Le premier jour de la partie formelle de la Conférence sur les conséquences de l’utilisation des armes nucléaires ICAN s’est terminé aujourd’hui [le 02.03, ndlt] avec un flot continu d’information expliquant à quel point même un échange limité de nucléaire laisserait survivre une partie de l’humanité, qui préférerait ne plus être en vie.

Selon les organisateurs, près de 440 participants venus de 70 pays et de tous les continents se sont réunis à Oslo pour la réunion organisée par International Campaign Against Nuclear weapons, la Campagne Internationale contre les Armes nucléaires.

La session matinale a commencé par des présentations allant des bases de la physique au sujet de l’activisme, de la conférence intergouvernementale, et de la religion. Le cardinal John Onaiyekan, l’archevêque d’Abuja, Nigéria, a étendu le sujet de l’immoralité d’utiliser des armes nucléaires à l’immoralité d’utiliser quelque arme que ce soit.

Gry Larsen, le Secrétaire d’État du ministère des Affaires Étrangères a évoqué le rôle de l’État norvégien dans l’organisation de la conférence intergouvernementale et la nécessité d’une forte implication de la société civile. « Sans la société civile, nous n’atteindrons pas nos objectifs », a-t-elle dit.

Se référant à la conférence intergouvernementale, elle a mis à jour les informations en expliquant que 132 pays participeront le lundi et le jeudi, et en ce qui concerne l’absence du P5, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne), elle a cité le Ministre des Affaires Étrangères norvégien : « Leurs arguments n’étaient pas très convaincants ».

Le véritable objectif de la conférence, les conséquences humanitaires, a brutalement été présenté lors de la séance plénière de l’après-midi, tout d’abord par le biais des douloureux témoignages de deux survivants à la bombe. Rev. Yutama Minabe, dont les parents et le frère aîné ont survécu au bombardement d’Hiroshima, naissait peu après. Il a dit la honte, le silence et la discrimination que les survivants devaient affronter, outre les taux élevés de cancer et de mortalité. Il a expliqué comment sa famille a presque uniquement survécu grâce à son père qui avait été forcé de travailler pour l’armée et avait ainsi accès à la nourriture et aux soins.

Le Docteur Terumi Tanaka était à Nagasaki, il a survécu au bombardement et a raconté l’horreur des premiers jours suivant l’explosion. Les morts, les incendies, la rivière pleine de corps, le désespoir des gens cherchant en vain leurs proches. Un témoignage vraiment émouvant que tous les politiciens du monde devraient pouvoir écouter.

Par la suite, les scientifiques se sont succédé, le Dr Andy Haines de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, le Dr Alan Robock de l’université américaine de Rutgers, le Dr Ira Helfand de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire et le Dr Rianne Teule de Greenpeace International nous ont fourni de stupéfiantes explications.

Leurs explications étaient brillantes mais dévastatrices. Un échange de quelques bombes entre l’Inde et le Pakistan, par exemple, dégagerait assez de fumée pour nuire au soleil, particulièrement dans l’Hémisphère Nord, réduire les températures globales jusqu’à créer un hiver nucléaire et plonger des millions de personnes dans la famine.

En sachant que les réserves de nourriture ne dureraient pas plus de soixante jours, il est évident que la famine toucherait également les habitants des territoires qui n’auraient pas été bombardés.

Le Dr Helfand nous a éclairés sur les terribles conséquences d’un bombardement à New York : dans un rayon de 3 km et en un millionième de seconde, les températures seraient plus élevées que celle de la surface du soleil, dans un rayon de 6 km, l’onde de choc provoquerait la destruction et la mort de tout être vivant, dans un rayon de 9 km, une boule de feu brûlerait instantanément tout matériel inflammable et absorberait tout l’oxygène existant. Au-delà, les destructions seraient moins grandes mais tout de même significatives. Telles seraient les conséquences immédiates, sans compter l’empoisonnement par rayonnement et les effets sur le climat ultérieurs.

Le Dr Teule de Greenpeace a relié le problème des armes nucléaires avec celui de l’énergie nucléaire et la stigmatisation des problèmes de radioactivité mis en évidence et auxquels les gens font face en raison des réserves de combustibles nucléaires et de l’utilisation de matériaux radioactifs lors des guerres du Moyen-Orient.

Les scientifiques ont insisté sur le fait que leurs exemples ne sont que cela, des exemples, mais leurs chiffres sont toujours sous-estimés par rapport à la réalité, et qu’ils ont toujours défié leurs collègues d’y trouver des erreurs ou d’obtenir des données plus précises. Mais les résultats sont toujours les mêmes : la Terre connaîtra un hiver nucléaire et l’humanité sera menée à l’âge du désastre. Et dans leurs exemples, les scientifiques travaillent avec la détonation d’une petite partie des 19 000 têtes nucléaires estimées dans le monde.

Lors de l’échange, le Dr Helfand a fait part d’une intéressante remarque : deux générations sont nées depuis le Guerre Froide et sont ignorantes quant au problème nucléaire, et les générations antérieures veulent véritablement oublier cette horreur après la peur des années 1960, 1970 et 1980. C’est aux jeunes générations de s’informer et de faire pression en faveur du désarmement.

Un sujet qui n’a pas été abordé avant mais qui semble incontournable dans cette réunion est le fait que toute attaque nucléaire causerait de telles conséquences sur l’alimentation en électricité et en combustible qu’après quelques temps, les centrales nucléaires commenceraient à surchauffer, s’arrêteraient puis exploseraient. Ajoutez cela à un hiver nucléaire et un manque de soleil, et l’atmosphère serait radioactive.

À la lumière de ces informations, il devient clair qu’il n’existe aucune justification à la simple possession d’arme nucléaire, et que ce soit à dessein ou par accident, une guerre nucléaire n’affecterait pas uniquement ses belligérants : elle dévasterait l’humanité et toute forme de vie sur la planète. Savoir si ces armes sont légales ou non devient un débat stérile.

L’absence du P5 ne peut être vue autrement que comme un enfant se bouchant les oreilles parce qu’il ne veut pas entendre parler de l’heure du coucher. Le système militaire, industriel, économique, éditorial et gouvernemental en place réalise des profits hallucinants grâce à l’industrie des armés nucléaires et ne veut aucunement entendre ces arguments.

Il reste donc l’espoir que, même en l’absence du P5, le reste du monde soit si perturbé par les descriptions graphiques des conséquences humanitaires qu’il négociera un traité pour abolir les armes nucléaires, et le P5 n’aura d’autre choix que d’écouter la voix de l’humanité.

Traduction de l’anglais : Jordana Do Rosário