On désigne les ‘sans-papiers’ trop souvent comme une menace, un problème à résoudre ou une source de désordre. Souvent évoqués dans le débat public à travers le prisme de l’irrégularité administrative, les sans-papiers demeurent largement invisibles dans la société française. Pourtant, les sans-papiers font partie intégrante de notre société et représentent, loin des clichés, une véritable richesse pour la France.

Le nombre de sans-papiers en France est difficile à mesurer avec précision. Selon des associations comme La Cimade, il se situerait entre 500 000 et 600 000 personnes. Mais en novembre 2021, le ministre de l’Intérieur avait lui-même évoqué une estimation de 600 000 à 700 000 personnes en situation irrégulière, sans qu’on sache précisément quelle part de cette population travaille effectivement.

Une main-d’œuvre présente dans les secteurs en tension

Restauration, bâtiment, nettoyage, aide à la personne : ces secteurs connaissent d’importantes difficultés de recrutement. Selon plusieurs associations et syndicats, une partie de ces emplois est occupée par des travailleurs sans-papiers. Bien qu’en situation irrégulière, ils participent activement à l’économie et répondent à des besoins auxquels les entreprises peinent à faire face.

Une contribution invisible mais réelle

Contrairement à certaines idées reçues, les sans-papiers ne vivent pas en marge totale du système. Beaucoup contribuent indirectement au financement public, notamment par la TVA, les cotisations prélevées sur leurs salaires déclarés ou encore les impôts payés sous un numéro fiscal provisoire. Beaucoup de personnes pensent qu’ils ne « profitent pas du système » mais y prennent part de manière active. Leur participation, bien que rarement mise en avant, existe bel et bien.

Un ancrage social souvent méconnu

Derrière le terme générique de « sans-papiers », se trouvent des familles, des enfants scolarisés, des travailleurs engagés dans la vie quotidienne. Leur présence se traduit aussi par une intégration locale : participation aux associations, vie de quartier, liens de voisinage. Ils aspirent simplement à vivre dignement, travailler légalement et offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

Des valeurs de courage et de solidarité

Quitter son pays, affronter l’exil, reconstruire une vie ailleurs exige une force de caractère immense. Les sans-papiers portent avec eux des valeurs de courage, de persévérance et de solidarité qui enrichissent notre société.

Un débat de société récurrent

La question des sans-papiers soulève régulièrement des débats politiques. Faut-il renforcer les contrôles ou favoriser leur régularisation ? Les partisans d’une approche inclusive estiment que reconnaître leur contribution permettrait de réduire la précarité, d’améliorer leurs conditions de travail et de mieux encadrer leur présence en France.

Le graphique comparatif des régularisations, titres de séjour et expulsions en 2024

Changer le regard

Plutôt que de les réduire à un statut administratif, il est temps de reconnaître les sans-papiers comme des acteurs positifs de la société française. Leur régularisation ne serait pas un cadeau, mais une reconnaissance de leur contribution et un pas vers plus de justice et de cohésion sociale.

Loin de se limiter à une problématique sécuritaire, la réalité des sans-papiers interroge sur leur place dans la société française. Ils sont des bâtisseurs de l’ombre, des travailleurs de première ligne, des familles investies. La France gagnerait à leur tendre la main plutôt qu’à les stigmatiser. Entre besoins économiques, enjeux humains et débats politiques, ils apparaissent moins comme des fauteurs de troubles que comme des acteurs discrets mais indispensables du quotidien.

 

Nayan Khiang