« Nous aurons du travail, eux-non ! Nous aurons les retraites, eux-non ! Nous aurons des avantages pour les retraités et les enfants, eux-non ! Nos enfants iront à l’école et à la garderie, leurs enfants resteront dans les caves ! Parce qu’ils ne savent rien faire. Et c’est comme ça, et précisément comme ça, que nous gagnerons cette guerre ! »

Ces mots, menaçant la population russophone du Donbass, ont été prononcés le 24 octobre 2014, devant la Rada, par le président Ukrainien de l’époque, Petro Porochenko.

https://www.youtube.com/watch?v=qjwTJX2KK1s&ab_channel=SudOuest

Cette vidéo qu’Anne-laure Bonnel découvre en France, marque le début de son enquête. Qu’est-il en train d’arriver en Ukraine ? Elle va chercher à le comprendre. En 2015, elle quitte alors Paris pour se rendre dans la région du Donbass où se trouvent les régions séparatistes autoproclamées sous influence russe : Donetsk et Lougansk.

Arrivée sur place, elle constate rapidement que les bombardements n’ont pas cessé. L’ordre du cessez-le-feu, des accords de Minsk II, signés en Février 2015 en Biélorussie avec la présence d’Angela Merkel et de François Hollande, n’est pas respecté. Caméra au poing, Anne-Laure Bonnel part donc à la rencontre des civils du Donbass. Ce sont ces victimes, les oubliés qui subissent cette guerre qu’elle veut que nous écoutions. À bord d’une voiture, ce ne sont plus que des paysages détruits qui défilent sous nos yeux. La population vit dans le froid, dans des caves, démunis. Enfants, grands-parents, depuis des mois, ils se cachent des bombardements ukrainiens. Les retraités n’ont plus rien. Anne-Laure Bonnel filme aussi les morts. Cette guerre civile qui dure depuis 8 ans, a coûté la vie à plus de 13 000 personnes. « C’est quoi ce pays où le peuple s’entretue ? » dénonce, pleine de colère et de désespoir, une habitante réfugiée dans une cave depuis des mois. Ces habitants russophones ne comprennent pas. Qu’ont-ils fait pour vivre dans cette misère ?

(Crédit images : « Donbass, la guerre oubliée ». Réalisé par Anne-Laure Bonnel)

Pendant que le monde regarde ailleurs, Anne-Laure Bonnel rapporte ces images. Elle doit se contenter uniquement du côté Est de l’Ukraine puisque Kiev, lui a interdit de territoire pendant 10 ans pour s’être rendue dans le Donbass. Son film terminé, il est sélectionné par Amnesty International. Puis, plus rien. Son film disparaît du catalogue. En quelques jours, son documentaire ne fait plus parler. Refus de France TV, Arte, M6 de le diffuser. Il tombe dans l’oubli, comme cette guerre qui le reste.

Pour un second documentaire, elle revient sur place, dans le Donbass, quelques heures avant l’annonce de l’invasion russe par Vladimir Poutine.  Mais cette année, Anne-Laure Bonnel a eu droit à une avalanche médiatique. En direct, sur Cnews, elle a montré des corps sans vie de civils en affirmant que le gouvernement ukrainien bombardait sa population depuis 2014.

A-L. Bonnel :  » Je ne prends pas position.

P. Praud – Ce que vous dîtes est factuel.

A-L. Bonnel – Tout à fait. Le gouvernement ukrainien a bombardé sa population. Les enfants ont vécu huit mois dans des caves. »

Les médias l’ont décrédibilisée, comme Libération qui lui avait demandé une interview. Son travail et son intégrité ont été attaqués. Tout de suite, elle s’est vue qualifiée de pro-Russe, pro-Poutine, complotiste, et proche de l’extrême droite…  Twitter et Instagram l’ont censurée . Ses images ont été remises en question, ainsi que ses vidéos. Alors, en pleine zone de guerre, elle a témoigné. Quotidiennement, face caméra, et vue par des milliers d’internautes, elle a publié de courtes vidéos pour nous montrer la réalité du terrain. « Moi, mes films ne sont pas politiques. Ils sont sur les civils ! »

(crédit image : Anne-Laure Bonnel)

Sur son compte Instagram, sous une photo en guise de légende, elle écrit : « Frappe russe. Des civils dans les deux camps. UKRAINE. Paix-dialogue-diplomatie. »

Ces images, ces témoignages sont indispensables dans cette guerre de l’information qui fait rage. Il ne peut y avoir qu’un côté. La réalité est bien plus complexe que la vision manichéenne proposée par les médias mainstream. Histoire, contexte, faits, complexité, sources. Merci à Anne-Laure Bonnel, la journaliste… ou plutôt, l’enquêtrice.

« Vous pouvez toujours courir pour que je me dise journaliste. C’est une étiquette qu’on m’a collé {…} Je préfère la définition de Pierre Péan : enquêteur ».

(5 Mars. Donetsk. Une école bombardée. Crédit image : Anne-Laure Bonnel)

 

Pour découvrir son film « Donbass, la guerre oubliée » : https://vimeo.com/202792798?fbclid=IwAR2-pDuYs8LSMYSzqDIUrcfvvcqg5sfxBnjd7e8KvwSfW82jeuXXeJuAA90

Sa chaine YouTube où elle poste ses aventures avec la presse et ses témoignages sur la population du Donbass : https://www.youtube.com/channel/UCl9gThimS6shp-na3p_-dsA/videos

Elle s’est également rendue dans le Haut-Karabagh en 2020 pour documenter la guerre qui y règne:  https://vimeo.com/683237694