Les siècles ne s’effacent pas, mais se corrigent. Et le Pérou peut encore écrire le chapitre qu’il n’a jamais osé écrire.

Cinq siècles de cheminement

Le Pérou a vécu selon un schéma constant : la richesse s’en va, la pauvreté demeure. De l’arrivée de Pizarro en 1532, en passant par les débuts de la République et les mégaprojets du XXIe siècle, l’équation est restée quasiment identique : les ressources naturelles comme matière première et le pays comme fournisseur à faible valeur ajoutée. Le génocide colonial n’était pas seulement physique : il était économique, culturel et politique.

La colonie a laissé des cicatrices sous la forme de grands domaines, de hiérarchies raciales et d’une économie enclavée. La République ne les a pas fait disparaître : elle a hérité de la même structure et l’a habillée de drapeaux nationaux.

Un présent qui répète le passé

Aujourd’hui, le Pérou extrait plus de cuivre que jamais, produit du gaz pour l’exportation, dispose d’un potentiel en lithium et de réserves d’or toujours convoitées. Mais les chiffres humains révèlent une réalité bien différente : un tiers du pays n’a pas pleinement accès à l’eau potable, des milliers de communautés ont des métaux lourds dans le sang, et des régions entières où l’exploitation minière est la seule source d’emploi, mais sans alternatives durables lorsque le filon s’épuise.

Selon le Bureau du Médiateur, plus de 180 conflits socio-environnementaux sont en cours. Dans bien des cas, le problème ne réside pas dans l’existence du projet, mais dans la manière dont il est imposé : sans véritable consultation, avec des études environnementales complaisantes et avec des bénéfices concentrés.

Que se passerait-il si…

Si le Pérou mettait en œuvre la feuille de route décrite dans la partie 11, le changement ne serait pas instantané, mais mesurable :

  • En 5 ans, augmentation des recettes fiscales et réduction des conflits grâce à des règles claires.
  • En 10 ans, les premières industries de fonderie et d’affinage seraient opérationnelles dans les régions productrices.
  • En 15 ans, un fonds souverain capable de financer une éducation et des soins de santé de qualité indépendamment du cycle des prix internationaux.
  • En 30 ans, un Pérou industrialisé dans des domaines stratégiques, avec des entreprises nationales en concurrence dans les technologies énergétiques et l’industrie lourde.

Cette voie n’éliminera pas l’industrie minière ni l’agroalimentaire, mais elle modifiera la répartition des parts du marché.

Les deux voies possibles

Le Pérou est aujourd’hui confronté à deux voies :

  1. Continuer comme avant, en espérant que les prix internationaux maintiendront les flux de devises, en partant du principe que les inégalités constituent un coût inévitable.
  2. Changer de conception, en comprenant que les ressources naturelles sont un moyen et non une fin, et que la véritable valeur réside dans l’ensemble de la chaîne, et non dans le minerai brut.

Nous connaissons déjà la première voie : elle mène à la dépendance, aux problèmes environnementaux et à la pauvreté cyclique. La seconde n’offre aucune garantie, mais offre quelque chose que le Pérou n’a pas connu depuis cinq siècles : la souveraineté économique et la dignité sociale.

Pillage

Le pillage colonial nous a appris à survivre, mais pas à gérer nos ressources. La République, à quelques exceptions près, n’a pas brisé cette inertie. La mondialisation du XXIe siècle répète les mêmes règles sous de nouveaux noms : investissement direct étranger, compétitivité, sécurité juridique.

Aujourd’hui, comme en 1532, la question est la même : qui décide du sort de l’or, du cuivre, du gaz et de l’eau ? Si la réponse continue de se trouver à l’extérieur, l’avenir est déjà écrit. Si la réponse commence à se trouver à l’intérieur, alors la véritable indépendance a commencé.

 

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Traduction, Evelyn Tischer