En mai dernier de nombreux incendies de forêts ont éclaté au nord du Manitoba, deux mois plus tard ces feux sont toujours actifs. Selon les données de la province, il y a actuellement 105 incendies actifs. Le premier ministre du Manitoba a déclaré l’état d’urgence. Un total d’environ 12 600 personnes ont évacué leur résidence à travers le Manitoba.
La ville de Snow Lake, située à 600 kilomètres au nord-ouest de Winnipeg, a également publié un ordre d’évacuation obligatoire pour ses 1000 habitants. C’est la deuxième fois cette saison qu’on leur demande de partir.
Nous tenons à souligner la gravité de cette saison des incendies de forêt, a déclaré Wab Kinew, premier ministre du Manitoba
La fumée des incendies de forêt du Manitoba se diffuse vers l’ouest et surtout vers les États du Midwest américain. Les républicains à Washington se sont plaints cette semaine et ont demandé au Canada de mieux contrôler la fumée. Selon les républicains, les incendies sont de nature criminelle et surtout causés par la mauvaise gestion des forêts par les autorités canadiennes.
Kinew a répliqué aux républicains, lors de sa conférence de presse jeudi.
J’ai serré la main de pompiers américains au nord du Manitoba qui nous aident, et je mettrais au défi ces chasseurs d’ambulances au Congrès américain de faire de même. (Source: La Presse)
Les républicains ont expliqué que la fumée empêche leurs électeurs du Midwest de profiter pleinement de la saison estivale. Dans une lettre adressée à Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada à Washington, les représentants républicains du Congrès américain se plaignent de la fumée suffocante des incendies de forêt canadiens qui envahit l’air en ce début d’été.
Alors que nous entrons dans la période la plus intense de la saison des incendies, nous aimerions savoir comment votre gouvernement compte atténuer les incendies de forêt et la fumée qui se propage vers le sud », écrivent-ils. Dans leur missive datée du 7 juillet, les élus soulignent que leurs « concitoyens ont été limités dans leur capacité à sortir et à respirer en toute sécurité en raison de la qualité dangereuse de l’air causée par les incendies de forêt . (Source: La Presse)
Selon le Census Bureau des États-Unis, environ 37 millions d’Américains ont d’ailleurs été exposés à une mauvaise qualité de l’air en juin en raison des incendies au Manitoba et en Saskatchewan.
La fumée est nocive pour la santé humaine. La préoccupation est donc légitime , soutient Mike Flannigan, professeur à l’Université de l’Alberta et spécialiste des incendies de forêt. Mais à l’origine de cette fumée, ce sont les changements climatiques causés par l’humain. (Source : La Presse)
Les républicains tiennent un discours où le rôle des changements climatiques est soigneusement ignoré et leurs arguments ressemblent de plus en plus à la désinformation climatique qui est présentement diffusée sur les réseaux sociaux.
Dans une analyse couvrant la période allant d’avril à juin 2025, le groupe Climate Action Against Disinformation, qui réunit plusieurs organisations environnementales, signale que les « récits » les plus populaires affirment que les incendies sont d’origine criminelle ou encore qu’ils sont attribuables à une mauvaise gestion des forêts par le gouvernement canadien et non aux changements climatiques. (Source: La Presse)
Rappelons qu’il y a quelques jours, l’administration Trump a fermé un site web fédéral qui présentait des rapports et des recherches sur le changement climatique, mandatés par le Congrès, ce qui a suscité les critiques de scientifiques qui ont déclaré que cela entraverait les efforts du pays pour se préparer à l’aggravation des sécheresses, des feux de forêts, des inondations et des vagues de chaleur, ainsi qu’à l’impact du changement climatique dans le cercle arctique. (Source : Los Angeles Times)
Le site web du Programme américain de recherche sur le changement climatique, globalchange.gov, a été fermé, ainsi les cinq versions du rapport d’évaluation nationale du climat et de nombreuses informations sur l’impact du réchauffement climatique sur le pays ont disparu soudainement.
Selon Peter Gleick, spécialiste californien de l’eau et du climat, auteur de la première évaluation nationale du climat en 2000 :
Ce sont des documents publics. C’est de la censure scientifique à son paroxysme. C’est la version moderne de l’inquisition, c’est la disparition systématique des faits scientifiques. (Source traduction d’un article: Los Angeles Times)
Les républicains américains devront prendre l’habitude de vivre avec l’inconfortable situation climatique et atmosphérique, car d’autres effets désastreux sont prévisibles d’ici quelques années si rien n’est fait pour réduire dramatiquement les GES (gaz à effets de serre) et surtout si les politiciens continuent de nier l’existence des changements climatiques en Amérique du Nord.
En fait, aujourd’hui, il existe un consensus scientifique sur le fait que la fonte du pergélisol dans l’arctique canadien augmente les risques d’incendie de la forêt boréale (taïga ; l’écosystème arctique terrestre le plus proche de la toundra). Par exemple au Canada, la surface de la forêt boréale brûlée augmente globalement depuis les années 1960 (de 1 500 à 75 000 km2 brûlés selon l’année), avec un pic en juillet. (1) De plus, les incendies débutent plus tôt en mai par exemple. Le dégel du pergélisol de l’arctique constitue pour plusieurs chercheurs et observateurs une réelle bombe à retardement qui risque de détraquer non seulement le climat mais les conditions de vie des populations ainsi que leur santé.
La fosse d’effondrement de l’île Herschel au Canada en 2019 démontre bien comment le pergélisol s’effondre rapidement.

L’île Herschel est située dans la mer de Beaufort, à environ 2 km au large du continent. Cette dernière fait environ 14,5 km de long par 8 km de large. L’entièreté de l’île fait partie du parc territorial de l’Île-Herschel–Qikiqtaruk. L’île est au large du parc national Ivvavik.
Le dégel de plus en plus rapide du pergélisol libère des quantités importantes d’émission de mercure, de méthane et de CO2 (GES). Si la tendance se poursuit le fonctionnement hivernal (octobre-avril) du géo-écosystème arctique (qui a une grande importance pour les modélisations) risque de se dérégler et de s’emballer avec des effets climatiques et écotoxicologiques potentiellement catastrophiques pour des centaines de millions de personnes.
D’après une étude publiée en 2018, le pergélisol arctique possède le plus grand réservoir de mercure au monde : environ 1,7 million de tonnes (c’est l’équivalent en volume de 50 piscines olympiques). Ce mercure a été piégé dans le pergélisol au cours de la dernière glaciation. La principale source de préoccupation des scientifiques est qu’éventuellement de grandes quantités de mercure seront libérés dans l’atmosphère de l’arctique et se retrouveront dans l’eau et les sédiments puis ingéré par les animaux, se frayant ainsi un chemin dans la chaîne alimentaire humaine.
Le mercure a des effets toxiques sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire ainsi que sur les poumons, les reins, la peau et les yeux. L’OMS considère que le mercure constitue l’une des 10 substances chimiques gravement préoccupantes pour la santé publique.
C’est un cercle vicieux puisque les gaz à effet de serre accélèrent le réchauffement de la planète et le réchauffement de la planète augmente le dégel du pergélisol. C’est ce que appelle les scientifiques une boucle de rétroaction positive.
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Source : (1) Krezek-Hanes, C. C., Ahern, F., Cantin, A., & Flannigan, M. D. (2011). Tendances des grands incendies de forêts au Canada [archive], de 1959 à 2007.
Los Angeles Times
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