Par Jean-Marie Collin (*)

Dans moins d’un mois [ NdE. Mise à jour de date : 4-5 Mars 2013 ] va s’ouvrir, sous la présidence de la Norvège, une conférence intergouvernementale à Oslo sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. La Norvège lutte pour le désarmement nucléaire via différents moyens. Son fonds de pension, le plus important au monde, en est-il un ?

Le fonds de pension public de la Norvège, vient de décider de vendre toutes les parts qu’il détenait dans les différentes compagnies américaines Babcock & Wilcox (0,67 %) et Jacobs Engineering Group Inc (1,1 %). Ces deux entreprises sont directement liées dans la production de matière fissile nécessaire aux ogives nucléaires et dans la maintenance de ces armements. La politique éthique de ce fonds interdit en effet tout investissement dans ce type d’industrie.

Origine : Fort de 698 milliards de dollars,  créé en 1990, ce fonds rassemble les revenus tirés de l’exploitation des ventes de pétrole norvégien. C’est la Norges Bank, banque centrale de ce pays, qui le gère directement. Depuis le 1er décembre 2004 et la mise en place d’une nouvelle politique d’investissement en matière éthique, il a été décidé d’exclure tout investissement dans des entreprises où il y a :

  • Non respect des droits de l’homme, travail des enfants.
  • Dégradation de l’environnement.
  • Violations particulièrement sérieuses des normes éthiques fondamentales.
  • Corruption massive.

Ce sont évidemment les entreprises de l’armement qui ont été le plus “affectées”. Ce ne sont pas toutes les entreprises de ce secteur, mais principalement celles qui produisent ou qui participent (activités de maintenance) à la production d’armes de destruction massive (nucléaire, chimique, biologique) ou d’armes interdites par des Conventions (mine antipersonnel, sous-munitions) ou encore faisant l’objet d’interrogation (les armes à uranium appauvri) sur l’effet qu’elles peuvent produire sur la santé et l’environnement.

Politique publique et politique étrangère : La banque centrale est un organisme public. C’est le ministère des Finances qui annonce les exclusions ou la réintégration de sociétés dans ce fonds. Mais est-il pour autant un des piliers d’action de la politique étrangère de la Norvège ? Selon une récente déclaration de la Secrétaire d’Etat aux Finances, Mme Hilde Singsaas « le fonds pétrolier, ne doit pas constituer un instrument de la politique étrangère norvégienne. » Cela laisse supposer que c’est donc bien le cas actuellement.

Dans un certain sens, rien d’extraordinaire, vu la politique très active que la Norvège mène pour le désarmement nucléaire mondial. Ainsi, outre le Sommet qu’elle organise les 4 et 5 mars 2013, les déclarations internationales, elle soutient financièrement par exemple de nombreuses ONG  (I CAN, Vertic, …) et chercheurs à travers le monde.

Le Comité stratégique du fonds pétrolier présidé par M. Elroy Dimson, doit rendre un rapport en octobre sur sa stratégie, en ce qui concerne la réalisation d’investissements responsables. Ce rapport axera plus précisément ses travaux sur la gestion de ses actifs dans le domaine des investissements environnementaux. Sans doute une réaction due aux différentes critiques qui montreraient que ce fonds « investit 27 fois plus dans des sociétés qui détruisent la forêt tropicale que ce que le Gouvernement octroie en aide pour la sauvegarde de celle-ci » selon le journal norvégien Klassekampen. De même des critiques émergent concernant l’insuffisance de règles éthiques applicables aux compagnies pétrolières étrangères présentes sur le plateau continental norvégien. C’est ici plus particulièrement, la compagnie pétrolière suédoise Lundin Petroleum qui est visée ; celle-ci faisant l’objet d’une enquête des autorités suédoises pour avoir contribué à des crimes de guerre au Soudan entre 1997 et 2003.

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(*) Jean-Marie Collin est consultant sur les problématiques de défense. Son expertise couvre la prolifération et la dissuasion nucléaire, les technologies militaires, les transferts d’armements, les enjeux environnementaux. Il a publié de nombreux articles pour des think-tank européens et américains et il est l’auteur, de La Bombe, l’Univers opaque du nucléaire (Autrement, 2009). Il est également le directeur France de l’organisation Parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement (PNND). Contact : jmcdefenseblog@yahoo.fr

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Source  : http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/2013/02/04/desarmement-humanitaire-la-norvege-en-action/