne soit trop tard ou nos pays seront emportés par un autre changement qui nous sera imposé de l’extérieur. La mondialisation est là. Ne la subissons pas. Participons à la faire évoluer sur la base de nos valeurs et non de nos peurs.

Nous devons repenser notre rapport aux pays du monde dans toute leur diversité et faire preuve d’humilité pour réinventer les liens qui nous unissent aux différents continents. Ce qui s’est passé, mercredi soir, pour le Président Bolivien et hier les représailles qui ont eu lieu en Bolivie sont, de ce point de vue, très intéressant à analyser.

Certes, la Bolivie est un petit pays d’Amérique du Sud. Certes, c’est un petit pays « pauvre » de surcroît. Certes, le géant américain est furieux et prêt à tous pour récupérer le lanceur d’alerte Edward Snowden. Mais devons-nous réagir comme des enfants apeurés dans une cour d’école ? Peut-être pourrions-nous nous poser la question de notre regard sur le monde et de l’ambition qui pourrait être la nôtre de peser autrement sur les enjeux internationaux ?

Plus qu’un petit pays pauvre, la Bolivie devrait aujourd’hui attirer tout notre respect. Ce pays devrait être présent dans tous les esprits comme celui qui a permis avec l’Equateur de porter la résolution pour le droit à l’eau pour tous à l’Assemblée Générale des Nations Unies en juillet 2010. Cet évènement essentiel, passé quasiment inaperçu dans nos médias occidentaux, porte pourtant un espoir de paix essentiel pour l’Humanité. C’était une victoire inespérée et centrale portée par deux petits pays.
Nous devrions aussi avoir à l’esprit que la Bolivie est, aujourd’hui, un pays qui porte le droit de la nature, ce qu’ils appellent la Pacha Mama et que loin de notre économie consumériste et destructrice, cette notion porte des valeurs qui pourraient s’avérer essentielles dans le rapport à la soutenabilité des activités humaines pour les prochaines décennies.

Cet accident n’est pas une première. La France avait déjà commis un impair majeur en mars 2012 vis-à-vis du Président du Niger et c’est une bien mauvaise habitude du pays reconnu dans le monde entier comme étant le pays des droits de l’Homme.

Cessons d’avoir peur de notre ombre, regardons en face le monde qui change et respectons ces petits pays comme si ils étaient des pays puissants. Intéressons-nous à eux et leurs cultures car ils nous aiderons probablement à imaginer ensemble le monde que nous espérons pour nos enfants.
Ne rentrons pas dans le jeu des américains prêt à tout pour sauvegarder leur puissance de renseignements quitte à écraser tout ce qui se présente en face d’eux.

Nous sommes un grand pays de valeurs humanistes, reconnu pour son Histoire. A nous de forger notre action au présent pour être fier de notre Histoire tout en participant à construire un nouveau monde respectueux de tous les peuples de la terre.

Source : http://www.france-libertes.org/La-Bolivie-merite-mieux-de-la-part.html#.Ud-NltJM-aI