Le 11 novembre dernier le premier ministre François Legault a déclaré que Québec souhaitait investir dans l’armement et la défense. En fait, c’est l’argent des fonds publics qui sera utilisé au profit de l’industrie militaire.

Le gouvernement Legault a soumis à Ottawa une liste de neuf projets d’investissement en défense sur le sol québécois dans le but qu’ils soient priorisés par le gouvernement fédéral. Parmi ces projets d’une valeur d’au moins 11 milliards de dollars, certains pourraient aussi recevoir le soutien financier du Québec. Sur cette liste qui a circulé dans les deux gouvernements, on trouve l’achat d’avions de Bombardier pour la détection et la surveillance militaire, la modernisation du chantier naval à Lévis pour construire et entretenir des sous-marins ou encore la fabrication de nouveaux obus à Salaberry-de-Valleyfield. (source Radio-Canada, Legault veut prioriser neuf projets en défense, de 11 à 16 milliards de dollars, 11 novembre 2025)

Rappelons que le gouvernement canadien a dévoilé au cours de l’été dernier ses priorités économiques en indiquant que plus de 150 milliards de dollars des fond publics canadiens seront investis dans la défense et la production d’armement, et ce, sur une période de 10 ans. C’est 15 milliards de dollars par année. Par ailleurs, le gouvernement n’aura pas accès à des entrées de revenus nécessaires pour faire de tels investissements. Plusieurs observateurs dénoncent le choix du gouvernement puisqu’il devrait exercer des coupes dans certains programmes et services en santé et en éducation pour y trouver les fonds nécessaires. De plus, les pensions de vieillesse de plusieurs centaines de milliers de canadiens risques d’être touchées par ces nouvelles mesures économiques.

En novembre dernier, plusieurs organismes de la société civile québécoise ont exprimé leur profonde inquiétude concernant la volonté de positionner le Québec  et le Canada comme acteur majeur de l’industrie militaire. Selon les organisations cette orientation représente un virage dangereux pour la société et la planète.

Les organisations signataires du communiqué rappellent que ces choix se font au détriment d’investissements essentiels dans la transition écologique, la lutte contre les changements climatiques et le filet social dont la population a cruellement besoin.

Il est profondément troublant de voir nos gouvernements miser sur l’industrie militaire comme moteur économique, alors que plus d’armements ne sont jamais gage de plus de sécurité. Bien au contraire, cela augmente le risque de guerres de plus en plus dévastatrices, déclare Michèle Asselin, directrice générale de l’AQOCI.

Opérant souvent dans l’opacité sous prétexte de sécurité nationale, l’industrie militaire échappe aux mécanismes habituels de surveillance démocratique et de transparence. Est-ce vraiment là que nous souhaitons investir nos ressources collectives, plutôt que dans la construction d’un monde plus équitable et durable? renchérit Yasmina Moudda, directrice générale d’Alternatives.

Contrairement aux affirmations du premier ministre Legault, l’industrie militaire n’est pas un vecteur efficace de création d’emplois, poursuit Martine Éloy du Collectif Échec à la guerre. Chaque dollar investi dans le secteur militaire crée moins d’emplois que le même dollar investi dans les services publics ou les énergies renouvelables. Nous assistons à un choix politique délibéré qui favorise les profits de l’industrie de l’armement au détriment du bien-être collectif.

C’est la première fois au Québec que l’on prévoit de valoriser de la sorte de l’argent public dans l’industrie de l’armement, et M. Legault le fait de façon unilatérale, sans aucune consultation publique ni débat démocratique. Le gouvernement ne s’est pas fait élire sur une plateforme de militarisation de notre économie, déclare Sarah Charland-Faucher, coordonnatrice du Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES).

Les organismes signataires rappellent l’impact environnemental considérable de l’industrie militaire, qui représente aujourd’hui 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon l’Observatoire des conflits et de l’environnement. Ces émissions ne sont généralement pas comptabilisées dans les bilans nationaux, ce qui masque leur contribution significative à la crise climatique.

De plus, la course aux minéraux critiques nécessaires à la production de matériel militaire relancera l’extractivisme au Québec et ailleurs dans le monde, ce qui risque d’entraîner une criminalisation et une répression des défenseurs et défenseuses des territoires, en particulier les peuples autochtones, ajoute Amélie Nguyen, coordonnatrice du Centre international de solidarité ouvrière.

La sécurité véritable de nos populations ne passe pas par la fabrication d’avions de combat, de drones ou de sous-marins, mais par la construction de sociétés résilientes, justes et écologiques », conclut Valérie Delage, directrice générale du Comité de Solidarité/Trois-Rivières.

Les organismes appellent les gouvernements québécois et canadien à revoir leurs priorités et à investir dans un avenir de paix et de justice sociale plutôt que dans une économie de guerre qui ne profite qu’à une minorité et qui génère de la souffrance et la destruction des générations futures.

Liste des signataires:

  • Michèle Asselin, Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
  • Sarah Charland-Faucher, Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement (CIBLES)
  • Valérie Delage, Comité de Solidarité/Trois-Rivières
  • Martine Éloy, Collectif Échec à la guerre
  • Yasmina Moudda, Alternatives
  • Amélie Nguyen, Centre international de solidarité ouvrière (CISO)