Du 1er au 31 mars 2024, se tient la première édition de « l’Immense Festival » (Immense = Individu dans une Merde Matérielle Enorme mais Non Sans Exigence). Le festival, avec plus de 80 événements, se déroule en région bruxelloise. Des conférences, des ateliers, des expositions, des spectacles, des événements littéraires, des séances cinématographiques auront lieu dans toute la capitale… Les événements sont presque tous gratuits et une récolte de crowdfunding est en cours. https://growfunding.be/fr/projects/immensefestival?fbclid=PAAaY2nd2pP5maNN1noYphMLyPwI1AM1EcKH9kFcKy9fcmLYdxU-CI5mET3Ow

L’occasion de rencontrer le monde militant des « sans chez-soi », ce qui offre une autre perspective par rapport aux “sans-abri.” Le terme “sans chez-soi” encapsule la notion de perdre son chez-soi et de domicile fixe et  ne veut pas souligner  l’absence d’un simple abri. Il ne veut pas mettre l’accent sur le manque d’un toit, mais souligne la perte d’un chez-soi, qui évoque un sentiment de protection et de stabilité. Il est important d’utiliser ce terme, car il encourage une compréhension et une empathie des personnes vivant de cette situation, des milliers à Bruxelles – invisibles pour beaucoup de personnes – nombre qui a augmenté de 20% en 2023.

Depuis 5 ans, des citoyen.ne.s sans chez-soi, sans-papiers, précarisé.e.s ont décidé de créer un Syndicat, le Syndicat des Immenses.

Ce 2 mars, le lancement du Festival avait lieu sur la place centrale face à La Bourse.  Un podium, des spectacles pendant trois heures.  Les « Fourmis », percussionnistes toniques, suivis de la chorale des femmes sans-papiers, puis la chorale des chanteur.se.s engagé.e.s de la Monnaie… Une ambiance festive, des paroles fortes, destinées à interpeller le et la citoyen.ne « escapé.e » (comprenez, celui qui s’en sort, dans ce système d’exclusion).

 

Nous avons rencontré Karim, Julie, Daniel, Samira, Abdelkader.

Karim fait partie des organisateurs.  Chaleureux, communicatif, il prend le temps d’expliquer le sens du festival, de remercier la quantité de personnes et d’associations qui ont répondu présents. « Nous n’avions pas de budget, tous sont venus gratuitement, en force ! De plus en plus de gens sont concernés par la paupérisation, pour différents motifs.  Seule la solidarité va apporter une réponse humaine.  Il faut s’organiser, sensibiliser, et profiter de ce moment des élections pour interpeller nos politiques. »

Julie est chanteuse et musicienne.  C’est elle qui anime la chorale des femmes Sans-Papier. « En tant que musicienne, c’est ma manière de m’engager pour dénoncer cette hypocrisie et collaborer au changement. »

Daniel fait partie du Syndicat des Immenses.  Née il y a un peu plus de 5 ans, cette initiative est devenue un véritable mouvement.  Un « Syndicat » pour agir auprès des politiques, rendre visible les « invisibles » de notre société. Il nous explique le sens des deux énormes banderoles placées sur les colonnes de la bourse « NécroPolitique » ; elles dénoncent les mesures mortuaires prises par les politiques, à l’encontre des personnes vulnérables. Les personnes vulnérables, c’est-à-dire les sans abris, les sans-papiers mais aussi les personnes âgées (parfois démunies, volées, abandonnées), les personnes handicapées et souffrant de maladie mentale, paupérisées.   « La situation est de plus en plus déplorable » explique-t-il, ému «  regardez par exemple la digitalisation : il faut arrêter cela !! Il faut éviter la déshumanisation qui s’installe petit à petit.  L’Intelligence Artificielle au service de la NécroPolitique est dangereuse. On ne vous tue pas, non, on vous rend la vie difficile ».

Samira est d’origine marocaine, de nationalité belge.  Il y a 20 ans, son jeune frère est venu en Belgique pour étudier.  Sorti premier de sa promotion en mécanique, il a poursuivi brillamment ses études en gestion d’entreprise.  N’ayant plus de famille au Maroc, il a souhaité rester auprès de sa sœur en Belgique.  Cela fait maintenant 15 ans qu’il essuie des refus de régularisation.  Samira le décrit comme courageux, travailleur, intelligent, n’a jamais posé de problème … il l’aide comme il le peut mais s’engouffre petit à petit dans la dépression.  Et elle ne voit pas comment l’aider.

Les priorités ?  Tous sont d’accord sur la nécessaire régularisation immédiates des quantités de sans-papiers qui vivent ainsi, depuis des années, la peur au ventre, exploité.e.s dans une ville qui a besoin de main d’oeuvre mais ne veut pas la légaliser. Le travail en noir est nécessaire, l’esclavage existe. Avec la montée de l’extrême droite, les politiques se durcissent et cela ne semble pas vouloir changer.

La Finlande a investi dans l’accompagnement des personnes exclues du système ; les solutions ont été trouvées.  En Angleterre, les sans-papiers ont le droit légal de travailler… en Belgique aussi, des réponses humaines peuvent être trouvées  Comme le précise Karim, « c’est une question de choix de société ; à nous de savoir ce que l’on veut ! »  Inch Allah, nous lance Samira, avec tristesse dans la voix, retournant dans la foule anonyme des passants de la Bourse.

Abdelkader accueille les visiteurs au sein de la Bourse, dans un espace réservé à une exposition très originale. Des mots sont inventés et investis de sens ; les trois piliers de la  « Nécro-Politique » : le Hiérarchisme : toutes les vies n’ont pas la même valeur ;

Le Désuniversalisme : Deux poids, deux mesures

L’Allomorphisme : Des escapés créent des dispositifs pour Immenses, sans envisager d’y recourir eux-mêmes. Nous pouvons y retrouver toute sorte de création, par exemple un mur de poupées intitulé  “des poupées en lutte sont avec les immenses” ou le livre “Politique & Immensité” écrit par Le Syndicat Des Immenses & Alii Dursel Laurent

(https://www.librairie-grangier.com/livre/21699632-politique-immensite-par-le-syndicat-des-imme–dursel-laurent-maelstrom). D’autres mots inventés et imprimés en sérigraphie apportent une touche d’humour et d’esthétique dans cette exposition qui ne laisse pas indifférent.

En effet, les histoires des un.e.s et des autres, cela pourrait être un jour, la mienne, la tienne.

Contact : Le Syndicat des immenses. www.sindicatdesimmenses.be

Abdelkader Alem : 0465 62 87 81, membre du Syndicat des Immenses

FB  ; syndicatdesimmenses@gmail.com