La Marche mondiale vers Gaza a échoué en raison de la répression égyptienne sur trois fronts : en Libye, en Cyrénaïque contrôlée par le général Haftar, le convoi en provenance de Tunisie et d’Algérie a été bloqué sous prétexte d’absence d’autorisation égyptienne.

Au Caire, le contrôle militaire est omniprésent, rue après rue. La répression égyptienne est menée dès l’arrivée des personnes à l’aéroport : passeports confisqués, personnes bloquées et contraintes de camper pendant des heures, arrestations et rapatriements immédiats, notamment de toutes les personnes portant des noms arabes, même celles originaires d’Europe.

De plus, le troisième front s’était ouvert le mercredi 11 juin, car une partie importante des militants tentait de rejoindre un point de rassemblement à 30 km du Caire, mais là aussi, la répression égyptienne les a tous repoussés. La valeur de ce témoignage demeure précieuse, en attendant une autorisation fantôme qui n’arrivera jamais.

Il convient de noter, d’après le témoignage du représentant du Latium, Stefano Bertoldi, de la délégation italienne de la Grande Marche Vers Gaza GMTG, au Caire, que « ce vendredi 13 juin, ceux qui se sont séparés du groupe de leur pays pour atteindre le point de rencontre n’ont pas respecté l’engagement écrit de n’entreprendre aucune action  sans le feu vert régulier du gouvernement égyptien, engagement envers lequel la GMTG a toujours été très respectueuse depuis le début, précisément en raison de la délicate situation de pression internationale ». L’initiative du 13 juin a réuni un groupe dispersé, composé de 500 à 1 000 personnes, qui ont décidé, de manière indépendante, d’exprimer leur frustration en se rendant au point de rencontre entre Le Caire et Al-Arish, dernier avant-poste urbanisé avant la bande de désert qui le sépare du point de passage de Rafah.

Ce désert représente le tronçon de route d’environ 45 km qui aurait dû être parcouru à pied, avec une marche symbolique vers Gaza. La pression simultanée du convoi de Soumud, désormais bloqué à plus de 1 000 kilomètres de Rafah, en Cyrénaïque (Libye), le déclenchement du conflit irano-israélien avec les missiles traversant le ciel à peu de distance et la menace imprudente du ministre de la Guerre sioniste ont encore accru la pression sur le gouvernement égyptien.

Le convoi d’Al-Sumoud a été stoppé en Cyrénaïque, à plus de mille kilomètres de Gaza, par les gardes du gouvernement fantoche du général Haftar, père de Saddam, le trafiquant d’êtres humains criminel qui, il y a quelques jours, alors qu’il était invité en Italie, avait serré la main du ministre Piantedosi, peut-être par égard pour les intérêts de la société italienne d’hydrocarbures ENI et, de fait, pour la poursuite sereine du « sale boulot » au détriment des migrants.

Les groupes qui se sont détachés pour atteindre le point de rencontre, bien qu’étant en minorité, se sont dirigés sans ordre particulier vers Ismaïlia, près du canal de Suez et dans une zone déjà militarisée, dans une situation extrêmement tendue. Ce bras de fer a mis en difficulté le gouvernement égyptien, qui a interprété ce geste non pas comme une libre expression de la volonté de briser le siège de Gaza, mais comme un signe dangereux d’ingouvernabilité de l’ensemble du mouvement, mettant ainsi définitivement fin à toute velléité de négociation sur le véritable objectif : la marche vers le point de passage de Gaza.

Aucun de ceux qui ont été poussés par l’impulsion de faire pression sur les postes de contrôle sans autorisation n’aurait imaginé que trois membres de l’équipage du Madleen, la Flottille de la Liberté, se trouvaient toujours dans une prison israélienne, et donc exposés à un risque réel de représailles de toutes sortes : quelques jours plus tôt, en effet, un militant de retour de Tel-Aviv en Europe avait dénoncé diverses tortures, dont la torture du sommeil, infligées à Greta Thunberg. Il faut dire que dès le début, le gouvernement égyptien, contraint de jongler entre des alliances tenaces avec les États-Unis et l’Europe et une population, par ailleurs largement pro-palestinienne et toujours prête à se soulever, a immédiatement cherché à réduire toute convergence potentiellement dangereuse pour sa stabilité interne, entre des personnes ou des groupes particulièrement proactifs et le convoi Sumoud, culturellement et émotionnellement très proche du peuple palestinien. L’escalade de la guerre entre l’Iran et Israël a fait le reste, à tel point que l’idée de réaliser une marche en minimisant les risques s’est définitivement estompée, compte tenu également de l’évolution tragique des conflits environnants et du réveil de certaines milices djihadistes qui ne sont plus si « dormantes », qui ces derniers jours ont fait sentir leur « présence » et leur pression aux portes des points de contrôle entre Al-arish et Rafah.

Le projet de Marche mondiale vers Gaza n’a pourtant pas échoué. Au contraire, l’expérience d’un réseau relationnel international uni par un pacifisme et un antimilitarisme convaincus s’avérera précieuse pour combattre, dans leurs pays respectifs, les gouvernements complices d’un génocide et d’accords commerciaux et militaires avec un État qui a depuis longtemps perdu son statut de seule démocratie du Moyen-Orient.

Les fronts « internes » sont en effet nombreux et tout aussi importants concernant la réouverture du point de passage de Rafah, précisément en raison de cette complicité criminelle constituée par la vente d’armes et les accords commerciaux et universitaires avec l’État sioniste : mettre fin à cette complicité, une fois de retour du Caire dans leurs pays respectifs, sera donc une priorité qui rendra le mouvement de la Marche mondiale vers Gaza encore plus déterminé qu’à ses débuts, précisément parce qu’il a constaté de visu la puissance des pressions visant à empêcher les citoyens de s’opposer, même avec leur propre corps, à la culture de la guerre, à la loi méprisante du plus fort.

 

Traduction, Evelyn Tischer