Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Martin Griffiths, a fait part, cet après-midi au Conseil de sécurité, de sa profonde inquiétude après les déclarations de ministres israéliens favorables au transfert massif des populations civiles de la bande de Gaza vers des pays tiers.  A son tour, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, Mme Ilze Brands Kehris, soulignent que ces propos incendiaires alimentent les craintes d’une expulsion doublée d’une impossibilité de revenir.  L’Algérie, qui avait demandé la tenue de cette séance, a noté le « consensus rare » qui a prévalu parmi les membres du Conseil pour rejeter « tout projet de transfert forcé des Palestiniens en dehors de leurs terres », projet dont Israël nie l’existence.

Dressant un bilan des 100 jours de guerre à Gaza, le Secrétaire général adjoint, qui est également le Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que, depuis les « événements abominables » du 7 octobre, plus de 23 000 personnes ont été tuées à Gaza, plus de 58 000 blessées et près de 1,9 million de civils, soit 85% de la population totale, sont déplacés, selon le Ministère gazaouite de la santé.

Poursuivant, le haut fonctionnaire a précisé que, au moment où les opérations terrestres israéliennes se déplacent vers le sud du territoire, les frappes aériennes s’intensifient dans les zones où les civils ont reçu l’ordre de se réinstaller pour leur sécurité.  Dès lors, en a-t-il conclu, il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza où une vie humaine digne soit possible.  A l’heure actuelle, a-t-il ajouté, difficile d’imaginer que les gens puissent retourner dans le nord.

Les pertes civiles inacceptablement élevées, la destruction quasi complète des infrastructures civiles essentielles, les déplacements massifs de populations et les conditions humanitaires abominables qui règnent dans la bande de Gaza soulèvent de graves préoccupations à la Commission pour crimes de guerre, a déclaré la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, avant de dénoncer les propos incendiaires de certains responsables israéliens plaidant pour une réinstallation permanente de Palestiniens « au-delà des mers ». « Cela ne doit pas se produire », a tranché Mme Kehris.

De l’Algérie à la Suisse en passant par l’Équateur et la Slovénie, ainsi que les membres permanents du Conseil, les délégations sont parvenues à un « consensus rare » pour rejeter tout transfert forcé des Gazaouites.  En vertu des Conventions de Genève, qui interdisent de tels projets, a rappelé la Suisse, des mesures devraient être prises pour empêcher cette « déportation de masse » afin d’éviter un embrasement de la région et du reste du monde, a également prévenu la Fédération de Russie.

Pour l’Équateur, le transfert forcé de populations civiles est une violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme, ainsi que des résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023) du Conseil de sécurité.  Rapelons que la résolution 2720 précise que la bande de Gaza fait partie intégrante du Territoire palestinien occupé. Ses habitants ne doivent pas être soumis à un transfert forcé ou à une réinstallation en dehors de la bande de Gaza, a tranché le Royaume-Uni.

« Protégez notre peuple », a exhorté l’Observateur permanent de l’État de Palestine, insistant sur le fait qu’il « est là pour rester parce qu’il a le droit de vivre dans la liberté et la dignité sur sa terre ancestrale ».  Israël a toutefois soutenu qu’il n’y avait pas de transfert forcé à l’œuvre dans la bande de Gaza, affirmant que ses forces se battent simplement contre les terroristes du Hamas.  « Nous avons d’ailleurs demandé l’évacuation temporaire des zones de guerre actives », a assuré la délégation.

Emboîtant le pas aux deux fonctionnaires de l’ONU, la plupart des membres du Conseil ont réitéré l’importance d’instaurer un cessez-le-feu immédiat à Gaza, certains exigeant que les otages détenus par le Hamas soient remis en liberté. Les États-Unis se sont émus pour leur part de l’incapacité du Conseil à condamner ce groupe armé pour ses attaques du 7 octobre, ni à reconnaître le déplacement de quelque 250 000 Israéliens qui s’est suivi, ni l’utilisation de la population gazaouite comme boucliers humains.  La délégation américaine a également rejeté sans équivoque les déclarations de certains ministres israéliens en faveur de l’expulsion des Palestiniens de Gaza, les jugeant « indignes et incompatibles avec une paix durable». 

Séance du 12 janvier 2024 conseil de sécurité