Par Olivier Flumian

Connaissez-vous un chef d’état capable de renoncer à la manne financière représentée par l’exploitation d’un vaste gisement pétrolier au profit de la préservation d’une vaste réserve de biodiversité située exactement au-dessus ? En connaissez-vous un qui soit capable de tenir tête au chantage des institutions financières internationales en déclarant la dette de son pays illégale et illégitime ? Et enfin un autre  qui s’appuie sur une révolution citoyenne pour rompre avec 500 ans d’histoire coloniale et néocoloniale ? Ce président s’appelle Rafael Correa et est le président de l’Equateur depuis 2006. Un passionnant film documentaire réalisé par Jacques Sarasin nous le fait découvrir (1).

Dans un monde dominé par la doxa néolibérale, ce pays d’Amérique latine s’est refusé à suivre le modèle dominant  et s’engagé dans une voie originale afin de récupérer sa souveraineté et rendre espoir et dignité à son peuple. Jacques Sarazin donne la parole à plusieurs acteurs de cette aventure. Qu’ils soient dirigeants politiques, responsables de communautés de base, intellectuels, simples citoyens, opposants , et bien sûr Rafael Correa lui-même, chacun aborde les changements en cours sous un angle différent.

De nombreuses questions sont abordées dans le film. Je n’en citerai que trois à titre d’exemple. D’abord une nouvelle approche de l’économie a été élaborée et mise en pratique, approche remettant l’être humain et ses besoins fondamentaux au centre de l’activité économique.  On apprend ainsi comment l’Equateur a été endetté par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International et comment il s’en est sorti. Un autre aspect de la voie équatorienne est la mise en place d’une forme de démocratie participative inspirée en partie par les modes de gestion communautaires des populations amérindiennes. Cette démocratie participative a été consolidée à travers une nouvelle constitution. Il faut enfin  souligner la redéfinition des relations internationales esquissée par Rafael Correa. Cette nouvelle orientation  s’appuie sur la volonté de développer de nouvelles relations entre états du Sud et notamment en favorisant l’intégration entre états latino-américains par la création de l’UNASUR (Union des Nations Sud-américaines) et dont le siège se trouve à Quito.

Un film fondamental donc. A l’heure ou le monde, et en particulier l’Europe se débat dans une crise générale, tout à la fois économique, sociale, politique, écologique,  provoquée par le fanatisme de l’économie de marché, et le culte de l’agent roi, « Ecuador » nous interpelle tous, ou que nous vivions, citoyens du Sud comme citoyens du Nord. Il donne envie d’aller plus loin. Il nous pousse à nous poser la question de fond : quel futur nous voulons pour notre monde et comment chacun de nous peut y contribuer ?

 

Site du film  http://www.ecuador-thefilm.com/

 

(1) Jacques Sarasin, producteur et metteur en scène indépendant, est de nationalité française. Le film, il faut bien sûr le préciser, n’est pas une « commande » de la part du gouvernement équatorien.