Lors de la dernière séance du conseil d’arrondissement, la polémique autour du projet de construction de 18 logements sociaux, rue Péloquin, près du métro Henri-Bourassa à Ahuntsic, a animé les discussions. Finalement, les élus ont adopté le projet destiné à de jeunes adultes et porté par l’organisme Héberjeune, au terme des échanges. Le directeur général d’Héberjeune, Oumar Gueye, a accepté de revenir sur la polémique pour le Journal des voisins (JDV).

Oumar Gueye: Héberjeune est un organisme communautaire qui existe depuis 1993. Notre mission est d’aider les jeunes adultes par l’hébergement, qui est un prétexte à la mise en place d’un accompagnement psychosocial une fois par semaine. En moyenne, de 20 % à 30 % des jeunes adultes que nous accompagnons sont issus des centres de jeunesse. Le but est de les guider vers l’autonomie et l’insertion socioprofessionnelle. Cette aide [de logement] s’étale sur un an au maximum, avec une extension possible d’un an supplémentaire pour les femmes monoparentales.

Lorsque nos professionnels évaluent que l’objectif est atteint, on les aide à trouver un logement autonome classique. C’est une façon de prévenir le risque d’itinérance.

Comment est né le projet de construction de logements sociaux dans le quartier Ahuntsic à Montréal Ahuntsic?

À Parc-Extension nous avons deux bâtiments et nous gérons aussi quelques logements de l’Office municipal d’habitation de Montréal, pour un total de 33 logements dédiés à notre accompagnement classique.

À Ahuntsic, nous voulons offrir un nouveau service en ouvrant un bâtiment de logements sociaux. Il s’agit de répondre aux difficultés que certains jeunes, autonomes et capables de payer leur loyer, rencontrent pour trouver un logement. Nous voulons éviter un retour en arrière dans leur évolution, et l’itinérance, dans un contexte de crise à Montréal.

Combien de logements sociaux allez-vous créer dans le quartier Ahuntsic ?

Le processus d’obtention du permis de construire auprès de l’arrondissement n’a pas été facile… Les élus nous soutiennent, mais il y a énormément de règlements, donc on a dû revoir notre projet à la baisse pour les respecter. Il y a eu beaucoup de va et vient, de coupes, de changements de matériaux, d’ajustements et autres entre le dépôt du dossier en janvier, et le mois de juillet.

Au final, nous allons construire un bâtiment de 3 étages, comportant 18 logements: 5 appartements 3 1/2 pour des parents, et 13 studios pour des personnes seules.

Certains habitants du quartier se sont mobilisés pour s’opposer au projet, avec une pétitions de 150 signatures. Comprenez-vous leurs inquiétudes?

J’ai pu parler avec la personne à l’initiative de cette opposition. Les questions qui m’ont été posées sont légitimes, mais je pense avoir donné les réponses qu’il fallait: non, ce ne seront pas de jeunes drogués, ni des personnes dangereuses ou autre. Quelqu’un m’a demandé ce que ce projet allait lui apporter à titre personnel. Ma réponse est que ces jeunes adultes sont l’avenir; ce sont de futurs professionnels qui pourront faire vivre le quartier.

J’ai trouvé dommage que ces personnes ameutent le voisinage avec un tract rempli de fausses informations sans que je ne puisse les démentir. Le seul moment que j’ai eu pour les rassurer a été la consultation publique organisée en début de mois. Finalement, la loi ne permettant plus de faire de référendum pour les projets d’habitations sociales, le conseil d’arrondissement a adopté le projet malgré la présence d’opposants lors de la dernière séance. Et nous avons aussi le soutien d’un collectif citoyen.

En effet, le Collectif de convergence citoyenne Ahuntsic-Cartierville a diffusé une lettre d’appui au projet (voir encadré). Comment avez-vous reçu cette initiative?

Cette lettre d’appui nous a vraiment fait chaud au cœur! Ça nous a soulagés de savoir que des résidents se sont mobilisés spontanément en faveur du projet, car on trouve triste de prioriser un parking au détriment de jeunes qui risquent de se retrouver à dormir dehors. Nous tenons à les remercier, et à remercier tous les acteurs d’Ahuntsic qui nous soutiennent et sans qui cela ne serait pas possible.

Pourquoi avoir choisi cet emplacement précis?

On recherche un site pour ce projet depuis 2017. Nous travaillons avec le Groupe de ressources techniques (GRT) du ROMEL. [Cet organisme de charité] agit à titre de développeur immobilier pour accompagner des organismes communautaires de l’arrondissement tels que Rap Jeunesse, le Carrefour d’aide aux nouveaux arrivants (CANA), Solidarité Ahuntsic… Ceux-ci voulaient vendre ce parking de la rue Péloquin à un porteur de projet pour en faire des logements sociaux. On leur a soumis le nôtre, et on a acheté le terrain au début de l’année.

Quand espérez-vous commencer et achever les travaux?

Ce projet représente un budget estimé à environ 6,5 à 7 millions $. Le gouvernement fédéral le subventionne à hauteur de 40 %, il nous reste donc 60 % du montant à trouver. On espère donc commencer le chantier au début de 2024, et pouvoir l’achever au cours de l’année.

Un collectif citoyen se mobilise pour soutenir le projet d’Héberjeune 

«Malgré cette conclusion heureuse mais mitigée pour le projet, nous, citoyens d’Ahuntsic-Cartierville, aimerions quand même faire entendre notre position et souligner notre soutien à la réalisation de ce projet, le croyant au contraire très important», assure dès les premiers paragraphes le Collectif de convergence citoyenne Ahuntsic-Cartierville (CCC-AC).

Face à la levée de boucliers de certains de leurs voisins, les membres du collectif ont en effet décidé de réagir en diffusant une lettre de soutien à Héberjeune, et à son projet de logements sociaux rue Péloquin. Une façon pour eux de montrer que tous les résidents ne s’opposent pas au projet.

«Comme l’ont souligné les différents intervenants, nous pouvons observer dans le quartier comme partout ailleurs l’accroissement des inégalités sociales, les effets de la crise du logement et le manque de ressources adaptées sans aucun doute aux besoins de ces jeunes.

Nous ne pouvons qu’être reconnaissants qu’une telle ressource voie le jour, prévenant ainsi l’itinérance chez les jeunes et une possible détérioration du climat social, en offrant une alternative responsable dans un contexte de vie humaniste à des citoyens qui en ont grandement besoin», estiment les signataires.

«Par ailleurs, considérant que les besoins sociaux sont grandissants dans le contexte actuel, nous souhaitons au contraire que davantage de ressources alternatives soient développées. Nous espérons de tout cœur la réussite de ce premier projet dans le quartier.»

Loubna Chlaikhy

L’article original est accessible ici