Par Delphine Lamy

Jean-Marie Matagne, 68 ans, docteur en philosophie, est le président fondateur de l’association Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (ACDN), créée il y a seize ans. Récemment, il s’est engagé dans une grève de la faim pour obtenir de François Hollande un référendum sur la participation de la France au processus d’abolition de l’arme atomique.

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette lutte contre le désarmement nucléaire en 1986 ?

Jean-Marie Matagne. En janvier 1986, M. Gorbatchev a lancé : « Plus aucune arme nucléaire d’ici l’an 2000 ! » Cet appel m’a intrigué. Le chef de l’une des deux grandes puissances voulait-il vraiment renoncer à son arsenal nucléaire ? Pourquoi ? Familier de l’histoire russe, j’ai vite conclu à la sincérité inattendue de Gorbatchev et me suis plongé dans l’histoire de la bombe atomique.

À l’époque, je préparais un doctorat d’État de philosophie. J’ai changé mon sujet. Après l’accident de Tchernobyl, il m’est apparu que le nucléaire, civil et militaire, était bien trop dangereux pour être conservé, la palme revenant au militaire. En 1991, j’ai soutenu ma thèse sur « Le pouvoir et la puissance », concluant que le seul moyen d’éviter l’autodestruction de l’humanité était d’abolir ces armes. Poursuivant cet objectif, en 2002, j’étais candidat à la présidentielle pour pouvoir en parler. Et depuis sa fondation en 1996, l’ACDN n’a cessé d’agir.

Vingt-sept ans plus tard quelles sont les avancées de votre lutte ?

Nous ne sommes pas seuls dans ce combat. La prise de conscience progresse. Le réseau mondial « Abolition 2000 » réunit de nombreuses ONG et municipalités, les « Maires pour la paix » fédèrent plus de 6 000 villes ! Le désarmement progresse aussi. Au milieu des années 80, le monde comptait environ 70 000 « têtes nucléaires », de nos jours environ 20 000. Mais cela permet encore d’anéantir dix fois l’humanité. À elle seule, la France pourrait faire un milliard de morts. Le système reste instable et à plusieurs reprises, on est passé très près de la catastrophe. Le seul moyen de l’éviter est d’éliminer la totalité des arsenaux existants comme l’exige le Traité de non-prolifération.

Pensez-vous pouvoir encore imposer l’idée d’un référendum au président de la République malgré l’échec de votre grève de la faim en mai ?

Oui, par une mobilisation massive des citoyens. Selon le général Lee Butler, ancien chef du Strategic Air Command, les armes nucléaires sont « fondamentalement dangereuses, extraordinairement coûteuses, militairement inefficaces et moralement indéfendables ». Les Français le devinent : d’après deux sondages (World Public Opinion 2008, IFOP 2012), plus de 8 sur 10 souhaitent leur abolition. Mais on ne les a jamais consultés et, lors des présidentielles, les « grands candidats » évitaient d’en débattre. La question que nous souhaitons poser est simple : « Approuvez-vous que la France participe avec les autres États concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »

Quels sont les autres moyens de pression envisagés par ACDN ?

Depuis notre grève, ACDN et le collectif Rahan (pour un Référendum et l’abolition historique des armes nucléaires) ont mis en place un jeûne tournant à travers la France, chacun peut s’y joindre quand il veut. Il existe d’autres moyens d’action : par exemple, envoyer au président de la République une lettre ouverte, déjà signée par 100 personnalités dont un prix Nobel, d’anciens ministres, des artistes, des évêques… Écrire à son député, son sénateur, ou demander à les rencontrer. Proposer au maire et au Conseil municipal d’adhérer à Abolition 2 000 et aux Maires pour la paix. Diffuser des informations et des analyses sur ses réseaux sociaux… On a le choix, il faut juste le vouloir.

Quel peut être le poids de la France quand on sait que les États-Unis et la Russie détiennent toujours plus de 90 % des arsenaux nucléaires de la planète ?

Malgré les apparences, un poids considérable, voire décisif. Si vos lecteurs souhaitent en savoir plus, ils seront les bienvenus à la conférence du mardi 15 février à Barbezieux, sur le site d’ACDN (www.acdn.net), Facebook ou Internet (contact@acdn.net ).

Source :  http://www.acdn.net/spip/article.php3?id_article=780&lang=fr