Vendredi 28 février 2025, ça faisait deux ans qu’un train de voyageurs, transportant principalement des étudiants, et un train commercial, tous deux appartenant à Hellenic Train, ont fait une terrible collision. La tragédie s’est produite peu après Larissa, près de la vallée de Tempi. Les deux trains étaient sur la même ligne pendant plus de 15 minutes sans que personne ne s’en rende compte. La collision frontale a été violente, les trains circulant à plus de 160 km/h. Une explosion et des températures qui ont fait fondre le fer des wagons ont été provoquées.
Bilan final : 57 morts et des dizaines de blessés, principalement des jeunes hommes et femmes. La société grecque a été choquée par l’événement et les documents audio qui ont été rendus publics ; « J’ai pas d’oxygène », « J’peux pas respirer », « On va mourir ».
Dans les heures qui ont suivi la collision, le site de l’accident a été modifié, avec un enlèvement important de matériaux de la zone où il y a eu la collision et le blocage de la route.
Cet acte a sapé la confiance des autorités politiques et judiciaires. Y ont également contribué à cette situation :
- La confiance excessive dans la déclaration précoce du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis selon laquelle il s’agissait d’une « erreur humaine »,
- L’incapacité d’assumer les responsabilités politiques – notamment de la part du ministre des Infrastructures et des Transports, qui avait déclaré il y a quelques semaines au Parlement que les trains étaient sûrs,
- La propagande lancée par les médias dans le but évident de dissimuler toute erreur ou omission du gouvernement concernant l’incident lui-même et l’effort de renforcer la confiance dans la sécurité des trains en Grèce.
La confiance dans ce gouvernement s’érode depuis un certain temps déjà, en raison de la façon dont il a géré la pandémie, le naufrage du navire à Pylos et le scandale des écoutes téléphoniques. Mais elle a aussi été ébranlée envers les gouvernements précédents. Il suffit de se souvenir de la gestion de l’incendie de Mati, du référendum et de son annulation en 2015, de la crise de l’accueil des réfugiés, de la crise économique, des protocoles d’entente, de la dette que nous sommes appelés à payer et qui pèsera sur les générations futures pendant au moins les trente prochaines années.
Mais revenons au sujet de Tempi. Les familles des victimes, constatant la lenteur des enquêtes et n’ayant pas confiance dans les autorités, ont engagé des avocats pour rechercher les causes et faire pression afin que les responsabilités soient établies. Les mères et les pères des enfants décédés cette nuit-là ont tenu bon pendant deux ans et ont trouvé le courage de se battre « jusqu’à ce que les comptes soient rendus et que justice soit rendue ».
Deux ans plus tard, on ne sait pas clairement qui a donné l’ordre de modifier la zone où le conflit a eu lieu. Un volume important de documents n’a pas été inclus dans le dossier. Les ministres du gouvernement ont, dans des déclarations à la télévision, calomnié les familles des victimes qui réclament des comptes et ont systématiquement tenté de caractériser les manifestations organisées pour Tempi comme antigouvernementales et fomentées par les partis d’opposition dans le but de renverser le gouvernement.
Malgré l’entretien systématique de la peur par les médias et l’existence d’un congé de trois jours dans les prochains jours [N.d.E. : premiers jours du mois de mars], la participation de la population à la grève du 28 février passé et les mobilisations ont été sans précédent. Outre les organismes habituels impliqués dans les grèves, des annonces de participation ont été lancées par de grandes chaînes de supermarchés, des boîtes de nuit, des théâtres, des cinémas, des chauffeurs de taxi se sont associés pour transporter les gens vers les rassemblements…
Le volume de participation dans chaque ville était sans précédent, 264 rassemblements en Grèce et 125 à l’étranger – de la Nouvelle-Zélande au Mexique et de l’Islande au Japon. Des associations d’élèves et d’étudiants, des familles avec des enfants en poussettes, des travailleurs, des retraités, des personnes en fauteuil roulant.
Pour commencer, il convient de noter au moins deux points :
Tout d’abord, les gens ne sont pas descendus dans la rue à l’initiative d’un quelconque organe politique, bien au contraire. L’écrasante majorité n’était pas affiliée à un parti, reconnaissant ainsi le grand vide politique qui existe en Grèce en ce moment, peut-être même motivée par ce vide. Nous vivons à l’ère de l’opposition sociale, comme l’a dit un ami.
Deuxièmement, malgré les problèmes économiques et les impasses auxquelles les gens sont confrontés, ils sont sortis pour demander justice pour un crime dont nos enfants ont été les victimes. Même si l’État tente de le réduire à un accident, l’étroite collaboration du Premier Ministre avec les groupes d’affaires, la cession des infrastructures du pays à ces derniers, les pathologies chroniques et la dégradation du secteur public ont largement contribué à la conviction que cette évènement aurait pu être évité s’il y avait eu un gouvernement aujourd’hui – et à travers le temps – qui se souciait réellement du présent et de l’avenir des citoyens de ce pays.

Photo: Olga Pateraki
Traduction, Evelyn Tischer