PRESSENZA Buenos Aires, 15/07/2010 Le Sénat argentin a approuvé jeudi, à l´aube, le projet de loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe. Avec cette mesure, l´Argentine devient le premier pays d´Amérique latine – et le dernier pays en date – à ratifier une loi en faveur du mariage homosexuel, dite « la loi sur le mariage égalitaire ». Le vote a été accueilli par des éclats de joie des militants pour l´égalité des droits, sans distinction de race, de sexe ou de religion.

Le texte de loi a été voté par 33 voix contre 27, avec trois abstentions. À l´annonce du résultat de vote, des milliers de manifestants rassemblés devant le Congrès ont éclaté en sanglots, tous s´embrassant et applaudissant la victoire. Alex Freire, avec qui l´Argentine a célébré son premier mariage homosexuel, a déclaré au célèbre quotidien argentin Clarín : « L´Argentine est devenue un pays moderne ; cette victoire n´est pas seulement celle de la communauté gay et lesbienne, sinon celle de toutes et tous ».

À la veille de l´ouverture des discussions au Sénat, des milliers de manifestants de différentes organisations sociales ont défilé jusqu´au Congrès pour manifester leur soutien à l´adoption de loi et pour répondre à l´appel de la Communauté homosexuelle argentine (CHA), brandissant le slogan « oui au mariage égalitaire ». Pour la CHA, l´adoption de cette loi représente, au bout de 26 ans d´activisme pacifique, une grande victoire sociale.

La Fédération argentine des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (FALGBT) a aussi convié ses membres à se rassembler. Maria Rachid, présidente de la Fédération, a participé activement au débat public qui a précédé le vote, faisant preuve d´une grande patience et d´une grande clarté conceptuelle. Lors d´un panel organisé par les Jeunesses du Parti radical, Maria Rachid a insisté sur le fait qu´il était important de débattre exclusivement de la question du mariage pour que « tous aient accès à l´égalité et aux mêmes droits ».

« Je comprends tout à fait votre prise de position , néanmoins, il n´est pas correct de vouloir imposer vos idées au reste de la société et d´essayer de nous ôter le droit de fonder la famille de notre choix. Nos familles et nos enfants existent ; et désormais, ils sont reconnus par l´Etat », a déclaré Maria Rachid aux opposants à la légalisation. La situation juridique des couples homosexuels avec leurs propres enfants ou des enfants adoptés posait un problème majeur avant que la loi ne soit adoptée.

Élaboré par la Fédération argentine LGBT, le projet de loi sur la légalisation du mariage entre homosexuels a été soutenu par différentes forces politiques, et a pu faire un grand pas en avant grâce à un appui particulier du monde officiel. De fait, le jour de la célébration de la fête nationale en Argentine – le 9 juillet dernier – la présidente Christine Kirchner a personnellement soutenu la mesure en déclarant que « les minorités devaient avoir les mêmes droits que tous les autres », et que « le fait de restreindre les droits équivaudrait à vivre une étape dégradante de la société ».

L´Institut national contre la discrimination et la xénophobie (INADI) n´a pas non plus manqué le rendez-vous. Il a organisé – face au Congrès – une journée de prise de conscience pour « l´égalité et la diversité », où se sont réunies des personnalités issues du milieu culturel, politique et social afin d´exprimer, eux aussi, leur soutien à la loi sur le mariage égalitaire. Le concert de clôture de cette journée de manifestation était signé du musicien Kévin Johansen.

Les membres de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) se sont également réunis près du Congrès pour exprimer leur soutien à la mesure. Le Secrétaire des droits de l´homme, ainsi que le Secrétaire de l´identité des genres et de l´égalité des chances de la CTA ont informé l´agence de presse argentine Télam de leur « soutien complet à la modification de la loi sur le mariage civil en Argentine visant à égaliser les droits des couples du même sexe avec ceux des hétérosexuels pour enfin remédier à la discrimination et aux inégalités sociales médiévales ». La Communauté pour le développement humain et le Parti humaniste – proclamant tous deux la non-violence et la non-discrimination comme étant leurs points idéologiques fondamentaux – ont eux aussi participé à la concentration.

À la différence des projets de loi d´union civile qui avaient été proposés, mais qui ne permettaient ni l´adoption, ni la « patria potestad » (autorité, droits et devoirs parentaux), la loi sur le mariage égalitaire permet aux couples homosexuels qui souhaitent s´unir de jouir des mêmes droits que les hétérosexuels. Le projet d´union civile – dernièrement rejeté – ne mettait pas « à égalité les conditions d´union prévues pour les personnes mariées », a souligné l´avocat de la Fédération argentine LGBT, Gustavo Lopez, au célèbre quotidien de Buenos Aires Página 12.

Dans le même sens, le juriste Andrés Gil Domínguez a affirmé qu´avec l´« union civile », le gouvernement a voulu faire « quelque chose de semblable au mariage en termes de protection sociale, néanmoins tout à fait différent, niant la possibilité de conformer la famille en termes de descendance ».

Avec l´adoption de la loi, l´Argentine est devenue le premier pays latino-américain – et le dernier pays au monde – à autoriser le mariage entre personnes du même sexe, après les Pays-Bas, la Belgique, l´Espagne, le Canada, l´Afrique du Sud, la Norvège, la Suède et le Portugal.

Grâce à des décisions de justice individuelles, neuf couples du même sexe avaient déjà pu se marier dans le pays depuis décembre 2009. Dorénavant, leurs droits maritaux et parentaux sont reconnus au même titre que ceux des couples hétérosexuels.

Traduction : Ludivine Barbier