La controverse territoriale sur l’Esequibo entre la République bolivarienne du Venezuela et la République coopérative du Guyana est inondée d’intérêts énergétiques sous-jacents.

Le Guyana a porté plainte contre le Venezuela devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour la réclamation définitive des 159 000 kilomètres carrés de l’Esequibo qui font partie du territoire vénézuélien, en essayant d’officialiser la sentence arbitrale de Paris de 1899 qui, selon le Venezuela, le Royaume-Uni et le Guyana lui-même, alors qu’il était encore une colonie, s’est avérée être une fraude juridique basée sur un compromis politique entre les puissances anglo-saxonnes. De cette acceptation a émané la signature de l’Accord de Genève de 1966.

Pour que la CIJ se prononce en faveur du Guyana, la République coopérative bénéficie du soutien financier de transnationales pétrolières intéressées par de nouvelles sources d’hydrocarbures, en particulier ExxonMobil.

Pétrole, cabinets d’avocats et argent

Parmi les avocats engagés par le pays voisin figure Edward Craven, qui opère depuis Londres et travaille pour le cabinet Matrix Chambers qui a son siège dans la capitale anglaise, à Bruxelles et Genève. Il y a également Juan Pablo Hugues Arthur, qui travaille de New York pour le principal cabinet d’avocats des États-Unis, Foley Hoag LLP, aux côtés d’Isabella F. Uria.

Ces deux cabinets d’avocats influents étaient déjà présents dans le processus avant que la CIJ ne confirme en 2020 sa juridiction dans l’affaire. Le Guyana a embauché une batterie d’experts qui comprend :

  • Paul S. Reichler de Foley Hoag.
  • Alain Pellet, professeur émérite à l’Université Paris Nanterre, ancien président de la Commission de droit international et membre de l’Institut de droit international, et
  • L’avocat du Queens, Philippe Sands, professeur de droit international à l’University College London et avocat de Matrix Chambers.

Le paiement des services juridiques et le traitement des litiges ont tous deux fait l’objet de controverses au Guyana. En décembre 2017, Carl Greenidge, actuel chef de sa délégation et alors ministre des Affaires étrangères, a expliqué au parlement qu’entre 2016 et 2017, le Gouvernement a eu du mal à payer l’équipe juridique à temps. Cela l’a amené à recommander au président de l’époque, le brigadier David Granger, de couvrir les frais juridiques en versant 15 des 18 000 000 de dollars qu’il avait reçus d’ExxonMobil en 2016 comme bonus pour la  signature du contrat d’exploration pétrolière.

Cette décision a suscité une diatribe politique, avec des questions posées par l’opposition et des groupes de la société civile sur l’utilisation des fonds et la gestion de l’épisode.

Le lobby millionnaire du Big Pharma et du capitalisme vert : Foley Hoag

Foley Hoag et le Guyana ont également célébré la décision rendue le 6 avril dernier par 14 des 15 juges de la CIJ, qui a affirmé sa compétence sur la réclamation contre le Venezuela selon laquelle la frontière entre les deux États a été fixée par la sentence arbitrale de 1899.

Le cabinet a reconnu dans un communiqué de presse l' »aide » de Craven, Hugues et Uría, entre autres avocats. Il a également rappelé les paroles du président guyanais Irfaan Ali, qui a félicité l’équipe juridique pour son « engagement continu et son travail exceptionnel ».

Ce cabinet emploie près de 300 avocats et a enregistré près de 500 000 000 de dollars de revenus en 2020, soit plus du double des revenus en 2019, selon les données du site ProPublica, il a également reçu des paiements en 2010 de la part de sociétés du lobby pharmaceutique pour contacter les législateurs de la Chambre et du Sénat étasuniens et empêcher l’Administration des Aliments et des Médicaments (FDA) d’imposer de nouvelles restrictions de sécurité sévères au paracétamol, l’ingrédient principal du Tylenol. La consommation à fortes doses de ce médicament peut entraîner des lésions hépatiques et la mort.

Le puissant cabinet est également impliqué dans le différend entre plus de 1 000 000 de personnes aux États-Unis qui travaillent dans l’industrie de la pêche sur la côte Est et Vineyard Wind, une entreprise d’énergie éolienne marine. La personne clé est Amanda Lefton, ancienne directrice du Bureau de la gestion de l’énergie océanique (BOEM), qui, en mai 2021, a donné le feu vert à un projet basé sur des turbines de la hauteur de gratte-ciel de 70 étages qui généreraient 800 mégawatts au sud de Martha’s Vineyard (Massachusetts). Un rapport signé par elle a admis qu’il y aurait des « impacts économiques négatifs sur la pêche commerciale » et que, bien que les pêcheurs soient autorisés à faire leur travail dans les limites du parc éolien, « toute la superficie de 30,6 hectares sera probablement abandonnée par la pêche commerciale ».

En janvier 2022, les agences se sont rétractées au milieu de multiples plaintes et Lefton a quitté BOEM pour rejoindre Foley Hoag, la société représentant Vineyard Wind. Un porte-parole du cabinet a déclaré que Lefton avait respecté toutes les règles d’éthique en tant que fonctionnaire du Gouvernement et qu’il avait « un engagement inébranlable à continuer à le faire à l’avenir ».

Une vieille connaissance de la spoliation : Matrix Chambers

Pour sa part, Matrix Chambers a participé à l’affaire de ConocoPhillips contre le Venezuela devant le Centre international pour le règlement des différends d’investissement (Ciadi) de la Banque mondiale, dont a découlé le refus catégorique de cette société et d’ExxonMobil de négocier avec le Gouvernement vénézuélien la restructuration de sa participation dans cinq accords d’association (Petrozuata, Hamaca et Corocoro, dans le cas de ConocoPhillips ; et Cerro Negro et La Ceiba, dans le cas d’ExxonMobil) afin que les projets soient conformes à la réglementation générale en vigueur applicable aux activités d’exploration et de production de pétrole au Venezuela après la promulgation de la loi organique sur les hydrocarbures de 2001.

Ces deux décisions, prises en 2007, ont poussé le gouvernement à revenir sur les participations de ces sociétés dans ces projets de l’État vénézuélien et les a attribués à des filiales de Petróleos de Venezuela, S.A. (PDVSA) pour assurer la continuité de leurs opérations. La migration aurait seulement nécessité que ConocoPhillips réduise sa participation pondérée dans les projets Petrozuata et Hamaca de 10,7 % et qu’ExxonMobil diminue la sienne dans le projet Cerro Negro de 13 %.

À cette occasion, le représentant des plaignants était James Crawford, fondateur de Matrix Chambers, qui a ensuite été élu juge de la CIJ en novembre 2014 et est décédé dans l’exercice de ses fonctions en 2021. Comme on le sait, le Venezuela n’a pas eu droit à une défense devant les tribunaux étasuniens parce que le Gouvernement Trump a refusé de reconnaître le gouvernement constitutionnel et en a profité pour s’approprier la société pétrolière CITGO, propriété de l’État vénézuélien.

ConocoPhillips a été une fébrile chasseuse d’actifs vénézuéliens à partir du travail de Matrix Chambers qui a porté atteinte au patrimoine national. Elle vise actuellement à s’emparer des actions de CITGO Petroleum Corporation, la filiale de PDVSA sur le sol des États-Unis, de ses trois raffineries, de ses usines de distribution de carburant et d’une franchise de 7 000 stations-service dans le pays.

Elle a également réclamé pour elle-même les fonds de PDVSA qui se trouvent à la Novo Banco de Portugal et a tenté de percevoir environ 115 000 000 de dollars que le gouvernement jamaïcain doit au Venezuela. Tout cela pour faire appliquer partiellement une autre sentence arbitrale de 2 000 000 000 de dollars qui lui a été favorable dans les tribunaux en dehors du Venezuela.

Il ne s’agit donc pas d’un différend entre le Venezuela et le Guyana, mais d’un différend entre notre pays et un réseau d’entreprises qui renforce ses intérêts au détriment de la souveraineté nationale et des richesses socio-économiques de populations entières. Des intérêts qui sont alignés et synchronisés sur le discours d’un État en faillite, qu’on a voulu imposer sur le Venezuela dans les instances internationales.

 

Auteur : Mision Verdad (Mission Vérité)

Nous sommes un groupe de chercheurs indépendants qui se consacrent à l’analyse du processus de guerre contre le Venezuela et de ses implications globales. Depuis le début, l’utilisation de notre contenu est gratuite. Nous dépendons des dons et des collaborations pour soutenir ce projet. Si vous souhaitez contribuer à Mision Verdad, vous pouvez le faire ici.

Source en espagnol : https://misionverdad.com/venezuela/los-abogados-pagados-por-exxonmobil-para-robarnos-el-esequibo

Traduction : Françoise Lopez pour Bolivar infos

L’article original est accessible ici