Lorsqu’on parle de trafic illégal, ce sont les trafics d’armes, de drogues ou même d’humains qui ont la palme d’or. Mais, celui des organes humains qui est le plus souvent pratiqué au détriment des gens pauvres, dans des pays peu ou très peu développés, est encore plus dévastateur. Ce trafic d’organes est un domaine encore flou pour plusieurs personnes alors qu’il ne devrait pas l’être.

Il est important de rappeler que certains organes sont indispensables à la vie. La greffe d’organe est alors le dernier recours pour sauver un patient. Le rein, le foie, les poumons, le cœur, le pancréas et des parties de l’intestin sont les organes les plus souvent greffés et, après une greffe, la personne greffée pourra de nouveau faire des projets et envisager une vie quasiment normale, même si elle doit suivre un traitement à vie pour éviter le rejet.

Les rumeurs sur des trafics et des vols d’organes, qui ont largement circulé au Cameroun ces derniers mois, ont contribué à remettre sur la table la question du don d’organes. Ces rumeurs compromettent ainsi largement la crédibilité des programmes officiels d’approvisionnement en organes vitaux dans le pays. Certes, on a observé des pratiques d’achats et de vente d’ossements humains dans le pays, mais il est toujours très difficile de recueillir des faits et des données fiables sur la commercialisation probante d’organes humains frais. Toutefois, depuis plusieurs mois, il ne se passe plus un jour sans qu’un corps ne soit retrouvé mutilé dans une partie du territoire national.

Un marché juteux

Du coup, un doigt accusateur est pointé sur une filière de vente d’organes frais qui existerait sur le continent. Le Nigeria est en première ligne, où un commerce avec pour épicentre la pratique mystique serait installé. Les ossements serviraient alors à fabriquer des potions traditionnelles pouvant soigner des maux, mais aussi à fabriquer des potions magiques qui servent à lancer les mauvais sorts. De plus, ils conférent à leurs détenteurs des pouvoirs surnaturels. Ainsi, un documentaire diffusé sur une chaîne de télévision française internationale avait présenté des tradi-praticiens nigérians en possession de potions thérapeutiques à base d’ossements humains.

Dans les médias nationaux, les faits sont mêlés à la fiction et à la confusion: les organes frais aux ossements, les autopsies aux pratiques mystiques. Jusqu’à maintenant, on ne connaît ni les acteurs, ni les mobiles exacts de leurs actes, ni divers autres aspects du problème liés à ce trafic et au vol d’organes humains. Pourtant, il semble être bien installé dans le pays.

Les principaux enjeux sont de nature économique en raison d’un marché qu’on décrit comme étant très lucratif. De plus, l’enjeu politique n’est pas à négliger, surtout lorsqu’on pense à certains gouvernements qui ne posent encore aucune action pour contrer ce problème. Mais, dans ce processus, le donneur est le plus lésé. Car, sur un rein qui vaudrait 100 000 USD à 300 000 USD en Asie orientale, le donneur ne recevra que de 2 500 USD à 3 000 USD. En 2003, le Prix Nobel d’économie Gary Becker avait calculé le prix du marché d’un rein pour un Américain moyen : 45 000 dollars. Le même organe en coûte 20 000 de moins en Chine, où l’on peut aussi acheter un foie pour 40 000 dollars et une cornée pour 5 000 dollars.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) révèle que 10 000 opérations clandestines sont réalisées chaque année dans le monde. Les organes seraient, en général, issus de personnes vulnérables, motivées par l’argent que leur offrent les trafiquants. Concernant le rein, pas plus de 3 000 greffes seraient réalisées chaque année, alors que 10 000 personnes seraient en attente d’un organe. En France, seul un greffon rénal serait ainsi disponible pour quatre personnes dans le besoin. Toujours d’après le journal anglais, plus de 106 000 transplantations ont été réalisées en 2010 dans 95 états membres de l’OMS, soit à peine 10% des attentes de greffes.
Ce trafic est récurrent dans les pays en voie de développement comme le Cameroun parce que la plupart des personnes vivent dans des conditions difficiles : sans eau potable, sans alimentation suffisante, sans chauffage en hiver, sans assistance pendant ou après les catastrophes, sans chaussure, ni fourniture scolaire, marquées en général par la pauvreté et l’absence de perspectives d’un avenir meilleur.

La faiblesse des lois

Le laxisme des lois de ces pays contribue à l’aggravation du phénomène. Il est vrai que la législation relative aux échanges d’organes humains diffère selon les pays. Dans certains, il n’y a pas de loi interdisant le commerce et la vente d’organes et dans d’autres, la loi n’est pas appliquée. Rares sont les codes pénaux nationaux dans lesquels la responsabilité pénale pour le commerce d’organes est clairement spécifiée. Pourtant, la responsabilité pénale doit concerner les fournisseurs, les intermédiaires, le personnel hospitalier, infirmier et les techniciens de laboratoire impliqués dans la procédure de transplantation illégale.

Pour venir à bout de cette situation, il est urgent d’améliorer la prévention primaire grâce à la sensibilisation et à l’éducation par les pairs, en partenariat avec les ONG, les médias et les institutions internationales, mener des actions visant à améliorer les soins de santé primaires, prendre des mesures afin d’identifier les donneurs illicites et assurer leur suivi médical, donner des moyens à la police pour lutter de façon efficace contre le trafic en général et contre le trafic d’organes en particulier, introduire dans le code pénal des dispositions tendant à condamner les équipes médicales qui se prêtent à des interventions résultant de trafic d’organes.

Les pays africains à l’exception de l’Algérie, la Tunisie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe n’ont pas fondamentalement adopté de lois visant à combattre ce marché noir. Du coup, plusieurs trafiquants préfèrent vendre des organes plutôt que de la drogue ou des armes puisque les sentences associées à ce trafic sont moindres.

La morale en question

Dans toutes les sociétés, il y a des choses qu’on peut vendre et acheter et d’autres pas. Mais le tracé de la ligne de partage entre les deux n’est pas fixe. Il peut se déplacer selon l’état de la sensibilité sociale. Ainsi, il ne viendrait à l’esprit de personne aujourd’hui de penser que le commerce d’organes humains devrait être totalement enrayé.
Par ailleurs, Il ne s’agit pas simplement de prendre une position éthique face à ce problème pour espérer changer les choses. Il reste un long chemin parcourir pour parvenir à enrayer le trafic.

La collecte d’organes reste une entreprise difficile, et malgré des campagnes de promotion répétées, les résultats sont largement en deçà des attentes. La promotion du don d’organes devrait donc passer par un renforcement des actions de sensibilisation en direction du grand public. Des efforts doivent également être entrepris pour obtenir le consentement explicite des donneurs potentiels.