Cet été, la journaliste Anne-Sofie Bathalon de la Gazette de la Mauricie, a eu le privilège d’étudier en Allemagne, plus précisément à Berlin. Elle a pu ainsi être brièvement initiée au système politique ainsi qu’à certains mouvements sociaux de ce pays. Elle s’est plus particulièrement intéressée à l’évolution du mouvement écologique et aux mouvements locaux. À sa grande surprise, avant les années 2000, les changements n’ont pas été seulement influencés par les nombreux grands mouvements nationaux tels  Fridays For Future (FFF), Friends of the Earth Germany (BUND) ou encore Ende Gelände (jusqu’ici et pas plus loin) mais beaucoup par des mouvements locaux qu’on appelait les Initiatives des Citoyens (Bürgerinitiativen). Des parallèles sont à faire avec les mouvements communautaires québécois et leurs impacts dans notre société.

En Allemagne, des centaines de petits ralliements citoyens dispersés un peu partout à la grandeur du pays et ce, même dans l’est, ont permis, par exemple, de retarder de façon considérable le développement du nucléaire. C’est alors que l’expression « la force du nombre » prend tout son sens. Le mouvement communautaire et les instances qui s’y rattachent, toutes différentes soient-elles, semblent jouer un rôle crucial, voire fondateur dans le tissu social régional. 

Rappelons-nous qu’au Québec, le mouvement communautaire est né il y a environ une soixantaine d’années, soit dans les années 1960. Au fil du temps, on commence par des comités de citoyens qui eux deviennent des groupes populaires. Grâce aux deux précédentes générations, on assiste dans les années 1980 à la création d’organismes communautaires. 

L’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociale, avance que le mouvement communautaire serait la résultante « d’un double mouvement porté d’une part par la quête d’autonomie et de reconnaissance des organismes et d’autre part, par l’État qui cherche des partenaires » pour réduire les coûts des services publics ». Ainsi, plus les décennies filent, plus on assiste à des mouvements coordonnés et structurés. 

La quatrième génération est davantage institutionnalisée. C’est d’ailleurs à ce moment que va apparaître le Secrétariat à l’action communautaire (SAC). Au début des années 2000 naît la cinquième génération, celle de l’action communautaire autonome qui a pu voir le jour en partie grâce à la mise en place de la Politique gouvernementale sur l’action communautaire. Cette politique saura définir le caractère propre et indépendant du mouvement.

En Mauricie, nous avons la chance d’avoir une pluralité d’offices communautaires qui œuvrent tous dans un but commun, soit améliorer la société et permettre des innovations sociales. Il existe plusieurs types de ces offices et chacun apporte ses bénéfices. Par exemple, les services à la population et les activités de groupes favorisent l’accès à des ressources pour une population ou encore enrichissent certains accès. Ils permettent donc d’atteindre une meilleure égalité sociale.

Il existe aussi des activités de prévention, de promotion et de sensibilisation. Elles permettent un accès à l’éducation en réduisant des obstacles par exemple culturels, économiques ou spatiaux. Pour ce qui est des activités de répit, les services sont souvent orientés vers le répit parental ou de proches aidants. Ils ont pour objectif de briser l’isolement et de renforcer les réseaux d’entraide. Ainsi, ils luttent contre les inégalités eux aussi. 

Enfin, il existe également des activités d’intégration sociale qui essentiellement fournissent un espace sécuritaire qui favorise les échanges et contribue aux liens sociaux positifs. Bien entendu, il existe d’autres types d’activités qui n’ont pas été présentés. 

Les organismes communautaires font parfois face à des enjeux qui peuvent mettre en péril leur pérennité. En premier lieu, certains organismes ont l’impression de devenir des services externes reliés à des institutions. La culture institutionnelle prend d’assaut ces espaces communautaires et les dénude de toute leur essence citoyenne. 

De plus, la reddition des comptes bouleverse les valeurs de démocratie, de justice et de citoyenneté. En effet, les organisations communautaires ont des comptes à rendre au gouvernement. En soi, c’est une bonne chose parce que de l’abus, il y en a eu. En revanche,  lorsqu’on demande les comptes d’une gestion, on«sinscrit dans une logique marchande et de résultats.» Les citoyens qui recherchent un service deviennent des clients

En deuxième lieu, malgré une certaine reconnaissance de l’autonomie, celle-ci n’est jamais complètement acquise. Elle est partielle puisque le contrôle du gouvernement est de plus en plus présent. On peut même dire qu’au fond, les organismes communautaires “autonomes” ne sont jamais acquis tout court. 

Depuis la pandémie, on voit circuler dans les médias des centres communautaires qui peinent à rejoindre les deux bouts. Ils sont à bout de ressources, et ce n’est pas seulement une question d’argent, mais aussi parfois une question de personnel ou de locaux. L’exemple de Tandem Mauricie qui désire ouvrir un centre d’injection supervisé, mais qui se trouve à côté d’un centre à la petite enfance est parlant. Ceux-ci doivent se casser la tête afin de trouver une solution, sachant que les loyers sont très onéreux. Cette situation n’est pas extraordinaire malheureusement.

Anne-Sofie Bathalon

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