En bref

• Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ». Chauffer sa serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc pas être compatible avec l’agriculture biologique.

• En 2019, des industriels s’engouffrent dans ce qu’ils perçoivent comme un vide juridique et proposent des légumes bio hors saison issus de serres chauffées.
• En 2019, une forte mobilisation s’engage contre cette pratique : près de 85.000 signataires pour la pétition « Pas de tomates bio en hiver », des centaines de chefs cuisiniers, des parlementaires de tous bords politiques et des dizaines d’associations engagées
• Suite à cette mobilisation le comité national d’agriculture biologique (CNAB) prend une position de compromis, proposée par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation : aucun fruit et légume d’été bio ne seront autorisés sur les étals des magasins avant le mois de mai.

• Le 12 juillet 2023, le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) a pris acte de la réautorisation en bio de commercialiser sans restriction des légumes issus de serres chauffées en hiver. Cela fait suite à une décision du Conseil d’Etat du 28 juin 2023, qui donne satisfaction à un recours de Légumes de France et FelCoop.

• Il faut se mobiliser à nouveau ! C’est un recul de l’exigence du cahier des charges bio. Le respect des cycles naturels est, et a toujours été, un des grands principes de l’agriculture biologique. Produire bio, c’est aussi faire avec les saisons ! Les consommateurs et les consommatrices doivent se mobiliser pour une bio locale, de saison, équitable, accessible et solidaire !

Malgré une suspension de l’autorisation en 2019 suite à une forte mobilisation, le Conseil d’Etat à réautorisé la vente hors saison ! Si nous ne nous mobilisons pas à nouveau, nous pourrons dire bonjour aux tomates biologiques en hiver, un contresens !

Serres chauffées et bio ne peuvent pas cohabiter

L’agriculture biologique n’est pas qu’une pratique, c’est aussi un ensemble de valeurs et une alternative crédible face à l’accélération du changement climatique. Ces valeurs sont largement mises en avant par la charte de la FNAB (fédération nationale de l’agriculture biologique). Outre l’aspect de la santé humaine et l’absence de produits chimiques de synthèse, la bio induit une production et une alimentation en cohérence avec les saisons et dans le respect du vivant. Bio Consom’acteurs a toujours défendu une bio locale, de saison, équitable, accessible et solidaire. C’est le cas aussi de nombreux labels et mouvements, et c’est surtout le fondement historique de la bio.

Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ». Chauffer sa serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc pas être compatible avec l’agriculture biologique. C’est une aberration environnementale et une trahison envers les consommateurs et consommatrices.

 

Acteurs historiques de la bio vs lobbies industriels

C’est indéniable, les produits bio ne sont pas tous issus de petites fermes paysannes engagées depuis l’origine. De nombreux industriels se sont lancés dans la production de produits bio. Cette implication a permis de massifier la consommation et d’augmenter les surfaces. Elle a aussi fait rentrer des acteurs cherchant à réduire les contraintes du cahier des charges européen. On constate cette tendance en France et à l’échelle européenne. Les acteurs de la bio historique doivent se battre pour défendre la qualité du label face aux industriels cherchant à le simplifier et à le limiter, quitte à le vider de son sens.

C’est notamment le Combat de la FNAB ou de l’IFOAM Europe et plus largement des paysan.nes bio.

Victoire en 2019 !

Le chauffage des serres est une pratique utilisée principalement en agriculture conventionnelle, notamment pour produire des fruits et des légumes à contre-saison. Cette pratique n’avait jusqu’alors pas été développée en agriculture biologique et n’était par conséquent pas encadrée. Mais face à la prolifération de projets en émergence visant à produire à grande échelle des fruits et légumes d’été en hiver (comme des tomates ou des concombres), de nombreux défenseurs de la bio ont demandé un encadrement très strict de cette pratique dans le guide de lecture de l’agriculture biologique. Une large mobilisation avait été lancée en 2019 : près de 85.000 signataires pour la pétition « Pas de tomates bio en hiver », que Bio consom’acteurs avait largement relayé.

Au terme de plusieurs mois de mobilisation, les serres chauffées ne sont pas interdites mais limitées dans le calendrier :
«Le chauffage des serres est autorisé, mais il n’y aura pas de commercialisation entre le 21 décembre et le 30 avril»

Une position de compromis, proposée par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation à l’époque qui a été retenue : aucun fruits et légumes d’été bio ne seront autorisés sur les étals des magasins avant le mois de mai. Par ailleurs, si des fermes en conversion bio souhaitent malgré tout procéder à une production hors-saison, elles auront l’obligation, à partir de 2020, d’utiliser des énergies renouvelables. Dès 2025, toutes les fermes bio seront concernées.
Si l’interdiction généralisée de tous les types de chauffage pour les serres bio n’avait pas été obtenue, la bio aurait pu éviter le risque majeur d’industrialisation qui planait sur elle.

 

En 2023, le conseil d’État réautorise cette pratique !

À Noël, il sera désormais possible de trouver de belles tomates bien rouges et de surcroît biologiques sur la table du réveillon. Le Conseil d’Etat a réautorisé la vente hors saison de tomates, courgettes, concombres, poivrons et aubergines bio… cultivés sous serre en France.

« Selon la haute juridiction, cette disposition plaçait juridiquement les producteurs français dans une situation de distorsion de concurrence par rapport aux produits importés », a déclaré le ministère de l’Agriculture par communiqué. Pour la plus haute juridiction administrative, la France n’est « pas compétente » pour édicter des règles relatives à la production et à la commercialisation de produits biologiques, déjà encadrées à l’échelle européenne. Elle indique par ailleurs que le règlement européen relatif à la production biologique ne contient aucune disposition quant à « une prohibition ou un encadrement, pour la production agricole biologique, de la culture sous serre chauffée ».

Déjà en 2019, la FNSEA, le principal syndicat agricole, estimait que l’interdiction de vendre des fruits et légumes bio français cultivés sous serre mettait la France en concurrence avec les autres pays européens qui ne subissaient pas une telle contrainte.

Pour nous, c’est « Toujours pas de tomates bio en hiver »

Quel impact des serres chauffées en bio ?
•    Possibilité de dénaturer l’un des objectifs de la bio qui est de respecter des cycles naturels
•    Bilan carbone déplorable : la production sous serre chauffée émet 8 fois plus de CO2 qu’une production locale en saison et 4 fois plus qu’une production espagnole en saison importée en France. Chauffer des serres est incompatible avec l’objectif de la bio de faire « une utilisation responsable de l’énergie », et incompatible avec les objectifs du Plan climat de la France
•    Résilience agronomique et économique des fermes fragilisée : chauffer une serre a un coût important. Ce coût entraîne le besoin de se spécialiser sur une production à forte valeur ajoutée ayant pour conséquence un appauvrissement des sols. Ce système affecte la résilience agronomique et donc économique de la ferme, avec un risque de développement de parasites dans le futur. Le risque encouru est la nécessité à plus ou moins long terme de demander des dérogations pour finalement avoir recours aux pesticides de synthèse.
•    Trahison de la confiance des consommateurs : près de 60 % des Français déclarent acheter de plus en plus de produits de saison. Encore une fois, la volonté d’aller vers de la qualité serait biaisée par la recherche du profit, toujours au détriment des valeurs et de l’image de l’agriculture biologique…

Alors que pouvons-nous faire maintenant pour annuler cette décision ?

•    Faire connaitre cette décision en partageant cet article et le communiqué de presse de la FNAB, de Forebio, de synadis et du synabio
•    Interpeller vos structures pour lancer une nouvelle mobilisation contre cette décision
•    Vous tenir au courant des initiatives sur le sujet
•    Apporter votre soutien aux paysan·nes bio locaux

Nous vous tiendrons informé.es sur le sujet.

 

Quant aux framboises, c’est également l’été qu’elles sont les meilleures.

L’article original est accessible ici