Sommet de la Commission de l’Océan Indien, Madagascar le 24 avril 2025

Les pays insulaires de la région de l’océan Indien sont confrontés à de nombreux défis en matière de sécurité maritime, tels que la piraterie, le trafic de drogues illicites et de personnes, les préoccupations environnementales et la sécurité des frontières. Les Comores se situent au centre de la région et sont confrontées à des problèmes qui leur sont propres et uniques, tels que son contentieux avec la France, qui occupe sa quatrième île comorienne de Mayotte depuis la proclamation de l’indépendance en 1975, une domination contraire au droit international, selon les résolutions des Nations Unies. Cette note résume les défis auxquels les îles Comores ont été confrontées dans le passé et dans le présent. Elle met également en évidence certains défis en matière de sécurité et de sûreté auxquels elles pourraient être confrontées dans le futur, une fois que la France réalisera son projet d’installer une base navale militaire dans les eaux de l’île comorienne de Mayotte. Elle souligne certaines positions déjà prises par le gouvernement, le parlement, la communauté politique et la société civile comorienne contre la France et donne un aperçu des actions qu’elles pourraient entreprendre dans l’avenir, de manière indépendante et en collaboration avec d’autres pays de la région, afin d’atténuer ces problèmes.

Par Mohamed Soulaimana Azhar, CEDS, Paris

Introduction

Depuis l’Antiquité, l’Océan Indien occupe une place importante dans les calculs stratégiques des grandes puissances du monde, principalement en raison de son impact économique sur le commerce maritime. L’Océan Indien couvre vingt pour cent de la surface de la Terre et est considéré comme la troisième plus grande étendue d’eau au monde. Cependant, au cours de la dernière décennie, la région de l’océan Indien (RIO) est devenue un centre d’intérêt international, non seulement en raison de son importance stratégique, mais aussi de son énorme potentiel commercial. De ce fait, la RIO devient de plus en plus un point névralgique du dialogue régional et international. Il s’agit donc sans aucun doute d’une région importante pour le monde dans les années à venir.

C’est par cette région que transite la moitié du trafic mondial de conteneurs et dont les ports traitent environ 30 % du commerce mondial, devenant ainsi l’autoroute économique du monde. 66 % des cargaisons de pétrole vitales et 33 % du fret mondial en vrac passent par ces eaux. L’importance mondiale de l’Océan Indien est confirmée par le fait que 40 des 54 types de matières premières utilisées par les industries américaines proviennent de l’océan Indien et que celui-ci possède certaines des plus grandes zones de pêche du monde, fournissant environ 15 % du total des prises de poissons de la planète (environ 9 millions de tonnes par an, dont l’Union européenne figure parmi ses pêcheurs). En outre, 55 % des réserves pétrolières connues de la Terre se trouvent dans l’océan Indien et 40 % des réserves mondiales de gaz naturel se trouvent dans les États riverains de l’océan Indien. Ces faits, liés principalement à l’économie bleue, influencent l’importance que cette région conserve sur la politique mondiale.

Des menaces pour les Comores et la région

Les Comores occupent une position stratégique par rapport aux pays situés dans le canal de Mozambique du Nord, État partie de la Convention de Nairobi (Madagascar, Mozambique, Afrique du Sud, France, Kenya, Maurice, Seychelles, Somalie et Tanzanie). L’île de Mayotte est géographiquement l’île la plus proche des principales voies maritimes du monde, où plus de mille navires transportent chaque année du carburant et des matières premières du Moyen- Orient vers l’Asie ou de l’Asie vers l’Afrique. En raison de sa position avantageuse, sa souveraineté territoriale et d’autres facteurs conséquents comme le droit international, l’intégration régionale, la sécurité maritime, les conséquences énergétiques et environnementales, les Comores rejettent catégoriquement les calculs stratégiques et spéculatifs du projet français annoncé par le Ministre de l’Intérieur, M. Manuel Valls, visant à mettre en place une base navale militaire dans les eaux de l’île comorienne de Mayotte.

Menace au Droit International et à l’intégration régionale

Le respect du Droit international et de l’intégration africaine sont au cœur des intérêts des Comores vis-à-vis de sa politique nationale et étrangère. C’est la raison pour laquelle le refus catégorique du projet annoncé par le gouvernement français, par le biais de son ministre d’État, ministre des Outre-mer français, d’installer une base militaire navale et un commandement de la gendarmerie nationale française sur l’île comorienne de Mayotte, est mis en évidence par la déclaration du diplomate comorien M. Mohamed Mbae, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, chargé du Monde arabe, de la Diaspora, de la Francophonie et de l’Intégration africaine de l’Union des Comores, à travers un communiqué qui déclare ainsi : «… le gouvernement comorien dénonce la portée et la teneur d’une telle annonce, hostile et contraire au Droit international ainsi qu’aux engagements pris par l’Union des Comores et la République française, de privilégier le dialogue au contentieux qui les oppose sur cette île ». Les Comores agissent d’une manière à contribuer à la stabilité stratégique de la région. Cela sert également un intérêt national qui est de garantir une sécurité maritime renforcée dans et autour de l’océan Indien et d’assurer la paix dans la région. Par conséquent, l’État comorien doit également être conscient de ses implications en matière de sécurité en étant si proche des routes maritimes les plus fréquentées du monde, qui transportent la moitié du trafic mondial de conteneurs. Dans ce contexte, il convient également de noter que les puissances extrarégionales telles que la France, l’Inde, la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Russie et le Japon ont manifesté un intérêt croissant pour l’océan Indien et ont, à cette fin, élaboré de grandes stratégies telles que la stratégie de l’océan Indien, leurs bases militaires stratégiques à Djibouti, pays qui se situe à la jonction de la Mer Rouge et de l’Océan Indien, sans oublier la base militaire stratégique américaine située à Diego Garcia et celle de France située à l’île de la Réunion, avec une capacité militaire considérable, qui d’ailleurs sécurise les eaux de Mayotte. Ces puissantes nations ont également individuellement identifié les Comores, avec sa position stratégique, comme un point focal idéal pour mettre en œuvre leurs politiques et leurs objectifs par des accords bilatéraux respectifs.

Ces dernières illustrations justifient bien qu’une base navale militaire à Mayotte serait une menace contre le concept de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) dont les Comores sont un État partie, ainsi qu’aux principes d’autres organisations régionales politiques et économiques pour lesquelles la circulation libre des biens et des personnes est un pilier. C’est pour cette raison que le communiqué relayé par l’Ambassade russe à Madagascar accuse Paris de refuser de respecter l’intégrité territoriale des Comores et d’appliquer les résolutions onusiennes. Selon Moscou, « la militarisation de cette zone sensible de l’Océan Indien pourrait avoir des conséquences pour la paix régionale ». Donc, ce projet à Mayotte est une menace directe pour les organisations régionales, à l’exemple de l’IORA, SADC, COMESA, EAC et COI.

Menace à la sécurité maritime et énergétique

La mondialisation repose en grande partie sur les voies maritimes et de l’énergie. Dans ce contexte, les voies maritimes de l’océan Indien sont d’une importance cruciale pour le commerce et la sécurité énergétique. Les navires chargés de pétrole et de gaz partent du golfe, contournent les Comores et pénètrent dans les eaux de la mer de Chine méridionale, tandis que le trafic réciproque transportant des produits finis en provenance de Chine, du Japon, de Corée et des Émirats Arabes Unis se déplace dans l’autre sens. Quant à l’énergie, les études menées par Dr David Oboura de l’ONG Cordial révèlent les capacités des ressources en hydrocarbures dans le canal de Mozambique du Nord (NMC), dont les Comores possèdent 44 blocs de zones énergétiques, soit trois fois plus que la richesse énergétique du Qatar. Ces deux facteurs indiquent que l’installation d’une base militaire française au cœur du canal de Mozambique du Nord inquiète de nombreuses nations dont l’économie dépend du commerce et de l’énergie. Seuls les pays de la région de l’Océan Indien situés dans le canal de Mozambique sont censés sécuriser leur route maritime, car de nombreuses nations dépendent de l’Océan Indien, les besoins en carburant des nombreux pays en voie d’industrialisation étant satisfaits grâce à la facilité de transport maritime par l’océan Indien. Pour toutes ces raisons et d’autres encore, l’importance de la position géographique des Comores dans le contexte mondial en général et dans l’océan Indien en particulier est très grande. D’où l’établissement d’une base navale dans cette zone en exploration pétrolière court le risque de confronter de menaces au commerce énergétique mondial et à l’offshore régional en voie d’exploration. Pour relever le défi de la sécurité maritime afin de contrer le projet militaire français, les Comores peuvent prendre l’initiative de fournir et d’assurer la sécurité maritime. La sécurité maritime étant régie par les forces de garde-côtes comoriennes, composante de l’Armée Nationale de Développement (AND), peut contribuer à la protection des navires traversant les lignes de communication maritimes (SLOC) en jouant le rôle d’une figure neutre offrant une protection égale à tous. Cela permet de réduire l’influence des puissances extrarégionales dans et autour des îles, réduisant ainsi les risques de piraterie, le flux migratoire et le trafic illicite installé au cours de la route maritime du canal de Mozambique. En outre, en gardant au cœur la politique de l’intégration régionale pour les Comores d’une part et régionale d’autre part, en étant le principal point de sécurité dans la RIO, les Comores peuvent également renforcer le partenariat stratégique régional avec le Centre Régional de Fusion et d’Information Maritime basé à Antananarivo (CRFIM) et aussi collaborer avec les pays de la région, notamment la Tanzanie, le Mozambique, Madagascar, Maurice, les Seychelles, l’île française de la Réunion, le Kenya, la Somalie et Djibouti, pour renforcer la sécurité de la région indiano-océanienne en surveillant les menaces maritimes et tous les navires qui transitent par la région.

Par conséquent, si le besoin s’en fait sentir, les Comores devraient être les premières à lancer un appel à l’action. Il s’agirait non seulement de surveiller les navires de surface, mais aussi les activités de tous les sous-marins, afin qu’ils ne portent pas atteinte à l’intégrité territoriale des Comores et de la région dans son ensemble. D’ailleurs, le point 3 de la Déclaration de Moroni sur l’avenir de la Commission de l’Océan Indien prononcé par son secrétaire général M. Ahamada M’madi Boléro le 3 août 2019 ne correspond pas au projet de militarisation française à Mayotte. Il déclare :

« Après 35 ans d’existence, l’élargissement progressif du portefeuille de projets comme des secteurs d’intervention de la COI lui a permis de s’affirmer comme un acteur essentiel de la stabilité, de la coopération et de l’intégration dans la région. Le mandat renouvelé de la COI doit couvrir, entre autres, les questions relatives à la paix et la sécurité, à la défense des intérêts insulaires, à l’économie bleue, au changement climatique, à la sécurité alimentaire et sanitaire, à la sécurité maritime, à la protection civile, à la coopération scientifique, académique et culturelle, et à la circulation des personnes dans l’espace de la COI, notamment pour la connectivité aérienne, maritime et numérique, pour le rapprochement des peuples. Il est envisagé également de promouvoir les avantages compétitifs de chaque État membre sur certaines politiques et secteurs afin d’en faire bénéficier l’organisation. »

Ce point déclaratif de la COI accentue non seulement la Déclaration onusienne de 1971 faisant de l’Océan Indien une zone de paix, mais aussi rend explicite l’argument de Dr Rafsandjani lors de son communiqué apparu le 23 mars 2025 au nom de son parti politique Ushe, déclarant ainsi :

« Ce projet d’une base navale militaire vise d’un côté à bercer d’illusions les Mahorais et de l’autre à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention de la France dans cette zone stratégique, tant par sa position à l’entrée nord du canal de Mozambique que par ses richesses naturelles en gaz et en pétrole notamment. »

Il serait donc très utile et bénéfique pour les pays de la région de parvenir à un consensus pour renforcer les mécanismes en place comme le programme MASE et l’agence CRFIM afin d’assurer une fluidité du transport maritime, assurer le contrôle et le refus de l’ennemi en effectuant une surveillance en mer de jour comme de nuit afin d’empêcher l’entrée illégale de biens et de personnes dans les pays de la région et de prévenir le braconnage illicite dans la zone économique exclusive (ZEE). Aussi, mettre en place une stratégie régionale facilitant l’exploration des hydrocarbures et sa mise en œuvre d’exploitation.

En outre, la position géographique centrale de l’île comorienne de Mayotte ne convient pas à une militarisation, car d’une part, 70 % du fret maritime de la région transite par le port de Mayotte et, d’autre part, les îles Comores se trouvent au cœur de ressources énergétiques en voie d’exploration et d’exploitation. En raison de l’immensité maritime et énergétique de l’océan Indien à des fins économiques, une base militaire navale à Mayotte représenterait une grande menace.

Menace au désarmement

Le projet de base navale militaire dans l’île comorienne de Mayotte constitue une menace sérieuse pour les Comores, car tout accident d’arme affecterait directement l’ensemble des quatre îles des Comores en raison de sa proximité.

Alors que les Comores sont un État partie du traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et signataire de la déclaration politique contre les armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA) et du traité sur le commerce des armes (TCA), cela n’empêche pas la France d’implémenter son projet d’armement à Mayotte. À l’heure actuelle, les forces armées françaises de la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI) menacent la sécurité de la région. La présence militaire française dans l’océan Indien, en tant que puissance nucléaire, face à de petits États insulaires qui ne possèdent pas de telles capacités ou qui n’ont pas accès à cette technologie, courent un risque croissant en matière de sécurité. Les interventions stratégiques aux Comores par les bérets rouges, en complicité avec les multiples coups d’État de Bob Denard, en témoignent. Lorsque l’on observe l’ensemble de la flotte militaire française basée à Port Réunion patrouillant l’indiano-océanien, notamment l’Albatros P681, la frégate Floréal F730, la Rieuse P690, la Boudeuse P683, le VSMP et Vétiver P790, ainsi que le dispositif du centre d’instruction et d’aguerrissement nautique (CIAN) installé sur la plage du Bouilleur et d’un camp brousse à Kwale (Mayotte), on constate que ces derniers constituent déjà une menace pour la sécurité nationale et humaine des Comores et des autres États voisins non dotés d’armement considérable. Les ratifications des Comores aux instruments onusiens de désarmement rejettent toute sorte d’installation d’une base navale militaire dans les eaux comoriennes. La déclaration comorienne prononcée au siège de l’ONU à New York le 29 novembre 2023 par l’Ambassadeur Chanfi Issmail, représentant permanant des Comores auprès des Nations Unies, lors de la deuxième réunion des États parties au TIAN (2MSP), justifie clairement la position des Comores sur les initiatives de désarmement. Elle déclare :

« Je souhaite souligner l’importance de l’universalisation de TIAN. Nous devons organiser, participer et soutenir tous les efforts visant à promouvoir l’adhésion au traité. C’est en unifiant nos voix et nos actions que nous pourrons délégitimer, stigmatiser et, finalement, éliminer les armes nucléaires. Les Comores ont d’ailleurs toujours soutenu et sponsorisé l’ensemble des résolutions relatives au désarmement nucléaire. »

Si la marine et les garde-côtes français à l’île comorienne de Mayotte ont, dans une large mesure, réussi à empêcher les Comoriens de se rendre librement dans leur île sœur pour y trouver de meilleures opportunités économiques, notons que l’installation d’une base navale militaire au cœur du canal de Mozambique du Nord pourrait faciliter le trafic d’armes par voie maritime, qui est l’un des moyens les plus sûrs de transférer des armes et des munitions, entraînant des conflits et des différends susceptibles de déstabiliser un pays ou une région entière. Souvent, les trafics de drogue et d’armes vont de pair et constituent l’un des problèmes de sécurité les plus urgents auxquels est confrontée la région de l’Océan Indien. Donc, une base navale militaire à Mayotte déstabiliserait la région entière. Selon Thomas P. M. Barnett,

« aucun océan n’a autant besoin de stabilité stratégique que l’océan Indien, qui est sans doute le plus nucléarisé des sept mers ».

Par conséquent, compte tenu de l’évolution de la politique mondiale sur l’universalisation du désarmement, l’ONG SALAM, organisation de la société civile comorienne, active dans la campagne de l’universalisation du désarmement africain, réaffirme la détermination de la société civile comorienne contre le projet de militarisation française à Mayotte et appelle les pays situés dans le canal de Mozambique du Nord à ratifier le TIAN, le TNP, le TICE et le TCA afin de renforcer la coopération régionale dans le cadre du désarmement et de la réglementation commerciale des armes. L’ONG SALAM, œuvrant pour la promotion de la paix et de la sécurité aux Comores, à l’Océan Indien et en Afrique de l’Est, est catégoriquement contre ce projet militaire à Mayotte, qui pourrait conditionner des effets conséquents à court et à long terme sur l’environnement, le développement socio-économique, l’économie mondiale, la sécurité alimentaire et la santé des générations actuelles et futures, et pourrait toucher de manière disproportionnée les femmes, les filles, ainsi que les nourrissons et les enfants. En bref, le projet français d’une base navale militaire sur l’île comorienne de Mayotte est contre les stratégies de sécurité régionale portées par la Commission de l’Océan Indien, notamment le programme Gouvernance, paix et stabilité (GPS), ainsi que celui de l’IORA.

Menace environnementale

L’augmentation des températures mondiales affecte les îles et leurs côtes. Le littoral comorien est lui aussi affecté par les changements des conditions climatiques mondiales, les prévisions indiquant qu’une proportion significative du littoral de l’île comorienne de Mayotte sera sous l’eau. Une élévation du niveau de la mer de 0,2 m à 0,6 m entraînerait l’inondation des régions côtières de Mayotte. Toutefois, des études ont révélé qu’il faudrait une élévation du niveau de la mer de 8 m pour que la région côtière de l’île soit submergée.

Cependant, le projet d’une base navale militaire à l’île comorienne de Mayotte constituerait un autre défi environnemental. Les Comores ne souhaitent pas la réalisation de ce projet car elles ne disposent pas d’une autre route navigable continue, et ce projet permettrait aux navires de contourner les Comores. Cependant, autant cette base aura un impact sur le statut du commerce maritime du canal de Mozambique, autant elle menacera l’environnement et les ressources marines des quatre îles des Comores. La base navale militaire à Mayotte affectera de manière significative les moyens de subsistance des pêcheurs, et le risque lié à d’éventuelles marées pourrait affecter l’environnement marin de la région. Lors de la clôture d’une session parlementaire extraordinaire, le président sortant et entrant de l’Assemblée Nationale de l’Union des Comores, honorable Moustadroine Abdou, a exprimé l’opposition du parlement au projet d’implantation d’une base navale française à Mayotte, qu’il considère comme une nouvelle forfaiture. De plus, le chef de l’opposition parlementaire de la 11ème législature des Comores, honorable Ibrahim Ali Mzimba, a désapprouvé ce même projet français lors de la conférence de presse officialisant l’alliance de la nouvelle opposition parlementaire (NO’OR). D’une part, M. Mzimba qualifie ce projet de base navale militaire à Mayotte, une région insulaire riche en ressources, comme étant contre un cadre de développement durable fondé sur l’utilisation rationnelle de la mer et, d’autre part, contre le capital naturel de la NMC. Ceci explique que l’amélioration des écosystèmes, des espèces et des processus écologiques, protégés et mis en valeur, soutenant les populations et les économies de la région dans l’avenir, sera tous détruit une fois que la France réussira à installer une base navale militaire à Mayotte.

En raison de l’étendue de l’océan et de la disponibilité des ressources marines, la pêche est un autre facteur qui joue un rôle important dans la RIO. Les eaux comoriennes regorgent de ressources marines qui constituent une importante source de revenus pour les pêcheurs de l’île. Cependant, en raison de la richesse des ressources marines, une base navale dans ces eaux aurait des conséquences environnementales permettant de réduire la reproduction des poissons et les activités en voie de développement. Par conséquent, la marine comorienne est donc confrontée à un défi environnemental de taille, non seulement face à la protection des eaux et ressources contre les activités de pêche illégales, mais aussi pour relever un défi de militarisation.

Conclusion

Les Comores, idéalement situées au cœur du canal de Mozambique, dans la grande région de l’océan Indien, jouent un rôle de premier plan dans la promotion de la coopération sud-sud. Il est important pour l’avenir de la région que de petits États comme les Comores se développent et participent à sa sécurité et à son développement. L’augmentation progressive du trafic maritime international accroîtra les flux non seulement de navires, mais aussi d’hommes et de matériel, ce qui amplifiera les risques potentiels pour la sécurité en provenance de l’étranger. Par conséquent, les Comores doivent garantir un environnement sûr pour les utilisateurs afin de permettre un développement sans entrave des échanges et du commerce. Conscients de ces implications en matière de sécurité, les Comores ont exprimé en 2023, lors de la conférence interministérielle sur l’économie bleue à Moroni, la nécessité d’adopter une stratégie régionale pour la sécurité maritime de l’Océan Indien. On peut donc estimer qu’il est temps pour les Comores d’adopter une stratégie nationale pour la sécurité maritime intégrant les points saillants susmentionnés, l’intégration régionale et la position de leur politique étrangère.

En raison de l’émergence d’un environnement stratégique dans la RIO, les Comores ont l’énorme obligation de prévenir la criminalité transnationale, d’assurer le passage en toute sécurité des navires marchands et de prévenir les activités terroristes dans la ZEE et au-delà. À mesure que les économies mondiales se développent, le plus grand défi maritime posé à l’ensemble des Comores serait l’installation d’une base navale militaire dans ses eaux. Avec une grande masse d’eau vers l’extrémité de l’île de Mayotte, les Comores sont obligés de renforcer leur capacité et leur aptitude aux opérations de recherche et de sauvetage (SAR). Ils doivent s’optimiser au point de diriger de telles opérations dans la région avec d’autres nations amies.

De plus, selon Kaplan, ‘

« …l’avenir de l’activité militaire sera de nature maritime car l’activité militaire tend à suivre l’activité commerciale et économique ».

Si les Comores ne réorganisent pas leurs mesures de sécurité dans la RIO, les facteurs de menaces susmentionnés risquent de submerger la situation progressivement. Tant que la RIO reste au centre de la politique mondiale, l’inexistence d’une base navale militaire dans le canal de Mozambique constituera un avantage supplémentaire pour les pays de cette région, car elle permettra d’atténuer les menaces maritimes, de la sécurité interrégionale et d’armement. À cette fin, l’échange de renseignements en temps réel, une meilleure surveillance des mers pour s’assurer que les navires ne passent pas inaperçus et ne soient pas contrôlés sont quelques-unes des mesures que les Comores peuvent prendre pour sauvegarder leurs eaux. En outre, compte tenu de la protection de l’environnement maritime, les Comores doivent veiller à ce que les navires marchands respectent les lois internationales, y compris celles relatives à la protection de l’environnement. Les Comores peuvent jouer un rôle actif dans la sauvegarde de ce respect du droit international, atténuant ainsi la menace qui pèse sur leur environnement. Il est bénéfique pour les pays de l’Océan Indien de coopérer les uns avec les autres afin d’éliminer et de contrer tout projet militaire menaçant la paix, la sécurité et le développement du canal de Mozambique du Nord. Il convient également de garder à l’esprit les atouts que possède chaque État. En s’engageant dans des partenariats, les États doivent respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’autre État, même s’ils tentent de sauvegarder la même zone d’intérêt. À cette fin, les pays membres de la Convention de Nairobi, de la COI et de l’IORA doivent prendre en considération la question de l’île comorienne de Mayotte sous administration française.

Il incombe donc aux États qui se trouvent dans la RIO de coopérer en étroite collaboration avec les autres mécanismes établis dans le cadre de la coopération des affaires maritimes (IOMAC) pour s’opposer au projet français d’installer une base navale militaire à Mayotte, afin de préserver la sécurité et la sûreté maritimes des États situés dans le NMC et ceux qui bénéficient de sa route maritime. Les Comores, situées au centre de cette région importante et à la recherche de leur quatrième île de Mayotte, pourraient prendre une initiative diplomatique à cette dernière. En outre, tous les États ayant des intérêts économiques dans le canal de Mozambique, quels que soient leurs continents d’origine, peuvent renforcer leur coopération navale avec les Comores afin d’atténuer les menaces qui pèsent sur la sécurité territoriale comorienne par le projet français de militarisation, ainsi que les conséquences conditionnelles des biens et des services qui transitent par cette ligne de vie mondiale.

Notes :

1. The Indian Ocean Maritime Security and regional undercurrents, Sunday time online 20th November 2011
2. ASCLM/SWIOFP 2012. Transboundary Diagnostic Analysis for the western Indian Ocean. Volume 1&2. ISBN : 978-0-620-57042-8
3. CBD (2012) southern Indian Ocean Regional workshop: ecology or Biology Significant Marine Areas.
4. 5. Global Partnership for Oceans 2013: http://www.globalpartnershipforocean.org Dzitso La Ushe : Toutes les forces vives doivent se mobiliser contre le projet d’une base navale militaire française à Mayotte, Face book : Ushe, (23 mars 2025),
6. Conférence ministérielle sur l’économie bleue et l’action climatique en Afrique : www.uneca.org : blue–future- conférence (14 juin 2023),
7. Le nord du canal de Mozambique : HORalison@wwf.mgHORalison@wwf.mg
8. https://guide.visitedjibouti.dj 9. Communique du Ministère des Affaires Étrangère de l’Union des Comores (15 mars 2025), 10. Forces armées de la zone sud de l’océan indien, abrégées en FAZSOI, 11. Ocean Indien : BIOT- Diego Garcia : https://cnes.fr 12. Mutation et transitions dans l’Ocean Indien No 7- 2021 : enjeux géopolitique entre compétions et coopération 13. Discours des Comores pour la 2MSP des états parties au TIAN, 29, novembre 2023