Récemment, après les hauts et les bas de la prétendue « guerre commerciale » de Trump, un président qui aime beaucoup les déclarations grandiloquentes plusieurs questions se sont posées : Est-ce la fin de la mondialisation ? Doit-on s’attendre à une ère d’instabilité permanente sur les marchés ? La guerre pour le leadership économique et financier dans le monde pourrait-elle déboucher sur une guerre mondiale ? Personne ne peut en être certain, mais nous pouvons essayer d’analyser la situation et les possibilités futures, ce qui prendra certainement plus d’un article non seulement en raison de l’ampleur des thèmes, mais aussi parce que l’accélération des événements se succédant dans un avenir proche pourrait rendre toute conclusion obsolète.

Les humanistes avertissent depuis longtemps que le processus de mondialisation est vicié par les contradictions du capitalisme, et que l’interconnexion et l’interdépendance croissantes entre les nations, au lieu de contribuer à la construction d’un monde meilleur, conduiraient à l’accumulation de richesses et de pouvoir par les banques et les multinationales, avec la manipulation des démocraties qui en découle. Nous avons alors préféré parler de la possibilité d’un processus de mondialisation, fondé sur la complémentarité entre les peuples ; un chemin d’échanges culturels, technologiques et commerciaux, qui, sous le signe de la solidarité, nous conduirait vers la Nation Humaine Universelle. Cependant, le signe de la mondialisation ne serait pas celui-là, mais celui de l’accumulation des richesses et de la déprédation de l’environnement ; car ce n’est pas la libre circulation des personnes qui compte, mais la liberté pour les entreprises et les capitaux de circuler avec de moins en moins de contrôles.

C’est ainsi que, dans la mesure où la mondialisation multipliait les contradictions du capitalisme prédateur à travers la planète, les crises se sont accélérées et les gens ont commencé à sentir que leur situation se dégradait, que le monde était de plus en plus hostile, et surtout que les citoyens avaient de moins en moins de chance de changer le cours des choses, les démocraties devenant de plus en plus faibles, otages du pouvoir économique.

Et quand il y a du mal être, les gens commencent à chercher des coupables, et alors le pouvoir concentré avec ses médias et ses sbires de la politique ont commencé à signaler les supposés responsables. Les coupables devaient être les immigrés, qui fuyaient la faim et les guerres et se disputaient les emplois dans le pays d’accueil.

Les coupables devaient être les pays qui voulaient s’industrialiser, car leur main-d’œuvre était en concurrence avec celle des travailleurs d’autres nations. Les gouvernements dits populistes furent stigmatisés pour leurs dépenses en faveur des marginaux, sans pour autant pointer du doigt les véritables responsables de la marginalisation des populations. Il s’agissait ainsi de diviser les peuples et les sociétés, afin que les conséquences néfastes de la mondialisation puissent être imputées à n’importe quel pays ou secteur social, mais jamais à ceux qui ont concentré la richesse, en appauvrissant et en endettant les populations.

Finalement, ils ont essayé de nous convaincre que les contradictions de la mondialisation seraient résolues par un retour au fascisme, que le déclin des démocraties formelles et corrompues serait résolu par des gouvernements autoritaires et autocratiques (et beaucoup plus corrompus), et que la violence serait résolue par plus de violence.

Et nous voici donc dans cette conjoncture historique, avec la résurgence de gouvernements fascistes, dans un processus similaire à celui d’il y a un siècle ; avec une Europe qui se prépare à la guerre, consacrant des ressources pour s’armer, au lieu de s’occuper des demandes de la population ; avec les États-Unis déclarant une guerre commerciale et mettant à la porte les immigrés.

De tous côtés, la peur, la haine, la discrimination et l’égoïsme sont semés pour diviser et régner, pour faire croire à un peuple que son ennemi c’est l’autre , pour nous faire nous battre entre pauvres pendant qu’ils accumulent des richesses.

Ce sont les gens ordinaires qui subissent les conséquences du changement climatique, des crises financières, du chômage et, surtout, des guerres, parce que c’est décidé par les dirigeants au prix du sang des peuples. Les contradictions de la mondialisation ne seront pas résolues tant qu’il n’y aura pas une convergence mondiale des nations qui considèrent l’être humain comme une valeur centrale, qui démantèlent le pouvoir économique concentré, et le complexe militaro-industriel ; alors il y aura suffisamment de ressources pour assurer la qualité de vie de l’ensemble de la population sur la base du développement durable. C’est cela la mondialisation, c’est cela la Nation Humaine Universelle.

Bien sûr, cette convergence mondiale des nations devra émerger des besoins des peuples, car on ne peut rien espérer de l’ONU, engluée dans son hypocrisie et son impuissance, et encore moins des gouvernements qui, au lieu de représenter les peuples, défendent les intérêts des seigneurs de la guerre et des finances.

Car lorsque Donald Trump a annoncé sa guerre des tarifs douaniers pour prétendument récupérer les emplois américains, ce n’était pas seulement un bluff sur lequel il a dû faire marche arrière par la suite, car l’effet immédiat de ces mesures a généré plus de problèmes que de solutions, puisqu’à l’évidence une augmentation drastique des tarifs d’importation génère une augmentation des coûts, voire un manque d’intrants aux États-Unis, tandis que le processus de relocalisation des entreprises sur le territoire américain, dans le cas hypothétique où il se produirait, prendrait des années.

Il a finalement négocié avec tout le monde, y compris avec le « diable » de Chine, et a réussi à faire approuver par le Congrès un budget dans lequel il a augmenté le déficit et la dette, en réduisant les impôts des plus riches et en augmentant les dépenses d’armement et de contrôle des frontières, dans sa guerre contre le « diable » de l’immigration ; bien sûr, il fallait couper quelque chose dans tant de dépenses, et il a évidemment choisi les travailleurs, en supprimant la couverture santé de millions de personnes.

En définitive, sous le faux prétexte de résoudre les problèmes que la mondialisation avait causés aux travailleurs, elle n’a fait que nuire encore plus à la population, au profit des plus riches, qui sont les véritables gouvernants.

Mais la confrontation avec la Chine ne se terminera pas avec les derniers accords, parce que les États-Unis continuent à avoir des problèmes de déficit commercial et de dette, et parce que la possibilité que, dans certaines régions du monde, le commerce international commence à être traité avec d’autres monnaies menace leur hégémonie.

En ce qui concerne cette hégémonie du dollar en tant que monnaie de transaction et de réserve, les changements ne pourraient être subits, car l’effondrement du dollar affecterait tout le monde, à commencer par le Japon, l’Europe et la Chine, qui sont les principaux détenteurs de bons du Trésor, et  leur désinvestissement mettrait la monnaie américaine sous contrôle, ça dévaluerait également les réserves de tous ces pays ; tout est très imbriqué et les interdépendances font qu’il n’y a pas de porte de sortie simple.

Mais les Etats-Unis savent que leur hégémonie est en danger. D’autre part, la Chine n’est pas seule, car en plus de ses multiples alliances et traités bilatéraux, elle fait partie du bloc des BRICS, un groupe de pays qui représente une grande partie du PIB mondial et un pourcentage élevé de ressources naturelles.

Et c’est précisément la Nouvelle Banque de Développement créée par les BRICS qui vise à remettre en question l’ordre financier international actuel, en cherchant à être l’alternative à la Banque Mondiale et au FMI, avec un sens plus équitable et solidaire, et qui promeut l’utilisation des monnaies locales pour le commerce intra-frontalier.

Ce n’est ni simple ni à court terme, car comme nous l’avons dit, tout est très interconnecté, chaque pays du BRICS à son tour a des relations interdépendantes avec d’autres nations, et ce n’est pas non plus un bloc homogène ; mais une voie semble laisser entrevoir un chemin possible pour contester l’hégémonie des États-Unis , et il y aura donc toujours des réactions de la part de l’empire décadent.

Pour l’heure, la guerre des tarifs douaniers initiée par Trump, même si elle est en partie modérée après les discours grandiloquents, va encore renchérir de nombreux produits, en plus de l’instabilité des coûts de l’énergie car lorsque la guerre tarifaire a commencé, le prix du pétrole brut a chuté alors qu’une récession se profilait ; Mais après les bombardements sur l’Iran, le prix est reparti à la hausse pendant quelques jours, et on ne sait pas comment la saga de la guerre va se poursuivre, car rien n’est résolu au Moyen-Orient, et encore moins tant que le génocide perpétré par le gouvernement israélien à Gaza persistera. L’escalade de la violence ne fera qu’engendrer plus de violence, tôt ou tard. Entre-temps, les seigneurs de la finance seront toujours prêts à spéculer sur les prix du pétrole, et les seigneurs de la guerre seront toujours prêts à alimenter les conflits armés et à approvisionner toutes les parties… et cela, dans un monde où les gouvernements sont de plus en plus fascistes, peut se terminer par une catastrophe de grande ampleur.

Mais pour en revenir au thème des contradictions de la mondialisation, il faudra s’habituer à vivre avec les conflits pendant un certain temps, car de telles contradictions ne se résoudront guère à court terme, parce qu’elles sont inhérentes au capitalisme prédateur et centralisateur que, malheureusement, tous les pays, d’une manière ou d’une autre, ont pris comme modèle économique. Car lorsque nous parlons du « danger chinois », il est question de l’expansion d’une économie qui, dans son développement, aspire de multiples ressources naturelles et rivalise avec les économies occidentales, non seulement pour une main-d’œuvre moins chère, mais aussi pour son progrès technologique ; mais, en fin de compte, cette croissance de la Chine ne représente pas plus que ce qui correspond au pourcentage de sa population.

Le PIB de la Chine représente un peu plus de 17 % du PIB mondial, ce qui est proportionnel à sa population, alors que le PIB des États-Unis est de 25 % avec moins de population, et que l’Union européenne a un PIB similaire à celui de la Chine, également avec moins de population. Et que se passerait-il si l’Inde se développait également comme la Chine et si son PIB devenait proportionnel à sa population ? Et que se passerait-il si la Chine et l’Inde voulaient atteindre le PIB par habitant détenu aujourd’hui par l’Europe et les USA ? Et si tous les pays de la Terre atteignaient ce PIB par habitant du « premier monde »? …

Peut-être aurions-nous besoin de 5 planètes supplémentaires pour nous approvisionner, car avec le modèle de ce capitalisme prédateur et accumulateur, notre planète exploserait bien avant d’atteindre de tels objectifs de consommation. De nombreuses puissances occidentales ont certainement la nostalgie de l’époque où le reste du monde était fait de colonies dont elles extrayaient les matières premières pour leur industrie, tandis que leurs populations vivaient dans la pauvreté ;

Et elles voudraient peut-être y revenir, peut-être pas avec les anciennes méthodes, mais peut-être par le chantage financier l’endettement systématique, et l’imposition de dirigeants fantoches qui maintiennent chaque pays dans le sous-développement, de sorte qu’il y ait toujours un premier monde bien approvisionné, et le reste marginalisé, parce qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde.

La nouvelle, c’est qu’ils ne pourront plus arrêter l’avancée de toute l’humanité qui veut vivre mieux, et que pour y parvenir, ils devront certainement changer ce modèle économique pour un autre plus équitable moins consumériste et plus durable. Mais en attendant, les contradictions subsisteront, l’ancien système résistera et il y aura des conflits.

Il s’agira de suivre de près les événements pour voir quelle direction ils prendront et quelle possibilité il y a de provoquer un changement profond, de sorte que finalement le gouvernail de l’économie soit entre les mains des citoyens.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet