Ce samedi à l’ULB (Université Libre de Bruxelles) Irène PEREIRA, professeur en sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Rouen nous a présenté ce que représentent aujourd’hui les Pédagogies Critiques de par le monde, en particulier aux États-Unis et en Amérique Latine. Elle est l’auteur de l’ouvrage Paulo Freire, pédagogue des opprimé·e·s. Une introduction aux pédagogies critiquesLibertalia, 2018.

La pédagogie critique est une philosophie de l’éducation et un mouvement social qui applique des concepts issus des approches critiques aux domaines de l’éducation. Au sens strict, ce courant émerge au début des années 1980, s’appuyant sur la philosophie de Paulo Freire (brésilien, 1921-1997).

L’approche de P. Freire est de partir du contexte social pour proposer un savoir.  Son premier principe est de s’appuyer sur l’expérience de l’enseignant et des étudiants pour entrer dans un processus éducatif.  Il s’agit donc d’un partage de savoirs.  Aborder le thème de la colonisation par exemple, va partir de l’expérience des uns et des autres pour situer ces expériences dans une situation d’oppression. La réflexion est ensuite menée pour  « problématiser » ensuite les rapports oppresseurs-opprimés et en comprendre le « pourquoi ».  Sortir de l’expression de l’oppression vécue pour aboutir à une prise de conscience. Son objectif : la transformation sociale. Un outil important : l’imagination.  Il se qualifiait lui-même d’utopique, combattant le fatalisme par l’imagination.

Au moment de l’apartheid, le Mouvement de la conscience noire en Afrique du Sud et Mandela se sont largement inspirés de P. Freire.

Ce mouvement évolue, incorpore ensuite des perspectives provenant de l’École de Francfort (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Francfort),  puis par la suite, du féminisme, des théories queer et décoloniale.

Ces diverses théorisations cherchent à montrer comment les multiples rapports sociaux de pouvoir, qu’ils soient de classe, de race ou de sexe, se reproduisent dans l’éducation formelle et informelle des enfants et adultes. Elles partagent la même préoccupation de s’attaquer aux injustices sociales, dans le domaine de l’éducation, tout en proposant une critique des rapports sociaux de pouvoir que l’on retrouve dans nos systèmes scolaires.

Aujourd’hui, dans le monde académique américain, par exemple, la pédagogie critique est un courant important, et les controverses académiques battent leur plein. Dans leur majorité, les pédagogues francophones demeurent encore sourds à ces enjeux.

Ce courant de la philosophie de l’éducation applique à la réflexion éducative et aux mouvements sociaux des théories issues des études critiques (théories féministes, queer, anti-raciste et anti-classiste).

En tant que pédagogue humaniste, je me suis retrouvée à la fois au cœur de cet engagement contre toute forme de discrimination, en accord avec la nécessité aujourd’hui de situer les situations violentes dans leur globalité pour en prendre conscience et pouvoir les transformer. Les clés de lecture proposées offrent des incidences pertinentes et des implications directes sur la façon de penser l’éducation aujourd’hui. La clé à mon avis, essentielle : travailler notre propre cohérence.  On ne peut enseigner la non-discrimination et être raciste soi-même !

Voici d’autres propos relevés qui me semblent mériter réflexion !

  • La « pédagogie différenciée » (promue en Belgique et en France au nom de l’égalité des chances) est faite en réalité pour que les meilleurs de notre système d’éducation restent les meilleurs.
  • 14 % des élèves s’en sortent bien à l’école ; ils font partie d’une élite sociale et politique, qui n’a aucun intérêt à ce que le système change.
  • Ses études sociologiques menées en France ont identifiés quatre oppressions majeures vécues aujourd’hui : la pauvreté, le racisme, le handicap, les lbgt.
  • Aujourd’hui, à l’école, au lieu de se poser la question du sens, on transforme tout en problème technique.
  • On a trop tendance à « psychologiser » les rapports sociaux.

Il est vrai que Paulo Freire est peu connu en langue française.  Avec son histoire et celle  des Pédagogies critiques, j’ai découvert une approche évolutive, qui se décline aujourd’hui à travers une multitude de collectifs défendant les droits des « opprimés ».

Pour aller plus loin :  Les cahiers de pédagogies radicales :

https://pedaradicale.hypotheses.org/