La richesse du pays ne réside pas dans son sous-sol, mais dans ce que nous en faisons. Et cela relève de la politique, pas de la géologie.
Point de départ : Un diagnostic sans fard
Entre 2000 et 2025, le Pérou a perçu des centaines de milliards de dollars de revenus provenant de l’exploitation minière, des hydrocarbures et des exportations agricoles. Le PIB a connu une croissance cyclique, les réserves internationales ont augmenté et le discours macroéconomique a triomphé. Mais dans les domaines de l’eau, de la santé, des infrastructures et de la diversification industrielle, les inégalités territoriales demeurent intactes. Les règles sont conçues pour attirer les investissements, et non pour garantir un développement global. Changer cela nécessite une volonté politique soutenue, au-delà d’un seul mandat.
Réforme fiscale et contractuelle des industries extractives
- Canon contracyclique : Créer un Fonds souverain péruvien pour les ressources naturelles, géré avec la participation citoyenne, qui investisse dans les infrastructures productives et les services de base, amortissant ainsi la chute des prix internationaux.
- Clauses de flexibilité fiscale : Renégocier les contrats afin que le taux de contribution effectif augmente proportionnellement lorsque les prix internationaux dépassent certains seuils.
- Arbitrage révisé : Inclure des clauses d’« intérêt public prépondérant » dans les accords de libre-échange et les contrats, autorisant des mesures environnementales et sociales sans compensation pour les entreprises.
Délai estimé : 3 ans pour les renégociations prioritaires.
Indicateur : Augmentation minimale de 20 % des recettes nettes en ressources pendant les cycles de pointe.
Consultation préalable obligatoire et planification territoriale
- Caractère contraignant : La consultation doit permettre de modifier, de déplacer ou d’interrompre un projet s’il affecte de manière irréversible le territoire ou la culture.
- Cadastre foncier actualisé des peuples et des territoires : établi à l’aide de technologies satellitaires, de registres communautaires et de vérifications indépendantes.
- Planification territoriale obligatoire : définir des zones d’exclusion minières, d’hydrocarbures et agro-industrielles en fonction de critères liés à l’eau, à la biodiversité et à la culture.
Délai estimé : 2 ans pour le cadastre ; 4 ans pour la planification complète.
Indicateur : 100 % des nouvelles concessions accordées dans des zones compatibles avec l’OT.
Fonds national d’assainissement et de fermeture
- Cautionnement obligatoire de fermeture : dépôts dans des fonds fiduciaires avant le début des opérations.
- Responsabilité étendue : les entreprises doivent couvrir les impacts directs et indirects détectés jusqu’à 20 ans après la fermeture.
- Intervention immédiate de l’État : en cas d’abandon, l’État exécute le fonds et engage une action en justice internationale.
Délai estimé : mise en œuvre juridique dans un an.
Indicateur : réduction de 50 % des nouvelles responsabilités environnementales en 10 ans.
Industrialisation et chaînes de production
- Parcs miniers et métallurgiques : fusion et raffinage du cuivre, du zinc et potentiellement du lithium, utilisant des énergies renouvelables.
- Marchés publics à contenu local : l’État est client pour les machines, les composants électriques et la métallurgie.
- Pôles régionaux : intégration d’universités, d’experts techniques et d’entreprises pour produire des intrants et des services destinés aux secteurs minier et agroalimentaire.
Délai estimé : 5 à 7 ans pour la première phase industrielle.
Indicateur : Au moins 30 % des exportations minières seront transformées localement d’ici 2035.
L’eau et la santé, une priorité pour l’industrie extractive
- Permis d’utilisation de l’eau révisables tous les 5 ans en fonction de la disponibilité et de la qualité.
- Stations de traitement communautaires financées par des redevances et des fonds privés obligatoires.
- Système national de santé environnementale : surveillance permanente des métaux lourds, avec des capacités de soins et de traitement spécialisées dans les zones touchées.
Délai estimé : 3 ans pour une mise en œuvre complète.
Indicateur : réduction de 40 % des indicateurs d’exposition aux polluants en 8 ans.
Lutte contre l’illégalité et formalisation réelle
- Renseignements financiers et logistiques : Réduction des chaînes d’approvisionnement en carburant, produits chimiques et machines pour l’exploitation minière illégale.
- Formalisation accélérée : assistance technique, financement et délais stricts, avec des objectifs annuels pour une formalisation réelle, et pas seulement sur le papier.
- Présence permanente de l’État : pas d’opérations isolées, mais des bases intégrées dans les zones critiques.
Délai estimé : 10 ans pour réduire l’exploitation minière illégale à moins de 10 % du total.
Indicateur : réduction annuelle soutenue de la superficie déboisée par l’exploitation minière illégale.
Transition énergétique souveraine
- Plan d’électrification industrielle : Utiliser le gaz et les énergies renouvelables pour stimuler la production nationale d’électricité.
- Batteries et mobilité électrique : Incitations fiscales pour l’assemblage local de batteries et de véhicules à faibles émissions, intégrant le cuivre et le lithium potentiellement local.
- Exportations à valeur ajoutée : Interdiction progressive de l’exportation de certains minéraux non transformés.
Délai estimé : 15 ans pour consolider le secteur des énergies propres.
Indicateur : 50 % du cuivre et 80 % du lithium exportés avec valeur ajoutée d’ici 2040.
Transparence et contrôle social
- Portail unique des ressources naturelles : Contrats, redevances, suivi, permis d’utilisation de l’eau, études d’impact, tous accessibles au public.
- Observatoires citoyens financés par les redevances pour un audit indépendant des travaux et des permis.
- Sanctions efficaces pour les fonctionnaires qui dissimulent ou manipulent des informations.
Délai estimé : 1 an pour le lancement.
Indicateur : Réduction des conflits liés au manque d’informations en 5 ans.
La feuille de route
Aucune de ces mesures n’est impossible ; elles existent toutes quelque part dans le monde. Ce qui manque n’est pas technique : c’est la détermination politique et la persévérance sociale. Le Pérou n’est pas pauvre par manque de ressources ; il l’est parce qu’il a permis au système de privilégier la rentabilité externe à la dignité interne. La feuille de route ne garantit pas de miracles, mais elle marque un tournant : du modèle enclavé au modèle national.
Dans la partie 12, nous comparerons cette feuille de route à la longue histoire : que se serait-il passé si, de l’époque coloniale à nos jours, le Pérou avait appliqué ces règles ? Et, surtout, que pourrait-il advenir s’il les applique aujourd’hui ?
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Traduction, Evelyn Tischer









