Depuis le 1er août 2023, il n’est plus possible de publier ou partager les articles d’Entrée Libre — ni d’aucun contenu journalistique canadien — sur Facebook et Instagram. En effet, Meta, la maison-mère de Facebook, a mis ses menaces à exécution de bloquer les nouvelles canadiennes de ses plateformes, en opposition au projet de loi C-18. Pour sa part, Google laisse encore planer le doute. 

Le projet de loi du gouvernement canadien C-18 

Le projet de loi C-18 vise l’ensemble des plateformes en lignes partageant du contenu de nouvelles. Dans ses lignes directrices, il est indiqué que « ce projet de loi établit un nouveau cadre de négociation visant à aider les entreprises de nouvelles à obtenir une indemnisation équitable lorsque leur contenu de nouvelles est rendu disponible par des intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché et que ces intermédiaires en tirent des avantages économiques. » (1) En d’autres mots, il vise à rétablir un équilibre de pouvoir entre les médias canadiens et les géants du web, puis de permettre de mieux financer ceux-ci en obligeant les plateformes en lignes à offrir une redevance aux groupes de nouvelles pour le contenu partagé.  

Ce projet a obtenu la sanction royale2 le 22 juin 2023, et entrera en vigueur d’ici le 19 décembre 2023. C’est en réaction à cette nouvelle étape que Meta a mis ses menaces à exécution. Les règlements de la Loi encadrant les nouvelles en lignes ont été rendus publics le 1er septembre 2023, et peuvent encore être modifiés. Une consultation sur ceux-ci sera d’ailleurs tenue jusqu’au 30 septembre 2023, avant de rendre ces règlements définitifs. Meta a refusé d’y participer, tandis que Google y songe encore au moment de la rédaction de cet article.  

La position de chacun

Là où le bât blesse, c’est que les géants Google et Meta considèrent faire une fleur aux médias canadiens en rendant leurs contenus disponibles en ligne, leur donnant des accès à des revenus publicitaires par la même occasion. 

Du côté des médias, on souligne que ce trafic additionnel ne vient toutefois pas avec des revenus supplémentaires. La transition vers le web s’est plutôt accompagnée d’une habitude à partager des contenus en ligne gratuitement, faisant en sorte que les gens paient de moins en moins pour s’informer. Du côté des annonceurs, il est estimé que Google et Meta accaparaient environ 72 % (3) des revenus publicitaires disponibles en 2022, une part du marché que détenaient autrefois presque entièrement les médias. Ceux-ci voient donc en C-18 une manière de rééquilibrer ces disparités. 

Ce n’est pas la première fois que cette situation se produit, puisqu’un précédent existe en Australie, où une législation semblable a été adoptée, après six jours de blocage de la part de Meta. Une hypothèse serait que Meta joue la ligne dure afin de dissuader d’autres pays de vouloir emboîter le pas avec des législations similaires.  

Quitte ou double

Le bras de fer amorcé entre le gouvernement fédéral et les géants numériques ne sera pas sans conséquence. En effet, l’accès à de l’information de qualité est l’un des piliers de la démocratie. Si le gouvernement recule sur sa position et que Meta recommence à diffuser des nouvelles, le problème du financement — et donc de la survie des médias — demeurera critique. Si le gouvernement maintient sa position, mais que Meta s’entête aussi, la désinformation risque de se proliférer rapidement sur ses plateformes. 

En fait, à moins d’une entente raisonnable avec Google et Meta obligeant ces derniers à rétribuer les organes de presse, l’accès à de l’information fiable et de qualité risque d’être sérieusement compromise. L’ébauche actuelle de la loi ne prévoit pas d’obligation pour les géants du web à partager des nouvelles canadiennes, une faille dont ils profitent largement. 

Chez Entrée Libre, nous trouvons que Meta et Google jouent un à jeu dangereux qui menace l’accès à de l’information fiable et de qualité. De plus, ce boycottage touche de manière disproportionnée les petits médias comme le nôtre. Ainsi, jusqu’à ce qu’une issue soit en vue, nous enjoignons notre lectorat et les entreprises de la région à nous soutenir directement en s’abonnant au journal et à notre infolettre, ou en investissant en publicités chez nous plutôt que chez les géants du web.

Sophie Parent

L’article original est accessible ici