Un rapport de l’Institut transnational
Résumé du rapport
Ce rapport documente comment, après le 7 octobre 2023, les autorités allemandes ont apporté un soutien politique, diplomatique et matériel indéfectible à Israël pour son génocide à Gaza, assorti de mesures répressives d’envergure contre le mouvement pro-palestinien en Allemagne. Ces mesures comprennent non seulement l’interdiction des manifestations et les violences policières, mais aussi des campagnes de diffamation, l’exclusion des événements culturels, des représailles sur le lieu de travail et l’instrumentalisation du droit de l’immigration et de l’asile. Ensemble, ces mesures créent un cadre répressif qui criminalise presque toute forme de solidarité effective avec la Palestine en Allemagne et restreint les libertés civiles les plus fondamentales.
Ce rapport couvre les 18 premiers mois du génocide, du 7 octobre 2023 à fin avril 2025. Il s’appuie sur des entretiens avec des militants et une analyse de la situation juridique et politique, ainsi que sur des études de cas portant sur quatre piliers de répression qui structurent le rapport :
(1) La responsabilité partagée de l’Allemagne dans l’occupation et le génocide israéliens à Gaza ;
(2) le cadre politique et juridique qui confond délibérément l’antisionisme et l’antisémitisme ;
(3) le recours à la police, à la surveillance, à la violence, à la censure et aux pressions économiques contre les militants et les voix critiques ; ainsi que
(4) le rôle des médias, des organisations non gouvernementales (ONG) et de certaines parties de la gauche politique dans le maintien de ce climat.
Le rapport révèle que le « boomerang » d’Aimé Césaire revient avec force des colonies vers la métropole depuis octobre 2023. Le soutien allemand au système d’apartheid israélien et aux crimes de guerre israéliens se traduit sur le plan intérieur par des mesures répressives, une surveillance de masse, des violences policières et des restrictions à la liberté d’expression. L’Allemagne ne se contente pas d’adopter cette violence : elle la perfectionne, l’institutionnalise et l’exporte. Le pays est devenu un terrain d’expérimentation pour la criminalisation de la solidarité avec la Palestine. Il explore les limites de la répression de la liberté d’expression, de l’interdiction des manifestations et du franchissement des frontières de l’ordre constitutionnel, jusqu’à le rendre presque méconnaissable.
La répression du mouvement pro-palestinien repose fondamentalement sur l’amalgame délibéré entre antisémitisme et antisionisme. La responsabilité historique de l’Allemagne dans l’Holocauste est régulièrement invoquée pour justifier un autre génocide et la répression de ceux qui s’y opposent. Les critiques de l’État d’Israël, y compris de nombreux Juifs, sont qualifiés d’antisémites, tandis que les Palestiniens qui pleurent leurs morts et réclament justice sont considérés comme une menace pour l’ordre public.
Ces représailles ne sont pas uniquement le fait de la force d’État. Les médias jouent également un rôle crucial en soutenant ces mesures, en minimisant systématiquement le génocide à Gaza et les violences perpétrées contre les Palestiniens. Les discours de la politique et de la police allemandes sont adoptés sans esprit critique, par exemple lorsque le mouvement de solidarité est dénigré, voire que des appels à la violence sont lancés contre lui, tandis que, dans le même temps, un silence pesant est imposé aux espaces de plus en plus restreints de la société civile. Les acteurs libéraux au sein de cette société civile ont rallié leurs membres à leur cause, exclu les voix palestiniennes et gardé le silence face à la répression. Et même certains pans de la gauche et des mouvements sociaux allemands, craignant une perte de prestige ou des coupes budgétaires, ont hésité à s’opposer à la montée de l’autoritarisme. Pire encore, ils l’ont parfois même alimenté.
Cependant, les mesures répressives ne visaient pas uniquement le mouvement pro-palestinien, mais servaient également de terrain d’expérimentation pour de nouvelles dérives autoritaires. Le lien avec la question migratoire est crucial à cet égard. Sous prétexte de lutter contre l’antisémitisme et l’extrémisme, et dans un contexte de politiques migratoires de plus en plus sévères et meurtrières, le droit de l’immigration est lui aussi devenu un instrument de contrôle politique. Sur la base de motifs futiles tels que des publications sur les réseaux sociaux ou la participation à des manifestations, l’État a refusé des visas, expulsé des personnes ou interrompu leurs procédures de naturalisation. Le statut de résident, la naturalisation et le droit d’asile sont désormais conditionnés par une conformité idéologique. Tandis que les autorités pointent régulièrement du doigt la montée de l’antisémitisme, d’autres formes de racisme, notamment l’islamophobie, ont connu une forte augmentation, mettant en danger la sécurité, voire la vie, des personnes concernées.
Cette répression ne se déroule pas de manière isolée, mais s’inscrit dans un glissement sociétal vers la droite et une militarisation et une sécurisation croissantes de la vie politique en Allemagne et dans le monde. Nous assistons non seulement à une complicité de génocide, mais aussi à une tentative de remilitariser la société allemande, de qualifier les opinions dissidentes d’extrémisme et d’assimiler les mouvements de libération au nazisme. Les mesures actuellement testées contre le mouvement pro-palestinien pourraient fort bien être utilisées ultérieurement contre d’autres groupes d’opposition, des écologistes aux antimilitaristes.
Nombreuses sont les personnes directement touchées au quotidien. Les entretiens avec des militants présentés dans ce rapport démontrent que beaucoup de Palestiniens, d’Arabes, de musulmans et de juifs antisionistes vivent dans un climat de peur et de violence, et pourtant, ils continuent de résister. Tandis que les médias persistent à relayer le discours officiel, le nombre de personnes qui démasquent ces mensonges officiels ne cesse de croître. Malgré les violences policières, les manifestations se poursuivent et la voix palestinienne reste inébranlable.
introduction
Au moment de la rédaction de ce document, le deuxième mois de l’accord de paix orwellien à Gaza vient de commencer. Cet accord, sous la menace des États-Unis, a désormais reçu l’aval du Conseil de sécurité des Nations Unies. (1) Au lieu d’une forme de paix, cependant, la population de Gaza subit ce qui ne peut être qualifié que de génocide prolongé. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord, Israël le viole presque quotidiennement par des attaques qui ont déjà fait plus de 312 morts et plus de 760 blessés. Le nombre de victimes confirmées à Gaza depuis le 7 octobre 2023 s’élève ainsi à plus de 69 000. (2) Le nombre de camions qu’Israël autorise à entrer à Gaza ne représente qu’une fraction de ce qui serait nécessaire pour éviter la famine délibérément provoquée. Les restrictions arbitraires imposées par Israël sur l’importation de 350 produits alimentaires de base aggravent encore la situation. (3) Parallèlement, les attaques violentes perpétrées par des colons en Cisjordanie, soutenus par l’armée israélienne, ont atteint un nouveau paroxysme. Le Parlement israélien a également approuvé officiellement le plan colonialiste d’annexion de ce territoire. (4)
Malgré cela, le chancelier Friedrich Merz a officiellement déclaré la crise terminée. Dans une interview du 9 octobre, interrogé sur le « plan de paix », il a répondu : « Il n’y a plus aucune raison pour que les Palestiniens manifestent en Allemagne. La paix régnera à Gaza, et c’est une bonne nouvelle. » (5) Malgré ses propos, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Berlin le 11 octobre pour protester contre la complicité de l’Allemagne, exiger que les responsables du génocide rendent des comptes et mettre fin à l’apartheid et au colonialisme. (6) La police a réagi violemment. Les manifestants ont subi des coups à la tête, à la poitrine et à l’abdomen, des violences, des étranglements et des arrestations arbitraires, dont au moins trois mineurs. (7) Comme le démontre ce rapport, il ne s’agit en aucun cas d’une exception, mais bien d’une nouvelle norme pour les personnes qui manifestent contre le génocide.
Le 19 octobre 2023, les attaques israéliennes avaient déjà fait environ 3 500 morts à Gaza (8), et le seul centre de cancérologie de la bande de Gaza était au bord de la fermeture. Dix jours plus tôt, le ministre israélien de la Défense avait annoncé publiquement un « siège total » de Gaza, déclarant : « Il n’y aura ni électricité, ni nourriture, ni carburant, tout sera coupé. » Il avait également qualifié les Palestiniens d’« animaux humains » (9). Après avoir affirmé sa pleine solidarité avec Israël face à ce qui commençait déjà à se transformer en génocide, le chancelier Olaf Scholz déclara au Bundestag que l’Allemagne devait prendre une « position claire » contre l’antisémitisme et la « glorification de la violence » (10). Cette « position » impliquait déjà une interdiction totale des manifestations anti-israéliennes à Berlin et une répression policière violente contre toute forme de solidarité avec les Palestiniens – et ce n’était que le début. Le gouvernement allemand a ensuite insisté sur ce que l’ancienne chancelière Angela Merkel a appelé la « raison d’État », à savoir le soutien inconditionnel à Israël. Depuis lors, cette doctrine est utilisée en Allemagne comme une arme pour faire taire les voix critiques.
L’analyse du « boomerang » utilisée par l’avocate palestino-américaine Noura Erekat pour décrire la situation aux États-Unis peut s’appliquer tout autant à l’Allemagne ; (11) depuis octobre 2023, nous assistons au retour en force du « boomerang » d’Aimé Césaire, des colonies à la métropole. Le soutien allemand au système d’apartheid israélien et aux crimes de guerre israéliens se traduit sur le plan intérieur par des mesures répressives, une surveillance de masse, des violences policières et des restrictions à la liberté d’expression. L’Allemagne ne se contente pas d’adopter cette violence : elle la perfectionne, l’institutionnalise et l’exporte. Le pays est devenu un terrain d’expérimentation pour la criminalisation de la solidarité palestinienne. Il explore les limites de la répression de la liberté d’expression, de l’interdiction des manifestations et du franchissement des frontières de l’ordre constitutionnel jusqu’à le rendre presque méconnaissable. Ce qui se passe aujourd’hui à Berlin servira de modèle à d’autres pays demain.
À l’échelle mondiale, la question palestinienne est devenue un enjeu majeur de la répression étatique. Selon l’ONG internationale Civicus, rien qu’en 2024, plus de 10 % des cas documentés de restriction du droit à la liberté d’expression dans le monde concernaient cette question. (12) L’approche allemande se distingue par son ampleur et son intensité : le rapport « Espace civique 2025 » du Forum civique européen désigne explicitement l’Allemagne comme l’un des pays les plus répressifs dans sa gestion des manifestations pro-palestiniennes. (13) L’indice de répression du Centre européen d’assistance juridique a recensé plus de 700 incidents en Allemagne depuis 2019 (la plupart après le 7 octobre 2023), touchant des milliers de personnes issues de divers secteurs de la société. (14)
La répression du mouvement pro-palestinien repose fondamentalement sur l’amalgame délibéré entre antisémitisme et antisionisme. La responsabilité historique de l’Allemagne dans l’Holocauste est régulièrement invoquée pour justifier un autre génocide et la répression de ceux qui s’y opposent. Les critiques de l’État d’Israël, y compris de nombreux Juifs, sont qualifiés d’antisémites, tandis que les Palestiniens qui pleurent leurs morts et réclament justice sont considérés comme une menace pour l’ordre public. L’intelligence artificielle pourrait être utilisée à l’avenir pour traquer les personnes soupçonnées d’antisémitisme. (15) Cependant, le soutien de l’Allemagne à Israël est davantage motivé par des raisons matérielles que par des considérations éthiques : en alignant sa politique étrangère sur les intérêts géostratégiques des États-Unis, des entreprises d’armement comme Rheinmetall ont pu accroître leurs profits de plus de 2 000 % au cours des dix dernières années. (16) Comme l’écrivait James Baldwin en 1979 : « L’État d’Israël a été créé non pas pour sauver les Juifs, mais pour sauver les intérêts occidentaux. » (17)
Ce rapport détaille les coûts associés à cette opération de sauvetage en Allemagne. Il documente non seulement les interdictions de manifestations, les violences policières et les arrestations massives, mais aussi les licenciements, les suspensions universitaires, la fermeture de comptes bancaires, les expulsions, les mesures de surveillance, la censure et les menaces de retrait de titres de séjour. Prises ensemble, ces mesures créent un cadre répressif qui criminalise presque toute forme de solidarité effective avec la Palestine en Allemagne et restreint les libertés civiles les plus fondamentales.
Ces représailles ne sont pas uniquement le fait de la force d’État. Les médias jouent également un rôle crucial en soutenant ces mesures, en minimisant systématiquement le génocide à Gaza et les violences perpétrées contre les Palestiniens. Les discours de la politique et de la police allemandes sont adoptés sans esprit critique, par exemple lorsque le mouvement de solidarité est dénigré, voire que des appels à la violence sont lancés contre lui, tandis que, dans le même temps, un silence pesant est imposé aux espaces de plus en plus restreints de la société civile. Les acteurs libéraux au sein de cette société civile ont rallié leurs membres à leur cause, exclu les voix palestiniennes et gardé le silence face à la répression. Et même certains pans de la gauche et des mouvements sociaux allemands, craignant une perte de prestige ou des coupes budgétaires, ont hésité à s’opposer à la montée de l’autoritarisme. Pire encore, ils l’ont parfois même alimenté.
Cependant, les mesures répressives ne visaient pas uniquement le mouvement pro-palestinien, mais servaient également de terrain d’expérimentation pour de nouvelles dérives autoritaires. Le lien avec la question migratoire est crucial à cet égard. Sous prétexte de lutter contre l’antisémitisme et l’extrémisme, et dans un contexte de politiques migratoires de plus en plus sévères et meurtrières, le droit de l’immigration est lui aussi devenu un instrument de contrôle politique. Sur la base de critères futiles tels que des publications sur les réseaux sociaux ou la participation à des manifestations, l’État a refusé des visas, expulsé des personnes ou interrompu leurs procédures de naturalisation. Le statut de résident, la naturalisation et le droit d’asile sont désormais subordonnés à une conformité idéologique. Si les autorités étatiques pointent régulièrement du doigt la montée de l’antisémitisme, d’autres formes de racisme, notamment l’islamophobie, ont connu une forte augmentation, mettant en danger la santé et la vie des personnes concernées. Le Rapport sur les droits fondamentaux 2025, rapport alternatif de la société civile au rapport annuel sur la protection de la Constitution, affirme : « L’exercice des libertés civiles est entravé ou interdit avec une intensité et une agressivité sans précédent. » En outre, le rapport souligne que les migrants sont les plus touchés par cette restriction des droits. (18)
Cette répression ne se déroule pas de manière isolée, mais s’inscrit dans un vaste et puissant glissement à droite, ainsi que dans la sécurisation et la militarisation de pans entiers de la vie politique en Allemagne et dans le monde. Nous assistons non seulement à une complicité de génocide, mais aussi à une tentative de remilitariser la société allemande, de qualifier les opinions dissidentes d’extrémisme et d’assimiler les mouvements de libération au nazisme. Le cinéaste Dror Dayan souligne : « Alors que l’Allemagne n’a jamais rompu avec son passé nazi, elle compare tous ses ennemis – qu’il s’agisse des combattants palestiniens pour la liberté ou de la Russie – à ses propres nazis. Tandis que l’Allemagne soutient ses propres néonazis au sein de l’AfD et de la CDU, elle tente simultanément de se présenter au monde comme si elle combattait les nazis. Elle ment tout simplement sur l’identité de ces nazis. » (19) Sous prétexte de sécurité publique, les pouvoirs de police ont été étendus. Les mesures actuellement testées sur le mouvement pro-palestinien pourraient très bien être utilisées ultérieurement contre d’autres groupes d’opposition, des écologistes aux antimilitaristes. Comme l’indique un article récent de Junge Welt, l’État « se prépare à pouvoir agir contre toute opposition pacifiste afin d’atteindre la capacité de guerre qu’il souhaite ». (20)
Nombreuses sont les personnes directement affectées au quotidien. Beaucoup de Palestiniens, d’Arabes, de musulmans et de juifs antisionistes vivent dans un climat de peur et de violence, et pourtant, ils continuent de résister. Tandis que les médias persistent à relayer le discours officiel, le nombre de personnes qui démasquent ces mensonges officiels ne cesse de croître. Selon un sondage de mai 2025, 80 % des Allemands considèrent les actions d’Israël à Gaza comme injustifiées, soit une augmentation de 11 % par rapport à mars 2024. (21) Un autre sondage a révélé que 70 % s’opposent au soutien militaire de l’Allemagne à Israël. (22) Malgré les violences policières, les manifestations se poursuivent et la voix des Palestiniens reste inébranlable. Comme le rappelle l’avocate Nadija Samour, reprenant les mots de Gandhi : « D’abord, ils nous ignorent, ensuite ils se moquent de nous, ensuite ils nous combattent, et enfin nous triomphons. » (23)
Conclusion : Un jour, l’Allemagne aura toujours été contre.
Ni la puissance, ni l’argent, ni les armes, ni la propagande du monde ne peuvent plus masquer la plaie de la Palestine. – Arundhati Roy (24)
Quiconque suit le système scolaire allemand et est confronté aux horreurs de l’Holocauste se posera tôt ou tard un certain nombre de questions : Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? Pourquoi personne ne l’a-t-il empêchée ? Qu’aurais-je fait ? Si l’on regarde les deux dernières années, la réponse est : Exactement la même.
Le 25 octobre 2023, soit trois semaines seulement après le début des bombardements sur Gaza, le journaliste égypto-canadien Omar El Akkad écrivait : « Un jour, quand il n’y aura plus de danger, quand personne n’aura plus à craindre de représailles personnelles, quand on pourra appeler un chat un chat, quand il sera trop tard pour demander des comptes, tout le monde aura été contre tout cela depuis le début. » Sa déclaration a fait le tour du monde. Comme l’a démontré la première partie de ce rapport, l’Allemagne est actuellement complice du génocide à Gaza et, une fois de plus, elle a failli à sa mission de se ranger du bon côté de l’histoire. Reste à savoir combien de temps il faudra aux dirigeants pour affirmer qu’ils ont, en réalité, toujours été critiques envers Israël.
Les cyniques pourraient se demander comment les victimes de ce génocide seront commémorées en Allemagne à l’avenir. Y aura-t-il des journées de recueillement où des personnalités politiques déposeront des fleurs à Gaza, des visites obligatoires dans les musées du génocide, des manuels scolaires qui enseigneront aux enfants – une fois de plus – qu’une telle chose ne doit plus jamais se reproduire ? Combien de fois l’histoire devra-t-elle se répéter avant que nous en tirions les leçons ?
Si les deux dernières années ont eu un mérite, c’est bien celui de démasquer les « valeurs occidentales » et de révéler ce qui a toujours été évident pour ceux qui en souffrent : pour les migrants abandonnés à leur sort en Méditerranée ; pour ceux dont les familles ont été tuées par des armes allemandes lors de guerres de l’OTAN soutenues par l’Allemagne ; pour les victimes de la violence d’extrême droite, dont l’État a ignoré, voire étouffé, les cas. Ces membres les plus vulnérables de la société connaissent la vérité depuis longtemps, mais l’hypocrisie est désormais si flagrante qu’il est impossible de l’ignorer.
Ce rapport démontre que le soutien indéfectible de l’Allemagne au génocide israélien à l’étranger s’accompagne de mesures répressives généralisées contre la solidarité pro-palestinienne sur son territoire. Depuis des décennies, les autorités ont mis en place un cadre politique et juridique qui amalgame délibérément antisionisme et antisémitisme, afin de museler toute critique d’Israël. L’État répond à ces critiques par la criminalisation, le recours à des procédures judiciaires abusives, un déploiement massif de forces de police, la violence, la censure, l’exclusion des plateformes publiques et des pressions économiques sur les militants, avec le soutien d’une grande partie des médias et même de certains segments des ONG et de la gauche.
De ce fait, l’Allemagne a considérablement changé. L’obligation de se conformer aux directives politiques au sein des institutions culturelles, scientifiques et municipales a réduit l’espace disponible pour l’action de la société civile. Alors que la gouvernance est de plus en plus marquée par la sécurité, l’expansion des pouvoirs de police et la montée du militarisme s’immiscent toujours plus profondément dans le quotidien des citoyens. L’appartenance est désormais plus fortement conditionnée, car l’accès aux plateformes publiques, aux financements, voire aux permis de séjour et à la citoyenneté, dépend désormais de l’adhésion aux discours officiels.
Le génocide a cependant aussi engendré l’éveil politique d’une nouvelle génération de militants en Allemagne, pour la plupart issus de l’immigration, de confession musulmane et/ou de minorités racisées. La crainte d’être taxé d’antisémitisme a divisé la quasi-totalité des mouvements, du mouvement pour le climat aux initiatives antiracistes. Face à une criminalisation généralisée, à des coupes budgétaires et à des structures de plus en plus autoritaires, la gauche a perdu de l’influence, du moins pour l’instant. Parallèlement, cette situation offre l’opportunité de rompre avec un modèle étatique dominé par les ONG et d’adopter une position plus radicale et sincère : une position qui exige non pas de simples réformes superficielles, mais un changement systémique pour nommer le capitalisme, le colonialisme et le génocide par leur nom et les combattre sans équivoque.
Auteur : Josephine Solanki – Rédactrice : Deborah Eade – Conception : Evan Clayburg
Remerciements : Hebh Jamal (journaliste et militante palestinienne), Majed Abusalama (cofondateur de Palestine Speaks), Niamh Ní Bhriain (coordinatrice du programme Guerre et Pacification au Transnational Institute), Ruth Rohde (chercheuse chez Shadow World Investigations), Udi Raz (membre de Jewish Voice for a Just Peace in the Middle East) et cinq militants qui préfèrent rester anonymes.
Publié par l’Institut transnational – Amsterdam, novembre 2025
La version intégrale du rapport est disponible en anglais sur tni.org/solidarityundersiege .
Notes de bas de page
1 https://www.reuters.com/world/middle-east/russia-proposes-its-own-un-resolution-gaza-challenge-us-draft-2025-11-13/
2 https://www.aljazeera.com/news/2025/11/11/how-many-times-has-israel-violated-the-gaza-ceasefire-here-are-the-numbers
3 Ibid.
4 https://progressive.international/wire/2025-11-10-pi-briefing-no-41-palestine-stolen-or-decolonised/en
5 https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/merz-interview-102.html
Déclaration de United 4 Gaza et al. : Violences policières lors de la manifestation « UNITED 4GAZA à Berlin » le 11 octobre 2025. 11 octobre https://www.instagram.com/p/DPt1ALECazm/?img_index=10
7 Ibid.
8 https://www.aljazeera.com/news/2023/10/19/israel-hamas-war-list-of-key-events-day-13
9 https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/defense-minister-announces-complete-siege-of-gaza-no-power-food-or-fuel/
10 https://www.bundesregierung.de/breg-de/aktuelles/regierungserklaerung-scholz-2231140
11 https://www.bostonreview.net/articles/the-boomerang-comes-back/
12 https://www.middleeasteye.net/news/ten-percent-all-civic-repression-worldwide-related-palestine-study-finds
13 https://civic-forum.eu/civicspace25
14 https://www.index-of-repression.org/additional-resources
15 https://jacobin.com/2025/05/germany-ai-palestine-israel-antisemitism?s=08
16 https://www.theleftberlin.com/news-from-berlin-and-germany-20th-may-2025/?utm_source=substack&utm_medium=email
17 https://www.aljazeera.com/opinions/2023/10/18/a-letter-to-europe-from-a-palestinian
18 https://www.jungewelt.de/artikel/500467.grundrechte-report-2025-galoppierende-entrechtung.html
19 https://www.theleftberlin.com/dror-dayan-from-the-river-to-the-sea/
20 https://www.jungewelt.de/artikel/500217.eskalation-mit-vorsatz.html
21 https://www.spiegel.de/ausland/israel-gaza-konflikt-deutsche-bevoelkerung-kritisiert-laut-umfrage-israels-vorgehen-im-gazastreifen-a-da6630fa-8c9c-43a7-9fbf-2c0fd88a68cd
22 https://koerber-stiftung.de/site/assets/files/43886/the-berlin-pulse_2024-25.pdf
23 https://www.theleftberlin.com/germanys-authoritarian-turn-palestine-repression-police/
24 Arundhati Roy, « Aucune propagande au monde ne peut masquer la plaie de la Palestine : discours d’acceptation du prix PEN Pinter d’Arundhati Roy ». The Wire, 11 octobre 2024. https://thewire.in/rights/palestine-israel-apartheid-arundhati-roy-pen-pinter-prize

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