La guerre en Ukraine ne doit pas durer une troisième année.

La semaine dernière (19-23/02), la majorité des membres du Bundestag allemand (parlement fédéral) ont déclaré leur soutien sans réserve aux objectifs de guerre de l’Ukraine : « Retrouver la pleine intégrité territoriale à l’intérieur des frontières reconnues en 1991 ». Le Bundestag a ainsi approuvé un vaste ensemble d’armes nouvelles et sophistiquées pour l’Ukraine. La réaction des principaux médias est globalement positive. Sous le titre « Ils sont plus courageux que le chancelier », le journal de gauche libéral ZEIT a commenté : « Enfin ! La coalition gouvernementale au Parlement apporte sur l’Ukraine et la Russie la clarté qui manque au (chancelier) Olaf Scholz.»

Les critiques et le scepticisme quant à la manière dont l’Occident propage la guerre en Ukraine contre l’agresseur russe ne s’expriment que sur les bords politiques en Allemagne. C’est ici que se trouve l’alliance Sahra Wagenknecht (BSW). À l’occasion du deuxième anniversaire de la guerre russe en Ukraine, le candidat de la BSW aux élections européennes, l’ancien diplomate de l’ONU et secrétaire général adjoint de l’ONU Michael von der Schulenburg (75 ans), contrecarre l’argumentation dominante avec un appel public : « Seules les négociations de paix peuvent sauver l’Ukraine – la guerre en Ukraine ne doit pas durer une troisième année. »

(Comité de rédaction du Berliner Zeitung ; 24 février 2024)

L’appel de Schulenburg dans son intégralité

Le 24 février 2024 marque le deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes et du déclenchement de la guerre la plus vaste, la plus brutale et la plus dangereuse sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre a jusqu’à présent fait plusieurs centaines de milliers de morts, de blessés graves et de handicapés mentaux, pour la plupart de très jeunes gens des deux côtés. Ces énormes pertes en sang ne nous ont pas rapproché d’une solution au conflit ; au contraire, une solution pacifique devient chaque jour plus difficile. Combien de temps les massacres continueront-ils avant que nous ressentions enfin de l’empathie pour les souffrances du peuple ukrainien et que nous contribuions à mettre fin à cette barbarie ?

L’attaque russe est illégale et personne ne devrait remettre en question le droit de l’Ukraine à se défendre. Mais ce droit ne doit pas dégénérer en destruction du pays tout entier et de sa population. Et ce ne sont pas seulement des armes russes, mais aussi des armes fournies par les pays de l’OTAN qui sont déployées sur le territoire ukrainien. Ils sont également responsables des destructions successives du pays et des souffrances du peuple ukrainien. Cela ne peut et ne doit pas être l’objectif de notre politique.

La situation militaire en Ukraine est devenue de plus en plus préoccupante et il n’y a pratiquement aucune chance réaliste que l’Ukraine puisse gagner la guerre. Pire encore, le pays se dépeuple rapidement et s’appauvrit de plus en plus, laissant pour la plupart les personnes âgées pour compte. On estime que plus d’un tiers de ceux qui restent en Ukraine ont atteint l’âge de la retraite. En outre, le pays est affaibli par la corruption, qui accroît les différences intercommunautaires et les conflits politiques internes, tandis que le soutien militaire et financier des pays de l’OTAN a considérablement diminué.

Les guerres font la plupart des victimes dans leurs phases d’usure et finales. Par conséquent, si la guerre continue, elle pourrait même conduire à une effusion de sang encore plus grave en Ukraine. Nous ne devons pas permettre que cela se produise. Poursuivre la guerre serait irresponsable car cela pourrait provoquer l’effondrement de l’Ukraine, privant ainsi un pays de toute une génération de sa jeunesse et laissant derrière lui une population traumatisée et vieillissante, sans espoir d’un avenir digne d’être vécu dans son pays.

La poursuite de la guerre entraînerait également des conséquences encore plus néfastes pour les citoyens de l’Union européenne et pour l’Allemagne en particulier. Le déclin de l’économie européenne, qui se traduira par un lourd fardeau de la dette pour les générations futures, et l’incapacité croissante des gouvernements à assumer leurs responsabilités sociales et à investir ce qui est nécessaire pour leurs citoyens exacerberont les injustices sociales ainsi que les divisions nationales et des tensions politiques. Nous augmenterions les risques pour notre société ouverte et pluraliste ainsi que pour l’ordre démocratique. En poursuivant, voire en élargissant et en intensifiant la guerre, nous exposons de plus en plus les peuples d’Europe au risque d’une guerre incontrôlable, peut-être même nucléaire.

L’Ukraine a besoin de paix ; l’Europe a besoin de paix, et cette paix ne peut être obtenue que par un cessez-le-feu suivi de négociations de paix. Mettre fin à cette guerre sur le sol européen relève de notre responsabilité européenne. Cela ne doit pas durer encore un an et conduire à des sacrifices encore plus insensés. Je rappelle donc au gouvernement allemand son obligation constitutionnelle de servir la paix du monde. Je l’exhorte à faire tout ce qui est en son pouvoir, avec nos alliés et partenaires européens ainsi qu’avec le gouvernement ukrainien, pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat et au début des négociations de paix.

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L’auteur

Michael von der Schulenburg, ancien sous-secrétaire général de l’ONU, a fui l’Allemagne de l’Est en 1969, a étudié à Berlin, Londres et Paris et a travaillé pendant plus de 34 ans pour les Nations Unies, et bientôt pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe OSCE, dans de nombreux pays en guerre ou en guerre interne, suite à des conflits impliquant souvent des gouvernements fragiles et des acteurs non étatiques armés. Ses missions comprenaient des missions à long terme en Haïti, au Pakistan, en Afghanistan, en Iran, en Irak et en Sierra Leone et des missions plus courtes en Syrie, dans les Balkans, en Somalie, dans les Balkans, au Sahel et en Asie centrale. En 2017, il a publié le livre On Building Peace – Rescueing the Nation-State and saving the United Nations, AUP.

L’article original est accessible ici