Face à de multiples menaces climatiques et des enjeux environnementaux, les pays industriels ont pris des mesures pour réduire l’empreinte carbone par différents moyens dont certains sont en vigueur. Science & Société a conduit une enquête publiée en décembre 2022 pour faire l’état des lieux de la consommation énergétique dans le monde, et en France notamment. Selon l’enquête, il s’avère que la consommation énergétique est la principale responsable des émissions excessives en CO2, coupable à son tour de la hausse de température, générant ainsi un déséquilibre climatique, environnemental, qui affecte dangereusement notre écosystème.

Il a été souligné à maintes reprises, que l’intensité de l’activité industrielle, économique, et humaine, de manière déraisonnée a produit durant ce siècle une grande transformation qui impacte drastiquement le fragile équilibre de notre système naturel à tout point de vue. Il en va de notre survie et de celles des espèces vivantes. De nombreux experts et scientifiques dans le monde ont tiré la sonnette d’alarme, afin de commencer à agir pour réduire en premier lieu la consommation énergétique et l’émission carbonique à toutes les échelles.

Le Japon a commencé d’ores et déjà à donner l’exemple suite à l’accident de Fukushima en 2011. Le Japon et ses citoyens ont réduit leur consommation en électricité de 15% en un temps record, du jamais vu ! L’archipel nippon a mis en place pour le faire un plan de sobriété en avril 2012, appelé ‘Setsuden’. Le plan consiste à réduire la consommation en électricité par tous les moyens possibles et imaginables, afin de remédier à une carence en production électrique. Les mesures qui ont été prises sont impressionnantes : « Le seuil de déclenchement de la climatisation avait été repoussé, le code vestimentaire allégé, les escalators du métro arrêtés, les enseignes lumineuses éteintes […] en plus de mesures très contraignantes pour l’industrie et l’administration publiques » révèle Phuc-Vinh Nguyen, chercheur spécialiste des politiques de l’énergie européenne et française à l’Institut Jacques Delors. (Sources : Sciences & Société, décembre 2022)1

La France quant à elle, veut faire baisser sa consommation énergétique de 14% d’ici 2024, en mettant en place un plan sobriété elle aussi, ceci en diminuant la consommation énergétique de trois sources d’énergie principales, notamment le gaz, le pétrole, et l’électricité. C’est la conséquence de la hausse du prix de l’énergie, étant privé du gaz russe, et du fait que les parcs de centrales nucléaires ne sont pas tous opérationnels, ils ont besoin d’être mis au point du fait de leur ancienneté, ce qui amènera une carence en fourniture énergétique. En janvier 2023, la France compte 18 centrales nucléaires dans lesquelles 56 réacteurs nucléaires sont en activité. Ces centrales sont exploitées par Électricité de France (EDF). Plusieurs réacteurs sont en cours de démantèlement actuellement.2

L’opinion publique sur le changement climatique

Le 10 septembre 2023, j’ai croisé Ryan à la sortie de mon travail. Nous étions en train d’attendre le tram à Mérignac pour gagner le centre-ville. Il faisait chaud et lourd ce jour-là. Ryan est Irlandais, venu spécialement à Bordeaux avec sa bande de copains pour assister aux matches de la coupe du monde du rugby, tenue cette fois au Stade Atlantique Matmut à Bordeaux-Lac. Il trouvait comme moi le climat en cette période de l’année un peu ardent, inhabituel et irrégulier. Nous avons abordé ainsi le sujet du changement climatique de manière spontanée, pour constater qu’au fils des années, les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient dans le passé. Selon son expérience, il existe un changement climatique notable et ressenti par une hausse de température et une troposphère thermale versatile, tant impactée par les gaz à effet de serre et les changements climatiques. Ryan voulait illustrer à partir de l’exemple de son beau pays, l’Irlande où il vit d’habitude, pour montrer à quel point les choses ont changé, s’agissant de dérèglements climatiques et de la hausse de température.

Voici ce que Ryan pensait du changement climatique :

« En Irlande, nous vivions autrefois quatre saisons. Quand l’hiver arrive, il neigeait, et faisait vraiment froid, quand le printemps apparaissait, il faisait doux, et l’été était plutôt chaud, avec une température ambiante. L’automne était l’automne et tombait à la bonne période, et les autres saisons pareils. Maintenant, toutes les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient. Parfois, j’ai l’impression que les températures peuvent changer du jour au lendemain. Il peut pleuvoir pendant la journée et le soleil revient d’un coup. L’hiver, on a des périodes de températures incompréhensibles, moins de neige aussi. Je ne sais pas ce qui se passe. Je crois vraiment que deux saisons ont disparu et qu’il reste deux saisons pour toute l’année ; une sorte de mélange hiver/automne et la saison d’été ».

Des initiatives en France

Néanmoins, il existe de nombreuses initiatives mises en place pour remédier afin de parvenir à une consommation énergétique plus responsable et réduire en même temps l’empreinte carbone, ceci à commencer par l’exemple de la ville de Bordeaux.

Nous savons que le courant écologique en place à la mairie de Bordeaux est en train de métamorphoser cette grande ville ‘Bordeaux Métropole’, pour la rendre plus humaine et respirable à ses habitants et riverains. Pierre Hurmic, membre d’Europe Écologie Les Verts, maire de Bordeaux depuis 2020, a été élu en pleine période de Covid, suite à une élection serrée. Il a succédé à l’hôtel de ville à l’ancien maire Nicolas Florian, membre du parti Les Républicains et poulain d’Alain Juppé. C’est vrai, en matière d’urbanisme des changements importants ont été apportés à cette ville depuis 2020. On trouve désormais des voies cyclables étendues à presque toutes les voies de circulations principales, des espaces verts dans différents lieux de l’agglomération, des plantations d’arbres.

Néanmoins, on note des constructions frénétiques sur chaque parcelle de terre, dans différentes zones de la métropole, à commencer par le fameux quartier, appelé Ginko, situé à Bordeaux-Lac. Les immeubles tout près du Lac sont en train de pousser sauvagement à perte de vue comme des champignons, produisant ainsi des paradoxes en matière de gestion urbaine. Ce projet de construction immobilière a commencé déjà depuis les années 2000.

Nous n’allons pas aborder le sujet sensible de la gentrification urbaine dans ce développement, qui pour le coup explique en partie, la présence des nouveaux immeubles massés partout dans chaque coin possible de la grande agglomération bordelaise, tout en obligeant des habitants de niveaux modestes de s’installer dans des zones suburbaines. Le contraste n’est guère harmonieux dans cette tendance d’accroissement immobilier déchaînée, qui se développe en parallèle avec les installations de beaux paysagismes verdâtres sur les quais de deux côtés de la Garonne. Nous avons tout au long des rives, des allées bien fournies en végétaux d’ornements, en arbres bien agencés, des espaces de repos et de promenade, des pistes cyclables, des aires de jeux. Ce qui fait de Bordeaux une belle vitrine pour les touristes et les habitants. Malgré ce phénomène de développement urbain forcené à Bordeaux Métropole, avec les Verts au pouvoir, il en demeure tout de même qu’ils veulent relever le défi pour diviser par 6 l’empreinte carbone d’ici 2050.

Le plan Climat a été adopté après le vote du Conseil d’État en octobre 2022. L’objectif de neutralité carbone en 2050 intègre l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre générées par le territoire girondin. C’est pour ainsi dire que Bordeaux est en avance par rapport à d’autres agglomérations françaises. Ce programme ambitieux, comprend la réhabilitation des parcs de logements sociaux, devenus incompatibles de par leurs anciennetés et sobriétés, puisqu’ils sont en contradiction avec les plans territoriaux. Le but est de construire des immeubles favorisant une consommation énergétique plus responsable et réducteur d’émission en CO2, afin de se rapprocher du programme de neutralité carbone d’ici 2050.

D’ailleurs, le gouvernement d’Élisabeth Borne a annoncé ce plan de neutralité carbone cette année, il figure comme une priorité et un objectif national. La neutralité carbone a pour but de rétablir un équilibre entre les émissions de GES (gaz à effet de serre) sur le territoire national ; planifier une absorption de carbone émise dans les écosystèmes par l’activité humaine (forêts, sols, terres agricoles); de maîtriser les procédés industriels en matière d’empreinte carbone par la capture et le stockage ou la réutilisation du carbone. Ce plan officiel de stratégie nationale de bas-carbone est consultable sur le site du Ministère de la Transition Écologique.

Écoresponsabilité et engagements des universités et laboratoires

Plusieurs chercheurs et experts étaient présents lors d’une conférence organisée le 7 mars 2023 au campus universitaire de Pessac, pour apporter leurs constats au sujet de l’environnement et de la santé. La rencontre des scientifiques a eu lieu à l’ENSMAC (École Nationale Supérieure de Matériaux, d’Agroalimentaire et de la Chimie) sous le thème : Quel est le rôle de l’environnement sur la santé ? Chacun des chercheurs présents dans l’amphi a exprimé son point de vue sur l’impact environnemental. Norbert Bakalara, spécialiste en biotechnologie et biologie moléculaire, nous a partagé ses analyses et réflexions sur l’impact environnemental de la recherche en général :

« Le monde de la recherche a la responsabilité de limiter les impacts environnementaux de ses activités, en intégrant les enjeux environnementaux à la conduite de la recherche et de développer des outils d’appréciation pour mesurer l’impact environnemental des activités de recherche » déclare-t-il. Il ajoute que : « L’industrialisation massive a méprisé l’eau et l’environnement au fils de décennies, ce qui a impacté notre environnement et la santé des hommes ».

Dr. Denis Malvy, Professeur en infectiologie tropicale au CHU de Bordeaux, lui, a parlé de ‘la globalisation microbienne’, grâce aux facteurs déclencheurs des épidémies, notamment en Afrique, dont l’Ébola, mais aussi des maladies infectieuses qui se répandent dans les continents du nord et au sud-est asiatique. Il ajoute en matière de déplacement accru des populations dans un contexte mondialisé le fait suivant :

« Les déplacements des humains sont à considérer comme facteurs de risques de la propagation épidémique, qu’il soit à travers les échanges commerciaux et les mouvements démographiques croissants et permanents ».

On rapporte également dans un article récent d’une revue scientifique, qui rejoint le constat de Dr. Malvry, que la plupart des épidémies et pandémies de notre époque, notamment de types arboviroses, est dû souvent à des facteurs écologiques et démographiques :

« Les émergences virales ont également une propension à exprimer les changements écologiques, démographiques et sociétaux d’un monde globalisé. Leur émergence rend compte de la rupture de niches écologiques et de leur expansion parfois intercontinentale, ainsi que de la multiplication des déplacements des populations humaines ou vectorielles ».

Maintenant la question qui se pose dans le milieu de la santé, pour prévenir des épidémies est comment faire face à des maladies infectieuses émergentes à l’avenir ?

Un autre facteur qui se rajoute aux risques ce sont des maladies dues à une industrialisation alimentaire, laquelle est pervertie par des processus de fabrication agroalimentaire, souvent nocives à la santé et à l’environnement. D’une part, un mauvais mode de consommation alimentaire à travers ce qu’on trouve dans nos assiettes, a favorisé la recrudescence de symptômes cancérigènes parmi des populations, toute en considérant des causes supplémentaires, bien plus agressives, telle que la consommation déraisonnable du tabac et de l’alcool. D’autre part, les spécialistes en biologie moléculaire soulignent que les molécules synthétisées (pesticides et agents chimiques) à usage agricole, qui sont introduites dans les sols, ont fini par contaminer ces derniers, les végétaux, et à plus forte raison, l’environnement naturel. C’est ainsi que les particules dégagées par les molécules synthétisées ont participé à diffuser des microparticules dans la biosphère pour se répandre dans l’air et dans les milieux environnants. C’est l’alerte et amère constat que Claude Atgié3, nous révèle lors de cette conférence.

Les exemples éco-responsables des laboratoires français

Plusieurs initiatives ont émergé lors d’un consortium de laboratoires au sein du CESSMA4. Lors des Journées Environnements organisées au mois de mai de cette année à Paris, l’accent a été mis sur la pluridisciplinarité de domaines scientifiques pour les engager à déployer leurs connaissances et réflexions sur les questions environnementales, l’empreinte carbone, et de faire des propositions dans ce sens. Il fallait donc problématiser ce fondement afin de faire émerger des questions parmi d’autres, sur comment le changement climatique dans des activités de recherche et d’enseignement peuvent être enseignées et promues ; quelles actions les chercheurs peuvent mettre en place pour donner un exemple éco responsable, afin de réfléchir sur les alternatives bas-carbone ? Comment les laboratoires de recherche peuvent entrevoir et examiner les préoccupations environnementales en tant qu’objet de recherche, mais aussi en tant que pratique de recherche, visant à réduire l’empreinte carbone dans le quotidien ?

Voici les points clés qui ont été proposés pour réduire le volume de Co2 dans les pratiques des chercheurs : -1 privilégier les transports de certaines missions en train, moins émetteur en carbone que les avions, faire du covoiturage pour des trajets en groupes ; 2- favoriser la consommation des repas végétariens (émettent moins de CO2 que la viande) ; 3- réduire les envois des mails, ne pas répondre à tous les mails systématiquement, et en faire le moins possible ; restreindre l’usage du chauffage dans les salles de réunions et de travail à longueur de la journée, économiser de manière responsable et collectif l’usage d’une imprimante dédiée au laboratoire. En bref, il s’agit de s’engager à faire des économies en consommation énergétiques dans le quotidien et dans les activités en pratique, pour ainsi réduire l’empreinte carbone à leur niveau et aux niveaux de tous les laboratoires de recherche sur tout le territoire français. Ce processus est à considérer comme impactant favorablement le taux en CO2 à certaine échelle, qui reste une démarche à mesurer dans le temps.

Qu’en est-il pour les citoyens ordinaires ?

Chloé Turdnay, une jeune professionnelle qui se veut éco-responsable, a été interrogé au cours d’une interview fortuite, sur sa façon de s’éco-responsabiliser, voici sa version :

« Je m’abstiens d’acheter de multiples vêtements pour éviter le gaspillage. Je me contente d’acheter ce que j’ai besoin en vêtements, j’économise de l’eau quand je les lave, je le fais à la main dans une bassine pour pas gaspiller de l’eau. En matière d’énergie, j’essaie ne pas utiliser le chauffage chez moi en mettant plus de couverture pour me protéger du froid, et je mange souvent végétarien. »  Déclare-t-elle.

A l’occasion d’une manifestation à Bordeaux courant novembre, Rémi, étudiant en histoire a déclaré lors d’une interview la chose suivante :

« Le problème de l’environnement est de changer notre système économique capitaliste, il est là le débat. C’est aux peuples de changer les choses et d’agir et ne pas laisser les grandes puissances économiques détruire la Terre juste pour amasser des capitaux, exploiter nos ressources naturelles comme elles veulent et quand elles veulent. A nous les travailleurs et le peuple de prendre les choses en main pour protéger nos ressources naturelles et notre environnement ». Revendique-t-il.

Le dilemme binomial Environnement/Énergie, est un défi que de nombreux pays veulent relever. Il génère la question épineuse sur comment nos sociétés contemporaines peuvent répondre à leurs demandes constantes en énergie, tout en faisant des efforts pour réduire l’empreinte carbone. Or, nous savons qu’elles ne peuvent s’en passer, ceci afin de conserver notre mode de vie et nos activités dans de nombreux domaines : industriel, habitat, transport urbain, infrastructure, machines, consommation, etc. Même en trouvant des énergies renouvelables pour trouver un certain équilibre environnemental, réduire en même temps le taux en émission carbone, et éviter de dépendre entièrement des énergies fossiles, on ne fait que ralentir le processus à petite dose et de manière asynchronique, ceci, quant à la vitesse à laquelle les méfaits de nos activités ces dernières décennies ont causé à la Terre toute entière.

Néanmoins, les dommages écologiques qui ont été causés en matière de déchets, de pollutions, et de consommations énergétiques, mais aussi en émissions carbone sont énormes et irréversibles. Ceci dit, les solutions que nous pouvions apporter arrivent trop tard. Cependant, elles contribueront certes à réduire une déprédation accélérée, pas forcément de manière symbolique comme certains le prétendent, le fragile système écologique déjà atteint par l’activité humaine. Faut-il penser à un autre modèle sociétal et économique, sans tomber pour autant dans des projets utopiques irréalistes, mais plutôt penser à la modération, à la restructuration de notre système global de production et mode de vie actuel ?

 

Par Abdullah AlQalawi

Abdullah AlQalawi est anthropologue, il poursuit des recherches en sciences sociales. Il travaille sur différentes thématiques telles que la santé, l’environnement, l’actualité, l’injustice dans le monde. Il écrit et traduit en plusieurs langues : Français, Anglais, Arabe.

Contact : abdullah.alqalawi@outlook.com


(1) « Setsuden », les mesures d’économie d’électricité au Japon (sortirdunucleaire.org). https://www.sortirdunucleaire.org/Setsuden-les-mesures-d-economie-d

(2) Accélération du Nucléaire loi du 22 juin 2023 EPR2 | vie-publique.fr https://www.vie-publique.fr/loi/286979-acceleration-du-nucleaire-loi-du-22-juin-2023-epr2

(3) Claude Atgié est enseignant en Biochimie et Toxicologie à l’ENSMAC – Bordeaux INP

(4) Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques