Ce rapport, qui s’appuie sur des témoignages de première main recueillis par une équipe d’établissement des faits envoyée par Amnesty International à Bahreïn, paraît alors que le pays sombre un peu plus profondément dans la violence après le déploiement de soldats saoudiens et des Émirats arabes unis dans le petit État du Golfe le 14 mars, et l’instauration de l’état d’urgence dans le pays par le roi de Bahreïn.

*« Il est alarmant de constater que les autorités bahreïnites recourent une nouvelle fois aux tactiques qu’elles avaient employées contre les manifestants en février mais en leur donnant encore plus d’ampleur, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International »*.

*« Il semble que le gouvernement a décidé qu’il convient de répondre aux actions de protestation par une répression violente, position absolument intenable qui donne en outre un exemple inquiétant dans une région où d’autres gouvernements sont également confrontés aux appels de leur peuple en faveur d’un changement »*.

*« Il faut que les autorités contrôlent soigneusement les forces de sécurité, et protègent et fassent respecter les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion, et notamment le droit de manifester pacifiquement. »*

Hani Mowafi, médecin américain qui faisait partie de l’équipe d’Amnesty International, a conclu, au vu des nombreuses lésions graves, voire mortelles qu’il a constatées en février, que les forces de sécurité ont utilisé des munitions réelles à faible distance, en cherchant semble-t-il à atteindre les manifestants à la tête, à la poitrine et au ventre. Elles ont également tiré des balles de moyen à gros calibre à l’aide de fusils puissants le 18 février.

Les pires violences avant ces derniers jours ont eu lieu tôt le matin du 17 février, lorsque cinq personnes ont été tuées. Des témoins ont expliqué à Amnesty International que des tanks bloquaient l’accès au rond-point de la Perle, tandis que des policiers utilisaient des munitions réelles et des fusils, ainsi que du gaz lacrymogène, des matraques et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants, dont beaucoup campaient sur place, scènes qui se sont répétées le 16 mars.

Un témoin a dit à Amnesty International que le 17 février la police antiémeute avait fait feu depuis plusieurs endroits, notamment d’un pont surplombant le rond-point, tandis que les manifestants, affolés, couraient se mettre à l’abri.

Parmi les blessés figuraient des personnes clairement identifiables comme étant des professionnels de la santé, pris pour cible par des policiers alors qu’ils essayaient d’aider des manifestants blessés sur le rond-point ou à proximité.

Le 3 mars, le ministre bahreïnite du Développement social, en visite à Londres, a déclaré à Amnesty International que son gouvernement menait une enquête sur ces homicides, dont les conclusions seraient directement transmises au roi, et que deux membres des forces de sécurité avaient été placés en détention. Amnesty International demande l’ouverture d’une enquête indépendante qui soit menée dans la rigueur et la transparence.

*« L’ensemble des agissements des forces de sécurité contre les manifestants depuis février doivent donner lieu à des enquêtes exhaustives et indépendantes. Ceux qui ont ordonné et déchaîné cette force meurtrière contre des manifestants pacifiques doivent être identifiés et tenus de rendre des comptes »*.

*« Les homicides illégaux, les agressions et les autres abus dont des manifestants et des professionnels de la santé ont été victimes ne doivent pas rester impunis. »*

Amnesty International a identifié certaines des munitions retrouvées à la suite du raid mené au rond-point de la Perle le 17 février.

Elles incluent des cartouches de gaz lacrymogène et des cartouches multi-coups de balles en caoutchouc de 37 mm fabriquées aux États-Unis, ainsi que des grenades de fabrication française libérant 18 fragments de caoutchouc lorsqu’elles explosent et émettant un bruit assourdissant.

Amnesty International a demandé aux gouvernements fournissant des armes à Bahreïn de suspendre immédiatement les transferts d’armes, de munitions et d’équipements connexes susceptibles d’être utilisés pour commettre de nouvelles violations des droits humains, et de passer en revue toutes les livraisons d’armes et formations prodiguées dans ce domaine aux forces militaires, de sécurité et de police de Bahreïn.

À la suite du recours par les forces de sécurité bahreïnites à une force injustifiée contre les manifestants, le gouvernement britannique a révoqué plusieurs licences d’exportation d’armes vers Bahreïn, et les autorités françaises ont suspendu l’exportation d’équipements de sécurité vers ce pays.