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1.-

J’ai récemment vu une interview du scientifique chilien le professeur Vargas, dans laquelle il parlait de pas mal de choses, faisant notamment allusion à une conférence de spécialistes, dont l’un d’eux, d’origine asiatique, a dit aux autres : « Parce que vous avez la théorie de Dieu… ». « C’est beau, n’est-ce pas ? », a répondu le professeur explicite. Une simple mention m’a rarement parue aussi intéressante et intelligente. Telle est la question : en occident, on tient la croyance en Dieu pour vrai ; et comme l’a dit le professeur Vargas, « cette croyance est profondément ancrée en nous ». Même si certains ne croient parfois pas, ou pas tout à fait, à aucun moment cette croyance n’est présentée comme une théorie pouvant être validée ou invalidée… Cela donne plus de liberté.

Ainsi en va-t-il de la croyance, avec quelque chose de tenu pour vrai, de dogmatique, mais qui n’apparaît pas comme tel, que l’on n’admet pas, et dont on ne doute pas. Même en milieu scolaire, elle apparaît de temps à autre comme indubitable ; rappelez-vous cette citation d’Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés ». Donc, cette entité n’oserait en aucune façon se confronter au hasard. Ceci est ferme et consolidé. Encore une fois, cette particule insaisissable dite « boson de Higgs » est populairement nommée « la particule de Dieu » ( ?). Donc, quand quelque chose manque (ou surabonde), on recourt à Dieu comme une valeur sûre, même si on doute parfois… ou souvent. C’est pourquoi si nous le voyions comme une théorie il faudrait, comme d’habitude, en faire la démonstration, même si cela sert à constater temporairement certaines choses. D’après ce que je comprends, la théorie même de la relativité, reste encore à démontrer, ce qui n’est pas facile avec le temps courbe et autres, sans parler des quants agissant dans ce micro-monde subatomique plein de probabilités quantiques, également à démontrer…

Bon, Silo nous simplifie les choses… bien que cela puisse provoquer une certaine angoisse : étant donné qu’on y croit et que l’on n’y croit pas, qu’il se manifeste et qu’il se cache, le sujet ne semble pas clair. Au moins, nous dit Silo, « Dieu est quelque chose d’incertain » (dans le Regard Intérieur, texte de son auteur), et de par sa simplicité il suscite en nous une sincérité grave. Silo précise également que la question de son existence ou non « ne pose pas ni ne résolve le problème fondamental de l’être humain : la souffrance ». « Ce n’est pas la question », insiste-t-il, après quoi il nous montre qu’ils avaient prévu un thème central qui ne l’est pas. Heureusement qu’il change déjà avec les crises.

Envisager la question sous cet angle : comment réduire la souffrance humaine et donner plus de sens à la vie, ce serait en fait comme une sorte de théorie existentielle à prendre en compte… mais ça n’est pas le cas. Et vu comment on le démontre ou on l’expérimente, il est difficile de séparer les croyances et la foi car si c’est une question de foi, comment s’inscrit‑elle ?

Nous savons qu’il existe de nombreux concepts vieux comme le monde. Le Dieu hébreux est souvent en colère contre ses adorateurs parce qu’ils l’ont abandonné au profit d’autres divinités plus opportunes, à un moment donné ; il est donc exigeant. Quant au Allah musulman, il demande une foi aveugle ainsi qu’une soumission totale, soustrayant tout libre arbitre ; autrement dit, peu de théorie, voire pas du tout. Les Hindous, avec leurs divinités tant intégrées à l’environnement psychologique (aussi bien Brahmā que Shiva, Vishnou, Kali ou encore Krishna), ne creusent pas la question car ils ne se la posent même pas. Les Chinois ont un tian vaporeux dans les cieux qui semble laisser tomber tout cela. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle ils leur sont si propres.

Toujours est-il que tout cela est très ancien, ce pourquoi le langage semble avoir débuté avec les langues indo-européennes.

Le christianisme (catholicisme, orthodoxie et protestantisme) est présent de bien des façons, depuis la création jusqu’au pain quotidien (controversé aujourd’hui encore). Il couvre un large spectre depuis les choses célestes jusqu’à celles infernales. Il y a eu des Saints, mais ce qui reste incompréhensible ce sont les innombrables monstruosités perpétrées au nom d’un Dieu (d’une Église, d’un État) indiscutable ; et la même chose se produit en Islam et…

De plus, le nom « silence de Dieu » apparaît parfois, lorsque les croyants ne trouvent pas de réponse à leurs interrogations, augmentant ainsi le nombre de non-croyants… ainsi vont et viennent le théisme et l’athéisme. Il y a quelques années, les non-croyants ont décidé de promouvoir leur droit de « ne pas croire » en disposant des affiches indiquant : « Souriez, Dieu n’existe peut-être pas » (dans le sens où on peut être heureux si on n’est pas observé, contrôlé ou censuré), chose intéressante, sans aucun doute. Il s’agit d’un mouvement de spécialistes qui recherchent des écrits (principalement européens) où ne figure pas la source religieuse ; ils ont trouvé plusieurs textes et auteurs. Un professeur français, spécialisé dans ce domaine, donne une conférence dans la province, destinée au grand public, en expliquant le sujet. Son auditoire atteint parfois jusqu’à 600 élèves par classe ; tel est l’intérêt pour l’athéisme. Bien que le sujet continue d’inquiéter, certains auteurs du 20ème siècle proches de la problématique et de la condition humaine affirment déjà que « sa relation au divin » est de la plus haute importance. Voilà où on en est.

C’est ce dont traitait déjà Aristote, parlant du réconfort que leur donne les dieux (il y en avait donc plusieurs) face au « petit problème » de la mort. De nombreux croyants s’accordent sur ce point ; et lorsqu’ils cessent de croire, le réconfort et la protection prennent fin, et « il faut alors penser par soi-même », disent-ils, surtout face aux innombrables adversités qui se présentent aux personnes, aux familles et, bien entendu, aux sociétés en détresse. Ils se demandent : « Si Dieu existe, pourquoi permet-il tout ceci ? ». Fin de la discussion.

2.-

Tout ceci a probablement commencé il y a longtemps dans l’optique d’une quête de certitudes, de choses fixes qui donnent des réponses, qui complètent la conscience, et dans l’optique d’une chose difficile à obtenir, comme insaisissable, que l’on extériorise souvent, et on évalue le sacré. Ainsi, il existe de nombreux concepts qui dénaturent ce qui est vraiment humain ; donc, tout ceci est « propre à l’être humain », à son intériorité.

J’aime quand Silo mentionne une sorte d’Intelligence universelle perceptible et captable à travers tout ce qui est et, plus récemment, quand il souligne la direction que prend les choses, visible dans le macro et le micro univers, comme l’intention évolutive, inscrite dans la dynamique qui va de l’amibe jusqu’aux galaxies lointaines. Je me dis qu’il a peut-être été difficile de saisir de façon abstraite ce qui a été perçu, et peut-être a-t-il été plus facile de se le représenter avec des divinités… peut-être…

À propos, il nous parle longuement de tout ceci dans son article. « Le thème de Dieu » (Silo parle) ; et auparavant, il avait déjà mentionné le « dieu intérieur », en référence au pouvoir intérieur, et il nous rappelait que les Grecs y faisaient référence sous le nom de « dieu inconnu » ; il était donc déjà connu de ce peuple Olympien : l’intériorité y avait déjà sa place… même si d’autres en donneraient une toute autre interprétation.

Plus simple, comme disait un estimé professeur de philosophie : « Après tout, Dieu peut très bien être comme un parent proche… » Tout cela est possible à théoriser.

J’aime plus encore le discours censuré  de Silo de 1969, lorsqu’il a dit quelque chose comme : « Lorsque Dieu, les autres pouvoirs et les références s’évaporent, qu’advient-il ? L’humanité. L’être humain, enfin ! » Seul, sans soutien temporaire, sans béquilles, conscient de lui‑même, avec le courage d’évoluer ainsi dans le monde, sans dieux provisoires, assumant ses actes et son comportement vis-à-vis des autres et, bien évidemment, dans ses choix de vie.

Peut-être est-ce pour cela que Silo parle de la déité ; elle n’est pas nécessaire. Selon lui, nous pouvons accéder au sacré par nous-mêmes, dans la profondeur poétique et inspiratrice… et nous sommes libres de croire ou de ne pas croire ; après tout, ce qui nous intéresse c’est la liberté et l’indépendance.

Face à tout cela, peut-être nous rétorquera-t-on : cela ressemble fort à une autre théorie, celle de l’être humain tout-puissant… et en effet, cela pourrait fort bien être le cas. Tout cela tend à le confirmer. L’être humain s’assumant comme tel dispose de tout ce dont il a besoin. Il est parfaitement équipé ! Il partira en quête de lui-même, il aura ses propres révélations, et peut‑être deviendra-t-il alors libre et maître de son destin… dans le fond, pourquoi pas ?

(Traduit de l’espagnol par Florian MORINIÈRE)