« Oh Barbara, quelle connerie la guerre » (Jacques Prévert) Nous assistons actuellement à un réarmement massif, tant conventionnel que nucléaire, et également, depuis quelques années, à un affaiblissement, voire une démolition de toute un ensemble d’institutions et de traités internationaux qui avaient été mis progressivement en place à la suite de la 2ème guerre mondiale. Pourquoi ?
Pour essayer d’y répondre il faut remonter au moins au lendemain de la dissolution de l’Union Soviétique : c’était le début des années ‘90, la fin de la guerre froide et la dissolution également du Pacte de Varsovie, ce qui avait ouvert le grand espoir qu’un temps de paix allait finalement arriver. Sur une période d’une douzaine d’années, en effet un rapprochement constructif eu lieu entre la Russie et le reste de l’Europe, au point qu’un ‘Acte Fondateur OTAN-Russie’ avait été signé en 1997 et que la Russie était en pourparlers pour faire partie de l’OTAN !
La deuxième guerre en Irak en 2003, déclenchée par les USA/OTAN, non seulement sans mandat de l’ONU et basée sur un mensonge total, mais également sans consulter la Russie qui était justement en coopération avec l’OTAN, a provoqué un changement à 180° du positionnement de Poutine vers l’Occident. (On peut voir à ce sujet l’excellent documentaire “POUTINE, l’OTAN et l’EUROPE” sur ‘Arte’ – ‘Le dessous des cartes’).
Ensuite l’extension rapide de l’OTAN vers l’Est jusqu’à atteindre le nombre de 30 Etats, avec la perspective d’y ajouter l’Ukraine et la Géorgie (sommet de l’OTAN de 2008 à Bucarest), a constitué pour la Russie une trahison flagrante de la promesse de plusieurs leaders occidentaux (Kohl, Mitterrand, Mme Tatcher et Manfred Wörner, secrétaire général de l’OTAN) face à Gorbatchev, de ne pas étendre l’OTAN au-delà de l’Allemagne réunifiée.
La guerre en Ukraine, déclenchée par Poutine, est une des conséquences de ce processus, tout en étant fermement condamnable puisqu’en violation du Mémorandum de Budapest (1994) ainsi que du Droit International, avec également la menace répétée d’utilisation d’armes nucléaires, et donc avec le risque épouvantable d’un dérapage vers une guerre globale.
On voit bien, dans cet exemple, comme, pour obtenir l’élimination effective et totale des armes nucléaires, il est indispensable de prendre en compte le contexte géopolitique, tellement ces réalités sont imbriquées !
La réaction de l’Union Européenne et de l’OTAN à tous cela consiste en cette course actuelle à un réarmement tous azimuts, et cela encore plus suite à l’attitude récente de Donald Trump vis-à-vis de l’OTAN en Europe.
Pourquoi alors, au contraire, ne pas proposer d’ouvrir une table de négociations entre l’Occident et la Russie sur l’ensemble des problèmes de frontière (≈ 4000 Km) liés principalement aux minorités russes dans les différents pays de l’Est (notamment en Estonie et Lettonie où 1/3 de la population est d’origine russe, dont la moitié se trouve contrainte d’être apatride !) : autant de « bombes à retardement » dont la première a déjà explosé en Ukraine. Pour cela il s’agit de convaincre l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) à faire une telle démarche, bien sûr sous l’égide de l’ONU : renouer un dialogue interrompu brutalement il y a une vingtaine d’années.
Il s’agit, en d’autres termes, d’opérer une transition d’une « culture de l’ennemi », une approche perdante-perdante, vers une « culture de la coopération », gagnante-gagnante, et de ce fait bien plus désirable par tout le monde !
Cette « culture de l’ennemi » constitue la cause de nombreuses guerres : à son tour elle est souvent engendrée par l’hubris (= une volonté de puissance démesurée) des leaders des différents ‘empires’ anciens, nouveaux ou rénovés. (Voir par exemple la « full spectrum dominance » dans la doctrine des USA).
En réalité, les vrais ennemis de chaque Etat ne sont pas d’autres Etats, les vrais ennemis sont communs à tous les Etats et ils s’appellent : le réchauffement climatique, la destruction accélérée de la biodiversité, la pollution de l’environnement, la faim et la misère dans le monde, les épidémies, etc. C’est pour faire face efficacement à ces ennemis communs qu’il s’agit d’engager tout le potentiel dont dispose l’Humanité en intelligence, initiatives solidaires, créativité … et pas dans une course folle à toute sorte d’armements.
Une relance du partenariat entre l’Union Européenne et la Russie faciliterait également un processus de désarmement nucléaire, même si pour le finaliser sera indispensable de le promouvoir à l’intérieur même du ‘club’ des 9 puissances nucléaires : et ce sera à nous, société civile, de provoquer une prise de conscience du fait que le risque d’une guerre nucléaire, même par accident ou par erreur, est clairement à un niveau inacceptable, et tout d’abord pour elles-mêmes (!) tant l’Humanité se rapproche seconde par seconde de la guerre nucléaire d’après l’Horloge de l’Apocalypse (la’ Doomsday Clock’ des scientifiques atomiques).
Venant maintenant quant à l’affaiblissement, voire la démolition progressive de toute un ensemble d’institutions et de traités internationaux : il s’agit d’un processus d’une extrême gravité. A la suite de chacune des deux guerres mondiales on avait déclaré : ‘jamais plus la guerre’ et pour cela on a créé des Institutions internationales (la Société des Nations après la 1ère guerre mondiale et l’ONU après la seconde), justement pour tout faire en vue d’éviter des nouvelles guerres et surtout une nouvelle guerre mondiale, par des processus de négociation là où des différends seraient à nouveau apparus.
Or, on assiste à une sorte de paralysie progressive de l’ONU, notamment à cause du caractère anti-démocratique de son Conseil de Sécurité et des insuffisances de sa ‘force de paix’ (les ‘casques bleus’), si bien que le rôle de l’ONU apparait tout à fait marginal dans les tentatives de médiation pour les guerres en cours.
De même les traités concernant les armements les plus inhumains : les armes chimiques, bactériologiques, les bombes à sous-munitions, les mines anti-personnels et surtout les armes nucléaires sont soit affaiblis (comme le TNP), soit supprimés (comme l’important traité INF, sur l’Intermediate-Range Nuclear Forces, signé en 1987 entre Reagan et Gorbatchev), et la liste est en réalité bien plus longue … par exemple la Finlande et la Suède viennent d’annoncer leur retrait du Traité d’interdiction des mines anti-personnel, en donnant comme motivation leur besoin de défense vis-à-vis de « l’ennemi Russe » !
En conclusion, il s’agit de travailler sur deux axes complémentaires : remplacer une « culture de l’ennemi » par une « culture du dialogue, de la négociation et de la coopération », la base pour une Paix juste et durable, à la fois par des initiatives de sensibilisation de l’opinion publique et par des initiatives diplomatiques, basées sur le multilatéralisme, et d’autre part « revitaliser » les Institutions et le Traités Internationaux de façon à renverser le processus actuel de retour à un régime ‘westphalien’ (1648) où chaque Etat, totalement souverain, cherche à prévaloir sur les autres dans une suite de guerres sans fin.
Le rôle de la société civile doit se déployer sur ces deux axes : d’une manière directe dans la sensibilisation de l’opinion publique et d’une manière indirecte dans la stimulation de processus diplomatiques pertinents à chaque situation de crise dans le monde.
Et, en écho au titre de cette tribune, il est important de rappeler l’affirmation de Gorbatchev « Si un Etat veut être en sécurité, il faut d’abord qu’il contribue à la sécurité des autres Etats » : or, la dissuasion nucléaire produit exactement le contraire !









