Avant l’or, il y avait des villages. Après l’or, il y eut des tombes, des forêts blessées et des noms effacés de l’histoire.

À leur arrivée, la civilisation était déjà là. Lorsque les navires espagnols atteignirent les côtes de ce que nous appelons aujourd’hui le Venezuela, ils ne débarquèrent pas sur des terres inhabitées. Entre 1,5 et 2 millions de personnes y vivaient. Il s’agissait des peuples Caraïbe, Cumanagoto, Chaima, Jirajara, Guajibo, Yanomami, Yekuana, Piaroa, Bániva, Pemón et Warao. Ils parlaient leurs propres langues, naviguaient sur les rivières et croyaient que la forêt avait une âme. L’or n’était pas un butin, c’était un symbole.

En 1498, tout changea. Le pillage ne se fit pas seulement à coups d’épées ; il s’accompagna de maladies, de croisades religieuses et de tonnes d’or volées sans relâche pendant des siècles. L’histoire commença par l’extermination.

1500–1600 Le premier massacre

Plus de 40 % de la population autochtone périt. Variole, esclavage, violence. Confiés aux mines, les peuples autochtones furent réduits à l’état d’esclaves anonymes. Au moins 50 tonnes d’or furent extraites, soit l’équivalent actuel de plus de 4 milliards de dollars. Les Cumanagotos et les Chaima disparurent pratiquement. L’or était de l’or de sang.

1600–1700 Évangélisation et contrôle

L’évangélisation fut une autre forme de colonisation. Les missions imposèrent leur langue et leur dieu. Les rituels, les chants et les noms furent interdits. Les populations jirajara et guajibo furent réduites à moins de 30 %. Au cours de ce siècle, 60 tonnes d’or, soit plus de 5,5 milliards de dollars, furent pillées. La plus grande perte ne fut pas matérielle, mais spirituelle.

1700–1800 Le Sud assiégé

La colonisation progressa en Amazonie et en Guyane. Les Waraos, les Pemons et les Banivas furent déplacés, dépossédés et violés. Des rivières furent détournées, des femmes violées et des forêts défrichées. Quatre-vingts tonnes d’or, aujourd’hui estimées à 7,5 milliards de dollars, furent extraites. Mais il n’y eut ni restitution ni reconnaissance.

1800–1900 Indépendance sans justice

L’indépendance n’a pas libéré les peuples autochtones. Elle a seulement changé le propriétaire des chaînes. L’Angleterre, la France et les États-Unis ont signé des concessions pour exploiter la Guyane. Plus de 120 tonnes d’or ont quitté le pays par bateau, soit environ 10 milliards de dollars aujourd’hui. Les Yanomami et les Yekuana ont été chassés de leurs terres. Personne ne leur a rien rendu en retour.

1900–1950 L’or et la dictature

Les premières sociétés d’extraction d’or modernes opéraient en toute impunité. Venezuelan Gold Fields et la Compagnie minière des Guyanes furent créées avec le soutien de régimes autoritaires. Les Pemon furent totalement ignorés. 150 tonnes d’or furent extraites, pour une valeur de plus de 12 milliards de dollars. La forêt continua de produire, tandis que les populations continuaient de mourir.

1950–2000 Le Mercure et la faim

L’or fut transporté par avion, bateau et hélicoptère. Cela a été fait par Placer Dome, Gold Reserve et Crystallex. Des camps illégaux dévastèrent l’habitat yanomami. Le mercure, le trafic de drogue et la traite des femmes furent introduits. 250 tonnes d’or, d’une valeur de plus de 25 milliards de dollars, furent extraites. Pendant ce temps, la malnutrition infantile chez les autochtones dépassait 45 %. Des enfants sans nourriture, de l’or sans contrôle

2000–2025 L’Arc Minier de l’Enfer

En 2016, l’Arc minier de l’Orénoque a été légalisé. Plus de 112 000 km² ont été exploités. Des entreprises chinoises, russes et turques, ainsi que des groupes armés, opèrent sans réglementation. Des disparitions, des viols, des pollutions et des meurtres sont signalés. Depuis, 300 tonnes d’or ont été exportées, pour une valeur de plus de 55 milliards de dollars. La contrebande annuelle dépasse les 50 tonnes. La mort a été légalisée.

L’extermination silencieuse

En 1500, on comptait 2 millions d’autochtones. Aujourd’hui, ils sont moins de 550 000. De nombreux groupes ethniques ont disparu. Ceux qui subsistent vivent dans une extrême pauvreté, sans soins de santé ni éducation bilingue. L’or les a mis de côté, l’histoire les a effacés. L’État leur a tourné le dos. Tandis que les élites parlaient d’une patrie, les peuples autochtones continuaient de mourir en silence.

Qui a remporté l’or

L’Espagne a saisi au moins 300 tonnes. Le Royaume-Uni et la France en ont saisi 150 autres. Les États-Unis et le Canada ont également saisi environ 300 tonnes supplémentaires. Des sociétés telles que Yintai Gold, GR Mining et Rosgeo continuent d’extraire sans contrôle. Le total dépasse 1 300 tonnes, soit plus de 1 300 milliards de dollars. En incluant l’or de contrebande et l’or manquant, ce chiffre atteint 1 800 milliards de dollars. Pas un seul centime n’a été restitué à sa source.

Épilogue pour ceux qui n’ont pas d’épilogue

L’or fut une tragédie. Il n’y eut ni justice ni réparation. Seulement le pillage, l’oubli et la mort. Mais ils persistent. Ils résistent en silence, défendant une forêt qui n’était pas la leur, mais qui faisait partie d’eux. Ils réclament justice, pas la charité. Ils réclament des terres, pas des discours. Et ils exigent que l’or cesse d’être une malédiction.

Parce qu’il n’y aura pas d’or pur tant qu’il y aura des gens baignés dans le sang des autres.

 

Voir tous les articles de la Série Matières premières, Énergie, souveraineté, pouvoir ICI