L’AMAZONIE, SES PEUPLES ET LE VIVANT FACE A LA DÉFORESTATION, L’EXTRACTIVISME, l’AGROBUSINESS, L’ÉLEVAGE INTENSIF ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE.

Vème COLLOQUE SCIENTIFIQUE PAN-AMAZONIE

Paris, La Sorbonne, 18-20 JUIN 2025

Interview de Christian PUECH, explorateur-chercheur écologue et photographe.

Le Vème Colloque International sur « L’Amazonie face à la Crise Climatique », vient d’avoir lieu à Paris à l’Université La Sorbonne, du 18 au 20 juin 2025. D’éminents professeurs-chercheurs de diverses Universités, tant au Brésil, qu’en France ou en Angola, ont réalisé une trentaine de conférences sur les problématiques en lien avec les bouleversements climatiques et la transition écologique en Amazonie brésilienne. Ce Colloque a pour objectif de proposer « une Charte vertueuse avant la COP 30 à Belém… où l’Amazonie sera au cœur des préoccupations internationales ».

Le conseil scientifique de ce Vème Colloque dans lequel Mme Marie Lemoine, professeure d’anthropologie est très active, ayant constaté que « Les politiques actuelles ne suffisent pas à contrer l’ampleur de la dévastation en cours… » a estimé que « la recherche de solutions nécessitait une collaboration interdisciplinaire ouverte sur la société civile engagée et compétente en sciences de l’environnement et de l’écologie. »

Ce Conseil vous a donc convié Christian Puech explorateur, chercheur écologue et photographe français, président de l’Association : « Témoins au bout du monde » à effectuer le 19 juin 2025 lors de son Vème Colloque à la Sorbonne une conférence ayant pour thème : « L’Amazonie face au bouleversement climatique mortifère : déforestation, dégradation des biomes par les multinationales extractivistes, d’agrobusiness et d’élevage intensif et les enjeux politiques du Fonds Européen pour l’Amazonie ». (Programme sur Internet).

Vous avez également été invité à exposer vos photographies sur le thème « Huaoranis d’Amazonie : plaidoyer pour la survie et la réconciliation ». Deux de vos photos (voir ci-dessus) en grands formats se trouvaient lors des conférences, de part et d’autre de l’estrade. L’une représente Kampéry un cacique Waorani d’Amazonie équatorienne ayant plus de facilité à communiquer avec les oiseaux de la canopée qu’avec les hommes Blancs, dites-vous. L’autre photo, très originale avec de poétiques bokets, offre une vue plongeante sur une multitude de chapeaux blancs à bords retournés recouvrant la tête d’un groupe d’hommes défilant sans aucune femme dans une rue du Guatemala. Ces couvre-chefs symbolisent le pouvoir et le patriarcat en Amérique centrale.

La photo de l’Indien est en lien avec la conférence du Colloque : « Plongez-vous dans le monde pour grandir ». L’autre photo avec la conférence : « Women, development and sociopolitical participation in Pan Amazon ». Vos pôles d’intérêts multidisciplinaires sont donc en phase avec ceux de scientifiques.

Deux Indiens vivant en France ont été également invités : Andrée Apurina, réalisatrice et Charles, originaire de l’État de l’Acre au nord-Ouest du Brésil.

Pressenza : Pourriez-vous Christian Puech vous présenter aux lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

C. Puech : Si je vous devais vous raconter ce qu’a été mon parcours à ce jour, je vous dirais qu’il s’apparente à une Odyssée remplie d’aventures sur divers continents. Ces dernières ont surtout été des combats pour la défense de la Vie, de la Nature et des Droits des Peuples Autochtones qui en sont par culture les gardiens.

Des billes encore au fond les poches, je collectionnais les vignettes représentant les peuples indigènes et la biodiversité qui se trouvaient dans les plaquettes de chocolats Cémoi que parfois ma mère rapportait du marché. J’étais fasciné par l’étrangeté de ces hommes et par la beauté des animaux sauvages qui me semblaient vivre sur une autre planète. En scrutant la mappemonde de mon père je me disais : « quand tu seras grand tu iras découvrir ces peuples et animaux inconnus ». La lecture de livres de grands voyageurs, d’anthropologues et des rencontres m’encouragèrent à partir à leur rencontre.

Le sport de haut niveau au M.U.C. m’ouvrit les portes de l’équipe de France de volley-ball. Recruté par le Picadero de Barcelone en lutte contre le Réal de Madrid, nous avons été avec J. Marc Buchel les premiers Français à remporter la League d’Espagne. A Barcelone je fréquentais la mouvance artistique, dont un photographe qui m’a enseigné les premiers rudiments de cette discipline. Apitoyé par le regard triste d’un petit singe en vente comme une vulgaire marchandise sur les Ramblas de las Flores, pour lui rendre la liberté je m’en portais acquéreur. Quelques- mois de vie commune avec le singe m’ont rappelé le lien fragile qui nous unit encore à la nature. Mon combat pour la biodiversité et pour la protection des forêts humides vient de là.

Des années plus tard, je suis parti sac au dos pour des périples impécunieux à la rencontre par exemple des Guarani avec lesquels j’ai vécu un temps au bord de l’Amazone. La démesure et la pénombre de l’Amazonie me donnaient la sensation d’arriver à l’aube du monde. Avec ce peuple vrai et sans détour je côtoyais les survivants d’une humanité fondatrice arrivée aux Amériques il y à 20.000 ans environ et dans laquelle l’esprit de lucre n’avait pas cours.

De cette humanité notre civilisation n’avait pas gardé l’essentiel. J’avais constaté pourtant qu’il en restait quelques réminiscences chez mes grands- parents vivant à la compagne où chez de vieux paysans de l’Aveyron.

Les Guarani luttaient encore désespérément au péril de leur vie contre la déforestation, le déracinement de leur culture et de leur monde. Leurs savoirs et savoir-faire étaient immenses et rationnels puisque leur mode de vie était encore autosuffisant. Ils avaient plus de facilité à communiquer avec les oiseaux de la canopée qu’avec les Blancs. Ils sollicitaient de l’aide, mais que pouvais-je faire ? Ils avaient contre eux un système économique et financier impitoyable et aucun droit que les Blancs se doivent de respecter. J’ai pourtant décidé d’essayer de les aider envers et contre tout. Un challenge fou, quoique pour moi d’intérêt universel.

Quelques périples chez d’autres peuples autochtones m‘ont permis de me forger une vision holistique de l’ampleur et de la dangerosité de l’engagement. L’empathie ne suffisait pas à mon éthique il me fallait agir. C’est ce que j’ai essayé depuis de faire au mieux, bénévolement, et souvent aux dépends de mes activités professionnelles. Parallèlement à ces dernières pour acquérir certaines connaissances scientifiques multidisciplinaires et effectuer ma métamorphose, j’ai travaillé dur pendant des décennies.

Je disposais de quatre modestes outils : la foi en un minimum de justice pour tous, la plume, le verbe et la photographie.

Plus tard, j’en suis venu à cofonder avec Corinne Mea, une amie au-delà de la vie, directrice de soins d’urgence, l’Association : « Témoins au bout du monde ». Avec cette dernière j’ai poursuivi mon combat, par de nouvelles expositions photographiques, conférences, écrits et communications sur les réseaux sociaux, sur Facebook, Wikipédia un temps, que ce soit au Nicaragua (Managua), au Guatemala, à Genève, en Inde, ou en France… nous avons participé à la lutte internationale contre la déforestation et la dégradation de l’Amazonie, et pour la défense des droits et des savoirs empiriques des natifs qui commençaient à être corroborés par des recherches scientifiques.

Nos actions ne sont pas passées inaperçues. En 2019, avec l’Association que j’avais reprise en main, j’ai été accrédité par les Nations-Unies à Genève pour la 12ème session des Droits des Peuples Autochtones, où j’ai pu accentuer la voix de certains d’entre eux. La Fondation Docip m’a confié la couverture photographique et vidéo de certaines de ces conférences

Bref, je n’ai fait que mon devoir d’homme engagé dans l’histoire de mon temps. Pour en savoir plus vos lecteurs peuvent se reporter sur https://christianpuech.wordpress.com/about-christian-puech/ (Bien que ce site ne soit pas à jour depuis 2017).

Pourriez-vous Christian Puech résumer pour Pressenza le contenu de quelques conférences à la Sorbonne qui vous ont particulièrement intéressées et nous en dire plus sur celle que vous avez réalisée le 19 juin 2025.

C. Puech: « Je pense à la conférence du mercredi 18 juin sur : « La déforestation en Amazonie bolivienne » réalisée par Mme Rafaela M. Molina-Vargas, de l’IDR Sorbonne Université.

En étudiant quel type de déforestation a eu lieu en Bolivie entre 1984 et 2011 la chercheuse remarque que les bois les plus valorisables sont les plus déforestés. Ces derniers sont hélas ceux des forêts primaires et secondaires. En comparant les variables titres de propriétés collectives, privées ou de terres indigènes, elle en conclut que ce sont les terres indigènes qui sont les moins déforestées et les mieux protégées. Ce constat renforce les Institutions qui souhaitent réduire la déforestation en augmentant l’importance de la restitution des terres ancestrales.

Le jeudi 19 juin eut lieu la conférence 1 sur : « Christianisme et écologie en Amazonie amérindienne : adhésions religieuses et engagements environnementaux » par Élise Campredon, du Centre d’Anthropologie culturelle, Université Paris Cité.

L’étude signale la présence de pâtres évangélistes qui enseignent l’anthropologie dans les communautés. « Ces derniers affirment donner des perspectives au peuple… Au contraire le catholicisme considère le pâtre et son orientation orientaliste comme animiste… Des pratiques évangélistes considérées par le monde économique comme une déviation entre le catholicisme et l’orientalisme ». L’étude constate aussi « la présence de pasteurs protestants ayant développé avec le temps des stratégies très inclusives sur les terres indigènes ». L’ensemble montre la poursuite de : « l’Insertion des cultures occidentales dans l’Amazonie profonde ». (Qu’en sera-t-il alors de la culture et du mode de vie millénaire et salvateur pour les Amérindiens ?)

S’en suivit jeudi 19 juin au matin la conférence 3 sur la : « Résistance au colonialisme spirituel et sur la disparition de l’altérité afro-descendante et métissée dans l’Amazonie brésilienne : une étude sur l’Ile de Marajo, en terre traditionnelle des afro descendants » par Marie Pascoa Sermento, professeur en anthropologie et militante semble-t-il (Pour mémoire, l’île de Marajo est proche de Salvador de Bahia. Les quilombolas sont d’anciens esclaves noirs).

La chercheuse présente sur l’écran des photos d’afro descendants prises en fonction de leur caractéristiques physiques… Une forme de discrimination encore justifiée semble-t-il dans certains milieux par un raisonnement « raciste » alors qu’au Brésil le multiculturalisme semble une évidence pour les touristes. Cette étude est en lien avec la conférence 3 du vendredi 20 juin dont le thème est : « Racisme environnemental dans les territoires quilombolas autour du centre industriel et des municipalités de Barcarena/Para, Brésil » ainsi qu’avec la conférence ci-dessous.

Conférence 3 du jeudi 19 juin, après-midi : « Résistances, luttes et stratégies des peuples traditionnels face à l’avancée des métiers de l’agro-industrie dans la région amazonienne du Para » par Thiago Sabino, géographe, spécialiste en gestion de développement (UFPa), chercheur à l’Institut Mère Créoule (IMC) Belèm.

Il s’agit d’une étude circonstanciée réalisée à partir de 2005-2010. Elle montre de manière implacable que le système économique international est en train de créer d’énormes structures industrielles, portuaires, ferroviaires, et logistiques en bordure de trois « fleuves » pour accélérer l’extraction sur place de toutes les ressources minières possibles du sous-sol. Ce complexe gigantesque est proche du port de Barcarena, plateforme logistique sur le fleuve Trocantins.

Il s’agit de l’extraction de l’or, de la bauxite, du kaolin, du pétrole, des métaux rares… Le Kaolin est utilisé dans une douzaine de domaines : le bâtiment, la fabrication de carrelages, de pneus, de produits chimiques, pharmaceutiques etc. « Boxito Trocantins » est l’un de ces projets extravagants qui génère déjà d’importantes dégradations, pollutions et empoisonnement des rivières et des poissons source d ’alimentation des Indiens et riverains dans la région du Corado.

Les résidus du Kaolin s’accumulent déjà dans les organismes et se transforment en cancer. « Rien ne profite aux Indiens ! » Le qualificatif de « désastre de la nature » est employé et prouvé par des recherches scientifiques, des photos et vidéos ; d’immenses dépôts de déchets toxiques rouges polluent le fleuve sont présentées par le conférencier. Une entreprise française serait impliquée, des milliards d’euros sont en jeu. Un navire a coulé avec 5.000 bœufs lesquels après s’être échoués sur les rives du fleuve se sont décomposés au soleil. La construction de dizaines de barrages hydroélectriques fait partie de ce projet. L’étude montre l’évolution du capitalisme de l’échelle nationale à l’échelle planétaire.

 L’acheminement de ces millions de tonnes de matières premières se ferait par l’État du Trocantins voisin, après la réalisation d’un autre projet : une ligne de fret ferroviaire de 520 km dans l’Amazonie profonde pour atteindre le port maritime d’Alcantara où par bateaux ces minerais rejoindraient l’Allemagne, l’Europe et la Chine. Les concepteurs de ce projet en lien avec le précédent, prétendent passer sur des terres faisant partie de « l’Amazonie légale » alors qu’il rentrent d’après les plans établis lors de la Constitution brésilienne en 1988 dans l’Amazonie profonde et traverseraient même un parc naturel classé : « L’Allemagne est impliquée concrètement via l’entreprise ferroviaire Deutsche Bahn et possiblement par la banque de développement KfW et l’agence de coopération GIZ » selon https://www.sauvonslaforet.org/actualites/11250/lallemagne-participe-a-un-nouveau-grand-projet-dinfrastructures-en-amazonie-bresilienne

Il est évidemment encore question de l’appropriation pour et autour de ces projets des terres des Indiens par des sociétés multinationales. L’État du Trocantins a été créé par la Constitution brésilienne de 1988. Trocantins est le nom éponyme de la rivière qui traverse cet État. Ce nom fait référence au nom d’une tribu d’Indiens qui habitait la région mais qui aurait été exterminée par les colonisateurs portugais.

Ces Projets sont en contradiction avec le discours politique brésilien et européen de protection de la forêt amazonienne, des Indiens et des riverains. La décarbonation des activités industrielles semble tenir du mythe.

Conférence 3 du 18 juin : « Géopolitique du narcotrafic, crimes environnementaux et politique en Amazonie » par M. Alala Colares Oliveira Couto, géographe, Fondateur de l’Institut « Mère Créoule ».

Dans la salle de La Sorbonne une banderole clame : « NON AU PERMIS DE TUER EN AMAZONIE »

Crédits photo : Paulo Araujo

Le chercheur a étudié le circuit de la drogue depuis la Colombie et le Pérou jusqu’à Belém d’où, elle partirait en étoile vers l’Europe. Ce trafic passe par le Mato Grosso do sol où, mes amis Guarani Kaiowa ont été chassés de certaines de leurs terres (d’autres tués en toute impunité) par des brigades paramilitaires, selon leurs leaders venus chercher de l’aide en Europe. Alors que ces terres profitent aujourd’hui à l’agrobusiness, le narcotrafic serait responsable de ces crimes environnementaux.

Selon le chercheur, dans dix Etats du Brésil se trouveraient des fractions criminelles. Il fait état d’un « lourd héritage », conseille une plus grande présence de l’État et signale un processus en cours de régularisation foncière.

Conférence 3 le 18 juin : « Démocratie et prise de conscience politique et écologique de la crise environnementale en Angola, Afrique : une réflexion sociologique » par M. Joaquin Rescova, professeur de philosophie à l’Université Agostino Neto, Luanda.

Ce spécialiste « nous informe que la Démocratie n’est plus un thème cher, vue la position des grands peuples par rapport à ce qui est souhaité par la plupart des peuples d’Afrique ». Il espère une élévation de conscience individuelle et une prise en compte du côté société et sociétal : « Tout se fonde sur les relations sociales : énergie, finances, préservation de la nature ». Il espère en la mobilisation de la société civile.

Conférence 1 le 18 juin, « Ancestralité, savoirs traditionnels des peuples amazoniens-expériences et défis face aux changements climatiques » par Marie das Graças da Silva, de l’Université du Para… Conférence animée par Bernadette Entratice.

Après un tour d’horizon de la condition des peuples autochtones d’Amazonie, les conférenciers et animatrices conseillent : « davantage de contrôle de l’État mais des médiations sont nécessaires. Il faut protéger le patrimoine culturel de ces peuples. Ils demandent l’application de la législation (OIT de Constitution Fédérale) pour tous les peuples et communautés traditionnelles ». Ils dressent un catalogue de mesures à prendre.

Conférence 2, vendredi 20 juin, après-midi, : « Naturopathie et homéopathie indigène » par Andréa Apurina, indienne vivant en France, productrice audio.

Andréa estime qu’il est temps pour les Indiens de montrer leur capacité : « La validité de nos savoirs maintenant souvent scientifiquement reconnue devrait être officialisée… Nous devons défendre nos droits de propriété intellectuelle … Respecter les savoirs indigènes, c’est préserver la vie sous ses formes les plus pures. Car la nature guérit quand on l’écoute avec respect ». Emue jusqu’aux larmes elle parvient à dire sa vérité. La médecine à base de plantes propose pour soigner des défis à la médecine contemporaine.

Charles, l’indien originaire de l’ACRE se lève en tenue traditionnelle et prononce une prière probablement à la terre mère.

Vendredi matin, Conférence 1. « Plongez-vous dans le monde pour grandir. Les défis écologiques et sociaux de l’Amérique brésilienne face à la crise climatique ». Par M. David Le Breton, chaire « d’anthropologie des mondes contemporains » à l’Université de Strasbourg.

Bernadette Antratice, animatrice, assise à côté de moi me glisse : « Vous avez des points communs avec M. Le Breton parti comme vous sac au dos en Amazonie «. Pour moi il n’y a pas de hasard. Cette rencontre me met en joie

Le chercheur compare la liberté dont jouissent les enfants des Indiens Aché, à la surprotection dont font l’objet les enfants en France : « Chez nous les enfants peuvent être considérés comme responsables d’un accident et les assurances… Le smartphone façonne l’identité et la manière de vivre des enfants. Ces générations sont enchâssées, d’où une perte de capacité physique et intellectuelle. Avant nous faisions 8 km par jour, actuellement ils font 300 mètres. Les sédentarités contemporaines ont des incidences sur tout. Le manque de confrontation à l’environnement incite à la passivité… L’école publique devrait développer des démarches pour rendre les enfants plus acteurs de leur vie… Emmenez les enfants en montagne. Favorisez les retrouvailles avec le monde et avec l’empathie ». (La photo représentant l’Indien Kampéry communiquant avec les oiseaux de la canopée n’est pas loin du conférencier).

Conférence 2 vendredi 20 après midi : « Éducation à la préservation et à la valorisation de la diversité culturelle par le biais de l’action artistique : une approche ludique et pédagogique des enjeux actuel » par Mme Sophie Tzizichvili de Manaskhet fondatrice de l’Association : « Les apprentis de l’Espérance » et directrice artistique du Festival : « Paroles et Merveilles ».

Sophie Tzizichevili, professeur de danse de formation, animatrice et médiatrice culturelle œuvre depuis 40 ans dans le secteur social et culturel, « tant dans certains quartiers de Marseille, que depuis 1982 dans la favela du Vidigal à Rio de Janeiro où elle a créé un atelier pédagogique pour plus d’éducation par la danse et les arts du spectacle ». Elle fait état de ses nombreuses rencontres avec les Amériques et plaide pour le multiculturalisme. Elle plaide aussi pour plus d’éducation, de culture et d’amour afin de construire une autre planète plus accueillante pour tous. Elle commente avec empathie pour l’autre, les photos de ses nombreux engagements et actions qui défilent sur l’écran de la salle de conférence. C’est réconfortant en cette période troublée de notre civilisation.

Je souhaiterais m’excuser par avance auprès des conférenciers brésiliens, en cas d’erreur de traduction de ma part par suite d’une absence lors du Colloque de traduction simultanée entre le portugais brésilien scientifique et le français.

Ma conférence du jeudi 19 juin après-midi avait donc pour thème : « L’Amazonie face aux bouleversements climatiques mortifères : déforestation, dégradation des biomes par les multinationales extractivistes… et les enjeux du Fonds Européen pour l’Amazonie. » Il m’était impossible dans le temps imparti de traiter de toutes ces problématiques dans leur intégralité. L’opportunité de le faire m’est donnée par l’agence de presse Pressenza que je remercie.

Notre civilisation gauloise, mais surtout gréco-romaine, judéo-chrétienne, puis occidentale et cartésienne a décrété que l’homme était par ses capacité d’organisation la seule espèce méritant d’être considérée comme un être vivant. L’homme devait être le centre du monde. La nature qui l’environnait pouvait être soumise, surexploitée selon les besoins, les ambitions et l’esprit de lucre de certains hommes. Cette vision anthropocentrique charpente le raisonnement politique, expansionniste, économique, pédagogique, technique, scientifique, métaphysique et juridique de notre civilisation. Cette vision fut imposée par la force comme un modèle universel sur tous les continents aux autres peuples considérés comme inférieurs, les autres espèces étant considérées comme de simples produits de consommation surtout depuis des colonisations européennes des cinq derniers siècles.

Or, pour la plupart de ces peuples la nature est un être vivant : L’homme n’est qu’une espèce parmi tant d’autres. Dans les civilisations précolombiennes des peuples avaient une vision mystique, cosmique de la graine aux plantes et produits de la terre participant à leur alimentation. La temporalité, les phases de la lune, les solstices du soleil, les saisons jouaient un grand rôle et faisaient l’objet de fêtes et rituels que l’on retrouve dans le syncrétisme au Guatemala par exemple.

Si notre raisonnement rationnel avait été à la hauteur des réalisations de la nature qui lutte pour la pérennisation du vivant, l’homme ne détruirait pas la niche écologique qui lui permet de vivre. Pour Pierre Jouventin expert éthologue, ancien Directeur CNRS d’écologie des animaux sauvages : « l’homme est un animal raté ».

Depuis l’ère industrielle, l’ampleur de la déforestation et des dégradations des biomes, n’ont fait qu’augmenter de manière exponentielle en Amazonie et sur la planète, ce qui a engendré un réchauffement climatique en lien que notre génie n’a pas été en mesure de réparer. Ce réchauffement est de l’ordre de 2,2 degrés de température selon les dernières recherches.

Ces 50 dernières années l’Amazonie a perdu 20 % de sa superficie selon le World Wildlife Fund (WWF). Et que dire des dégâts environnementaux sur la biodiversité engendrés par les gigantesques incendies. Le Brésil représente 48 % de la surface de l’Amazonie et sous la présidence de M. Bolsonaro la déforestation a augmenté en moyenne de 22 % par an. Dans les huit autres pays qui se partagent l’Amazonie la déforestation et les dégradations ont augmenté mais très inégalement selon le pays.

Pour comprendre le Brésil il faut avoir intégré l’importance de quatre paramètres qui remontent à la colonisation : « l’Or, les armes, la religion (les évangélistes) et un « racisme » latent.

1) Le Brésil est le 8ème producteur de pétrole. L’exploitation de nouvelles ressources pétrolières se profile jusqu’à l’embouchure de l’Amazone, la Cie Total est sur les rangs.

En ce qui concerne les dégradations et pollutions dues à l’extraction du pétrole en dehors du Brésil, elles se concentrent dans « l’oriente », flanc Est de la Cordillère des Andes où se trouvent l’Équateur, le Pérou, la Colombie et les principales sources de l’Amazone. En Amazonie péruvienne les puits se situent donc entre le Rio Napo et le Rio Tigre où vivent les Zaparos, Aewas, Tagaeris… qui refusent tout contact avec les Blancs. Parmi les pétroliers se trouvent des entreprises françaises : Perenco et Maurel et Prom. Voir : survivalinternational.fr L’État français a un droit de regard rappelle la journaliste Morgane Laurent : https://amazonwatch.org/ Le même scénario pétrolier destructeur du vivant se poursuit au Venezuela…

2) En ce qui concerne les dégradations et pollutions toxiques mortifères dues aux extractions minières, inutile d’y revenir il en a été question ci-dessus par un autre conférencier. L’extraction de l’or, du platine et du Kaolin, empoisonnent les eaux des fleuves, des rivières et ruisseaux dans « la Serra dos Carajas » où vit avec une grande sagesse le peuple Munduruku, par exemple. La plupart des capitaux extractivistes sont anglais ou américains, mais parfois français : https://www.autresbresils.net/Au-Bresil-l-exploitation-miniere-des-terres-autochtones-est-soutenue-par-des.

3) En ce qui concerne la déforestation des terres prises aux Guarani Kaiowa du Mato Grosso do sol au Brésil, par exemple, elles sont utilisées par des sociétés multinationales pour produire en quantité et à grands renforts de pesticides du soja OGM, de l’huile de palme, du riz, du blé, du maïs, du tabac, de la canne à sucre, des haricots blancs, du manioc, des pommes… (Un conférencier a informé le Vème Colloque pour l’Amazonie que des pesticides chimiques produits en France et en Suisse mais interdits dans ces pays seraient écoulés au Brésil ? d’où des entreprises françaises importent des produits alimentaires)

4) En ce qui concerne l’élevage intensif de bovins, 3ème motif de déforestation, il engendre en Amazonie 14% des émissions de gaz à effet de serre, certains sont plus dangereux que le CO2. Le lien entre l’élevage intensif et la déforestation est sur le terrain physiquement incontournable, comme il l’est scientifiquement dans les laboratoires. L’arrivée en Europe de carcasses de bœufs et de produits de l’agro-industrie venant du Brésil, participe à la déforestation importée.

Les écosystèmes de l’Amazonie sont en lien avec ceux de l’Himalaya jusqu’au Tibet et l’ensemble impacte l’Antarctique. « Le point de non-retour » du rôle bénéfique de l’Amazonie pourrait être atteint prochainement selon les scientifiques du GIEC. Dans la nature comme dans le corps humain tout est en lien et en équilibre. Or, un quart de l’Amazonie aurait déjà été détruit à ce jour !

Divers types d’engagements issus de la société civile ont permis à ce jour de limiter un peu les dégradations des écosystèmes de l’Amazonie. J’en reviens à titre d’exemple sur la problématique de l’Amazonie équatorienne où près du Park Yasuni pourtant classé par l’UNESCO, s’était produit le : « pire désastre pétrolier du monde ». La Cie Texaco qui exploitait l’or noir rejetait en forêt les résidus de processus d’extraction hautement toxiques du pétrole qui se retrouvaient dans l’air, les eaux des rivières utilisées par les Indiens Siona, Secoya, Cofàn, Waoranis, Kichwa pour boire, pour l’agriculture de subsistance, dans le poisson des rivières… entraînant des cancers et malformations inconnues. 30.000 Indiens furent impactés et contraints pour survivre de quitter leur dernière forêt nourricière. Nous avons suivi le dossier sur trente ans.

Après dix années de procédure dilatoire aux États-Unis, la Cie pétrolière fut condamnée en Équateur à payer huit milliards de dollars de dommages et intérêts. Mais in fine elle réussit à ne rien payer. Voir texaco toxico

En 2011, nous sommes allés sac au dos nous rendre compte de ce qu’il en était de la résistance des Waorani d’Equateur dans le parc Yasuni face aux Cies pétrolières. Corinne Mea avait tenu à me suivre dans cette expédition

L’accès du parc Yasuni était situé à une encablure de la ville pétrolière de Coca, au bord du rio où passait le pipe-line. L’entrée du parc était interdite à toute autre personne qu’aux natifs par l’armée qui avait installé un check point : « si vous rentriez dans le Parc Yasuni vous n’en reviendriez pas vivant. Et même si votre famille ou votre ambassade intervenait, nous n’irions pas vous secourir. Il nous est interdit d’y pénétrer tant il y a eu d’exactions et de meurtres ».

Pour contourner la difficulté nous avons réussi à découvrir à Coca le seul Waorani qui s’y terrait suite à l’assassinat d’un de ses parents militant de la cause. « Les esprits de la forêt » ont probablement voulu que cet Amérindien soit Penti Bariua, leader Waorani. Penti brûlait depuis neuf ans de retourner dans son village de Bomeno. Avec nous il a senti que l’opportunité d’y retourner se présentait. Il nous a organisé au pied levé une expédition à laquelle participèrent sa femme et ses deux fils adolescents.

Plus de deux jours de navigation sur une petite « lancha » (barque) furent nécessaires pour parvenir par les rios à Bomeno. Au cours du périple nous avons affronté des trombes d’eau comme je n’en avais jamais encaissé en Amazonie. Le niveau de la rivière était monté d’un mètre de hauteur en quelques heures. Des arbres immenses échevelés par la tempête menaçaient de nous tomber dessus. Penti s’inquiétait beaucoup. Nous n’avions ni téléphone satellite ni aucun moyen de secours. Mais nous avons survécu.

Nous avons été accueillis par les Waorani de Bomeno comme des frères. Nous avons vécu un temps avec eux sous un soleil radieux et j’ai pu y poursuivre le véritable dialogue des cultures avec échanges de savoir et de savoir-faire que j’avais entrepris depuis 1985 avec d’autres peuples autochtones.

A la tombée de la nuit, les Waorani des deux sexes grimés et coiffés de fines couronnes de plumes, chantaient et dansaient pendant des heures bras dessus bras dessous comme pour se donner du courage avant un combat. Quand ils faiblissaient, la « chicha » jaune (type de bière à base de manioc) qu’ils buvaient les chargeaient d’énergie. Une très jeune femme se trouvait parmi les danseurs : Nemonte Nenquimo. J’étais appelé à la revoir. Après avoir tissé je pense des liens indéracinables, Penti nous avait exhorté à faire connaître la lutte que sa communauté menait au péril de sa vie.

Pour aider les Waorani d’Équateur et d’autres peuples autochtones, nous avons fait connaître leur cause commune avec les trois outils cités : des expositions photographiques, des écrits, des communications, des conférences, des manifestations publiques, les réseaux sociaux, et des médiatisations sur trois continents.

La photo du cacique Waorani Kampéry est devenue au fil du temps l’un des emblèmes de la lutte des Indiens d’Amazonie. Lors de l’exposition photographique (voir photo ci-dessous) organisée en 2016 à Sète (France) par l’association SALSA le conseiller culturel de l’ambassade d’Équateur était descendu de Paris.

En 2018, 2019 et 2020, lors des neuf Marches pour le climat que nous avons coorganisées à Montpellier avec Greenpeace, « Citoyen pour le climat » etc., je brandissais la photo grand format de Kampèry (voir photo ci-dessous) « La cinquième Marche pour le climat avait rassemblé plus de 15.000 personnes en ville » selon l’article avec photos du 12 avril 2019 de Michel Pieyre journaliste à Midi-libre.

Au tout début, le lien entre la déforestation de l’Amazonie et les Marches pour le climat n’était pas évident pour de nombreux Marcheurs, écologistes ou pas : l’Amazonie est de l’autre bout du monde. Ces derniers me questionnaient sur ce lien. Ils trouvaient la réponse sur nos flyers, sur mon Facebook, sur ma page Wikipédia, lors des causeries…

L’exposition : « Peuples autochtones : ode à la nature » à l’Hôtel de ville de Montpellier a attiré en janvier et février – 2020 malgré la pandémie – près de 5.000 visiteurs. La photo de Kampéry que l’on voyait en ville sur les panneaux Decaux interpellait les enseignants. Certains sont venus avec leurs élèves de première visiter l’exposition et échanger. (La qualité du contenu de deux livres d’Or en témoigne).

En 2019 j’ai eu la joie de retrouver la militante Waorani Nemonte Nenquimo aux Nations-Unies à Genève (photo ci-dessous) où j’ai accentué a-t-on dit, la voix de certains peuples autochtones.

Parmi les peuples payant au Brésil de leur sang la défense de leurs dernières territoires se trouvaient les Guarani Kaiowa du Mato Grosso do sol, à la frontière avec le Paraguay.

En 2017 avec un Collectif de militants actifs d’une dizaine de pays européens nous avons aidé les Guarani Kaiowa à se rendre visibles et audibles pour lancer un appel à l’aide à la communauté internationale. Le leader Guarani Ladio Veron a pu rencontrer à Paris et dans certaines capitales les présidents des Assemblés Nationales ou des Sénats. Ces derniers l’ont écouté poliment, certains se sont engagés… Je me garderais d’être manichéen, mais je crois qu’il a pris conscience à quelles déconvenues on peut souvent s’attendre avec les politiques.

Ce Collectif était composé de Jordi ferré, Jaque (Guarani Kaiowa) Eliseu, Claudia Villela de Lille, Paulo Lima, Janio Avalo, Rose Maloka, Fabiana, Adriana, Juliana Sassi, Marita Cassan, Irflavion Rose Maloka (CIMI International) et tant d’autres sincères militants qui me pardonneront j’espère de ne pouvoir tous les citer.

J’avais invité Ladio Veron chez moi. Nous lui avions organisé deux conférences, l’une le 24 mai 2017 à l’Université Paul Valéry, département lusophone où, sans l’aide de Marie Dumas, professeur d’Université, cette manifestation n’aurait pu avoir lieu. (Photo de l’affiche). Le jour même le journal Midi-Libre avait consacré une page à cet évènement. Mme Solveig-Fol écrivait : « L’anéantissement des forêts signe la mort de la civilisation ».

Couronne de plumes sur la tête, Ladio Veron avait décrit avec un calme impressionnant devant FR 3, les méthodes d’expropriation employées par une brigade paramilitaire pour chasser son peuple de leur terres nourricières : « …Ils étaient armés et nous ont encerclés, ont brûlé nos maisons, violenté et violé femmes et enfants, attaché les mains des caciques, les ont battus, torturés, tués ; ils nous ont ensuite mis sur une benne à ordure et emmenés en bordures de routes, loin des terres… ».

L’émotion et l’empathie étaient palpables parmi les étudiants. Certains voulaient s’engager sur le champ pour aider. Une entraide de première humanité remontant du fond des âges émergeait dans la conscience de cette splendide jeunesse. C’était formidable !

Pour élargir le débat au-delà du Brésil, nous avions en préambule divulgué mon documentaire : « Peuples en voie de disparition, Huaorani d’Amazonie équatorienne ». Dans celui-ci, Corinne Mea et moi-même prêtions notre voix au scénario d’anthropologie politique que j’avais composé. FR3 Languedoc Roussillon s’était approprié des plans de ce documentaire les présentant comme s’il s’agissait des Guarani Kaiowa du Brésil dans son JT 19/20 du 24 mai 2017 après avoir enlevé les voix de Corinne Mea et de moi-même rendant mes recherches en anthropologie invisibles. L’affaire s’est réglée à l’amiable, France télévision a modifié sa fiche INA n° G2744596_001_026 en incluant (PB droit d’image/ NE PAS RÉUTILISER).

Nous livrons ici un résumé de ce scénario sur les Huaorani d’Équateur.

« Dans mes voyages ou explorations, j’ai bien connu certains peuples traditionnels ayant survécu aux conquêtes des cinq derniers siècles… La plupart de ces peuples sans État constitué sont en voie de disparition ou d’assimilation forcée. Dans une génération certains auront totalement disparu emportant avec eux leur riche culture et savoirs millénaires…

Ces survivants d’une grande sagesse portent en eux une félicité et joie de vivre originelle étonnante. Ils n’ont jamais cru, ne veulent toujours pas se résigner à croire que les Blancs resteront impassibles devant leur anéantissement. Pourtant ce fut le cas pour les Indiens des plaines d’Amérique du nord dont l’extermination a été évoquée par Jack Leustig dans le pathétique et célèbre film-documentaire : « Les 500 Nations .

Aujourd’hui encore les natifs sont plus ou moins victimes de la dureté des rapports entre le blanc, le métis et l’Indien. De puissantes sociétés s’approprient impunément leurs terres en collusion avec certains gouvernements…

La réduction de la diversité culturelle est signifiée au niveau mondial… La globalisation de notre modèle de développement économique, comme de notre manière consumériste de vivre, pour ne pas dire de penser, est tragique pour l’humanité. « L’indifférenciation, c’est la mort » selon Edgar Morin. Ce fut la raison de la disparition de bien d’autres espèces, d’après Darwin… Pouvons-nous encore ignorer ou accepter que pour des questions économiques les derniers peuples traditionnels disparaissent ? »

Dans l’après-midi du 24 mai 2017 eut lieu la deuxième conférence de Ladio Veron dans le jardin exotique de l’Hôtel Océania le Métropole où se pressaient des intellectuels, scientifiques, progressistes et hétérodoxes de Montpellier et de sa région. Ladio Veron dénonça, comme quelques heures plus tôt, les pratiques criminelles des brigades paramilitaires ce qui provoqua la même empathie et inspira des questions en lien avec la colonisation et le néo colonialisme.

Dans la foulée nous avions invité les participants à la signature d’une pétition : « Sauvons les Indiens Guarani Kaiowa du Brésil » destinée au président Bolsonaro et au Congrès brésilien. Tant ce jour-là que rapidement par la suite cette pétition fut signée par 16.000 personnes environ et transmise par mes soins aux destinataires. Je vous en livre quelques extraits :

« Amis Brésiliens, votre convivial Carnaval est attristé.

Votre roman national chéri en France et en Europe s’est assombri.

Nous aimons votre football, votre bossanova, et bien d’autres choses encore… Mais… pas du tout les exactions, expropriations des terres et humiliations que certaines sociétés d’agrobusiness, agro-carburant ou agro-industrie font injustement subir aux Indiens, comme les Guarani Kaiowa du Mato Grosso do sol par exemple.

Les méthodes d’expropriation sont inhumaines, les preuves accablantes, comme de témoignage de Volderice VEYRON fait à Paris en 2015 : ‘Nous, le peuple indigène, sommes comme les plantes. Comment pouvons-nous vivre sans notre terre ?’

 On ne compte plus les meurtres impunis dont les Guaranis Kaiowa sont victimes, et les suicides dus-après ces déplacements de population à la désespérance et à la marginalisation, notamment chez les adolescents.

Le récent amendement constitutionnel n° 215, considéré comme illégal par les Guarani Kaiowa tend à réduire encore leurs terres de 13% à 2,6%. Après cinq siècles de colonisations violentes envers les Indiens… et aujourd’hui encore contre les Guarani Kaiowa, les Brésiliens -amis depuis toujours de la France- ne trouvent-il pas que ces pratiques barbares ont assez duré ?

Elles violent les droits élémentaires et les droits reconnus aux Indiens par la Constitution brésilienne de 1988, et par la Convention Internationale signée en 2008 par le Brésil et par 192 pays sur les peuples autochtones.

Le Brésil souhaite-il se voir rejeté au ban des nations ? Le milieu des affaires et certains élus manquent-ils de discernement au point de ne pas s’en rendre compte ? L’Amazonie brésilienne, et ses écosystèmes interconnectés, est vitale pour le climat de la planète et donc pour la vie de l’humanité ».

Le lendemain 25 mai 2017 Midi-libre publiait un important interview de Ladio Veron qui appelait à l’aide, et à la prise de conscience de la gravité de la déforestation, et du rôle essentiel que jouaient bénévolement les Indiens gardien de la forêt amazonienne.

En 2020 les 50.000 Guarani Kaiowa du Brésil, représentés par ses trois catégories sociales, celle des jeunes, celle des femmes et celle des hommes, sans défense face à la pandémie de la Covid 19 ont fait appel à nous pour obtenir des masques et des graines (voir ci-dessous photo de l’appel). La pandémie étant propagée par les personnes travaillant pour l’agrobusiness alors qu’aucun masque n’était distribué aux Guarani pour s’en protéger. Ces derniers s’estimaient victime d’un « génocide », du type de celui qui s’était produit dans le passé avec l’envoie aux Indiens de vêtements infectés par la variole mortifère pour eux.

En 2020, ayant appris qu’une importante quantité de masques au nom d’un élu était inutilisable pendant la campagne pour les élections municipales de Montpellier qui commençait, nous avons lancé sur Leetchi.com un appel à dons à la municipalité et à la région Occitanie. Nous n’avons jamais reçu la moindre réponse ni le moindre don. J’ai alors lancé personnellement un nouvel appel à dons en argent sur Change.com, auquel tant moi-même que des proches et amis ont contribué. Edgar Morin, homme de grand cœur, nous a fait l’honneur de s’associer à notre appel. L’argent récolté a été envoyé par mes soins aux Guarani Kaiowa. Pendant cette période si difficile pour chacun de nous, je crois qu’en dehors de Sébastien Salgado, Edgar Morin et de notre association, nous n’avons pas été nombreux à nous mobiliser en France pour les Indiens d’Amazonie.

En 2020, lors de la campagne pour les élections municipales de Montpellier, nous avons donc lancé un projet international longuement mûrit, à la fois culturel, écologique, social, économique et de droits humains : « l’Ambassade pour l’Amazonie et ses peuples ». Il était assorti d’un grand Festival annuel multidisciplinaire : CLIMAFLORE.

Ce Festival permettait à une ville de se différentier de toutes les autres villes écologistes de France et d’Europe. Des engagements écrits avaient été signés avec moi par la plupart des candidats en cas de victoire aux municipales. Mais ils n’ont pas été tenus par les politiques et écologistes qui l’ont emporté. Ce grand projet fera je l’espère bientôt rayonner une grande ville de France ou d’Europe. L’interview que j’ai accordé dans la foulée à AGGLO TV en 2020, sur la déforestation, le réchauffement et sur ce projet en lien, avait intéressé près de 50.000 personnes (followers).

 Les enjeux politiques du Fonds Européen pour l’Amazonie

La France et une partie de l’Europe confrontées au réchauffement climatique souhaitent la sanctuarisation de l’Amazonie. Le Brésil s’y est opposé pour une question d’atteinte à sa souveraineté territoriale, d’autant qu’il souhaite y voir s’y démultiplier d’importantes activités extractivistes et agricoles comme on vient de le voir.

Mais la France a également d’importants intérêts économiques au Brésil, où sont implantés 39 des 40 entreprises du CAC 40. Les investissements français au Brésil étaient de 40 milliards par an en 2021 ; ceux du Brésil en France n’étaient que de deux milliards. La France importe des produits agro-industriels comme le soja pour nos animaux d’élevage et énormément de minerais. Elle exporte des produits chimiques et pesticides dont la biodiversité a horreur ainsi que des produits pharmaceutiques.

En 2008, le Brésil a lancé un Fonds brésilien pour arrêter la déforestation, protéger les forêts tropicales, sécuriser l’Amazonie lutter contre le changement climatique et ses impacts. La France est intéressée puisque confrontée à l’orpaillage illégal en Guyane le long de sa frontière avec le Brésil.

L’exécution de ce Fonds est contrôlée par l’administration brésilienne. Les pays y participant versent au Brésil une redevance par hectare protégé, etc. En réalité il n’y a pas pour le moment de Fonds Européen pour l’Amazonie comme le souhaiterait le Brésil. Il y a un Fonds brésilien auquel participent la Norvège et surtout l’Allemagne qui ne donne pas sans intérêts économiques 200 millions d’euros dont 93 pour la reforestation.

Depuis que l’Allemagne a réduit ses importations d’énergie et de minerais de Russie pour des raisons géopolitiques, elle a besoin des matières premières du Brésil pour ses secteurs industriels, comme l’énergie, les centrales électriques, le bâtiment… et bien sûr pour se réarmer. Siemens emploie plus de 400.000 personnes. Pour l’Allemagne les minerais brésiliens sont indispensables même si elle n’ignore pas que leur extraction et leur acheminement au Brésil vont dégrader, polluer et aggraver les bouleversements climatiques planétaires.

La France est intéressée par ce Fonds brésilien mais souhaite aussi plus de garanties pour protéger ses agriculteurs d’une concurrence « déloyale ». Il est très difficile de connaître vraiment les enjeux de ce Fonds avec le double discours politique tant du côté brésilien que français.

Selon une étude de la Banque de France, document de travail n° 998 : « la croissance de la production agricole entraîne des taux plus élevés de déforestation… La production de bois entraîne un impact plus net sur la déforestation que sur l’élevage de bétail, ou la production de soja… la surveillance de la déforestation illégale nécessite des lois appropriées… Des synergies entre ces facteurs seraient recherchées… Un contrôle de la pollution locale dans la mesure où la biodiversité peut être affectée pas les pesticides… Les projets gérés au niveau fédéral ou des Etats sont plus efficaces que ceux gérés par les municipalités… et génèrent des gains immédiats contre la déforestation… les ONG visent à autonomiser les communautés autochtones locales dans les zones protégées… la protection des terres indigènes est un moyen de lutter contre la déforestation… à condition d’être soutenue pas une volonté politique… Le Fonds amazonien est un outil de finance verte relativement ‘bon marché’ ».

Comment concilier en Amazonie, la protection de la forêt, de la biodiversité et des Droits des peuples autochtones, et le développement de projets industriels qui s’avérer contradictoires ?

Revenons à la fin du Colloque le 20 juin 2025 où un film documentaire nous a montré les premiers et émouvants contacts établis en 1954 par Henri Ballot photographe avec les Indiens Metuktire de la nation Cayopo du Xingu dans le Mato Grosso do sol au Brésil. Ce film réalisé par sa fille Véronique Ballot a pour titre : « La deuxième rencontre ».

Le professeur Walber Lopez Abreu s’est chargé de résumer et conclure avec brio ce convivial Colloque. Marie Lemoine professeure d’anthropologie remercia chaleureusement les participants.

Quelle réponse peut-on donner Christian Puech, face aux sociétés internationales qui sont en train de détruire l’Amazonie, sa biodiversité et la culture des derniers Amérindiens ?

C. Puech: La complexité de la problématique nécessiterait un livre tant les incidences sont multiples. Notre civilisation est dans un moment de géopolitique très important. La Paix et la survie de l’humanité s’éloignent avec le fracas actuel des armes et le réchauffement climatique exponentiel. Notre modèle de développement économique mondialisé sans limite plonge dans l’effroi de plus en plus d’humains. Il y a au XXIe siècle des questions de droits de la nature, de droits de l’environnement et de droits humains à respecter. Métro-boulot-télé-dodo et production-consommation à tout va, selon moi ce système est sans avenir. Il est urgent de penser et construire ensemble un autre paradigme entre les extrêmes. L’école publique devrait promouvoir l’esprit de responsabilité et l’ouverture d’esprit sur le monde.

Il n’est pas indispensable d’être expert pour en conclure que les transitions écologiques proposées pour l’Amazonie, comme par exemple la production dans l’État du Para du poivre noir bénéfique pour le climat et économiquement bonne pour les populations riveraines selon le conférencier, puissent compenser l’ampleur de la déforestation, des dégradations et pollutions engendrées par les extractions pétrolières, minières, l’agrobusiness et l’élevage intensif.

Les réponses audibles par les sociétés internationales extractivistes vont dépendre de l’importance des mobilisations des sociétés civiles européennes contre ces projets industriels, que ce soit sur les réseaux sociaux ou lors de manifestations. Dans ces enjeux la poursuite ou le recul de la consommation à tout va jouent un grand rôle. Aujourd’hui l’augmentation de la prise de conscience, l’engagement et le rassemblement pour la défense du climat et donc de l’Amazonie doivent être la première de nos préoccupations. Une prise de conscience collective à l’échelle mondiale pourrait venir par suite de dérèglements cataclysmiques mortifères que je ne souhaite pas évidemment ou par suite d’évènements géopolitiques très graves.

La lutte contre les bouleversements climatiques et leurs conséquences dépasse les idéologies politiques et les partis, elle est pour moi l’affaire de tous. Car il s’agit de défendre la Vie humaine et le Vivant sous toutes ses formes. C’est à ce combat que nous participons avec « Témoins au bout du monde ». Ainsi nous sommes audibles par tout l’échiquier politique. Et nous pouvons être des médiateurs ouverts sur ma réalité du terrain et des besoins.

Croire encore qu’avec une transition écologique green washing le réchauffement peut être stoppé est un mythe entretenu par le système consumériste. Au mieux le réchauffement ne pourra qu’être réduit, ce qui est déjà une bonne chose à laquelle nous contribuons activement. Mais les dérèglements climatiques continueront à augmenter (avec le Système en place et la démographie galopante en Afrique) devenant de plus en plus insupportables pour les humains, la faune et la flore. Alors les problèmes économiques qui nous préoccupent tant aujourd’hui se révéleront secondaires, voire dérisoires : il est plus tard qu’on ne le pense.

Nous œuvrons pour réunir dès la rentrée prochaine deux millions de Marcheurs de toutes obédiences pour le climat et pour l’Amazonie. Le vote de la loi Duplomb, qui a réintroduit l’utilisation de l’acétamipride et autres perturbateurs endocriniens, vient de réunir contre lui deux millions de signatures dans une pétition. Les sociétés internationales sans foi ni loi incapables d’évoluer sur le fond représentent un pourcentage infime de la population mondiale. Elles oublient que nous sommes huit milliards d’humains sur cette planète finie.

Ce qui va se jouer à la COP30 à Belém en fin d’année est un test international de première importance. « Témoins au bout du monde » souhaiterait être invité à participer aux débats comme c’est le cas pour d’autres associations.

Pour écarter toute entrave possible aux activités des multinationales en Amazonie lors de la COP 30 à Belém, le Congrès brésilien vient quatre mois avant de promulguer une loi dévastatrice pour la forêt amazonienne. Cette loi a pour objet de priver les terres ancestrales des Indiens de la protection que la Constitution brésilienne leur a reconnue en 1988.

Elle permettrait aussi de nouvelles exploitations minières gigantesques destructrices de ce biome, alors que ces sociétés exploitent déjà au Brésil l’équivalent de 80 % de tous les minerais exploités sur la planète.

Alors que les activités humaines compromettent déjà la vie de l’humanité, les sociétés internationales auront-elles encore le droit d’extraire jusqu’à la dernière tonne les ressources de l’Amazonie et de la planète exsangue et fracturée par le prélèvement du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis.

Ces lobbies très puissants exercent d’importantes pressions sur le président Lula afin qu’il valide cette loi, alors qu’il s’était engagé à défendre l’Amazonie, comme d’autres chefs d’États du continent qui s’étaient réunis à Leticia, en Colombie. Tant et si bien que si en Europe les sociétés civiles ne le soutiennent pas dans les plus brefs délais par des manifestations, il n’exercera pas son droit de veto à la promulgation officielle de cette loi ; seul moyen pour arrêter le désastre environnemental qui se profile.

Rejoignez « Témoins au bout du monde ». Montrons au monde que l’économie et la finance ne l’emportent sur la valeur de la vie !

Mes rencontres et échanges sur ces questions avec les peuples autochtones, en particulier avec les Amérindiens d’Amérique Latine figureront dans un essai ethno-photographique à paraître à la rentrée 2025.

En attendant, je vous communique l’article écrit par Donato Pelayo, journaliste dans l’hebdomadaire sans concession l’Agglo-rieuse du 4 septembre 2024. : « Christian Puech : un essai qui fera date ».

« Depuis que tous les partis et tous les syndicats se prétendent écologistes, il est difficile de distinguer les militants sincères et les élus du parti écologiste qui ne sont souvent que des écologistes alimentaires. Ils utilisent les actions des véritables militants écologistes pour se faire élire alors qu’en retour, ils les ignorent quand ils ne les méprisent pas, craignant qu’ils ne deviennent leurs concurrents politiques et s’attaquent à leurs galettes beurrées. Cette configuration existe à Montpellier comme ailleurs. Et cela ne peut que nous inciter à apprécier le combat de l’écologiste Christian Puech qui a failli payer de sa vie son engagement constant au service d’une cause qui doit être la première de nos préoccupations…

Engagé sur le terrain des minorités bafouées par la déforestation de l’Amazonie, présent aux côtés des agriculteurs éthiopiens spoliés par leur gouvernement au profit d’investisseurs chinois, et attentif au sort des petits paysans des contreforts himalayens, il a une vision globale des urgences les frappant, accélérées par le dérèglement climatique.

Riche de multiples expériences et de contacts permanents, il a rassemblé le fruit de son expérience dans un essai qu’il s’apprête à publier. Il a recueilli auprès d’autres experts les analyses qui démontrent que l’écologie doit être la première préoccupation des générations à venir. Certains de ses amis qui en ont lu les bonnes feuilles sont persuadés que ce livre, synthèse de son combat permanent en faveur de l’environnement et de sa connaissance approfondie des problèmes économiques et sociaux de nombreux pays de la planète, aura un fort retentissement et incitera la nouvelle génération à s’engager dans cette lutte pour conserver à la planète des conditions qui la rendent habitables.

 Dans quelques mois à peine, ce témoignage devrait nous inciter à modifier certains de nos comportements et abandonner des préjugés qui font trop souvent de nous les complices inconscients de ceux qui au nom d’un confort dérisoire ont déjà dévasté notre pauvre planète.

 

Crédits photos : Christian Puech