Innombrables sont les perversités dont l’être humain est capable envers les siens, mais le cas des animaux morts en souffrance dans des conflits dont ils n’avaient que faire ou dont on a abusivement sacrifié l’existence pour des raisons géopolitiques passe au-dessous du radar. Quasiment toutes espèces confondues y sont passées, mourant atrocement aux côtés des soldats ou en solitaires des blessures infligées, de la soif, de la faim, du froid, victimes de leur loyauté envers leur maître, qui acceptera leur sacrifice injustifiable. Même les vers luisants ne seront pas épargnés… Outre le transport des hommes, ils ont servi de messagers, de bombes vivantes, d’éclaireurs, de bêtes de somme… et leur sort reste dans l’ombre, alors qu’ils ont payé de leur vie leur fidélité à l’être humain.

Ils n’avaient pas le choix

Les Britanniques, reconnaissant ce sacrifice, ont confié au sculpteur anglais David Backhouse la création d’un monument londonien à la mémoire des millions d’animaux que le Commonwealth, mais aussi les Forces alliées ont utilisé dans divers conflits mondiaux. Jouxtant Hyde Park, au croisement de Park Lane et Upper Brook Street, il a été inauguré en novembre 2004 par la Princesse Anne, sœur de l’actuel roi.

Un mur incurvé, sur lequel galope à gauche une frise d’animaux variés, allant de l’éléphant au chien, laisse un passage à deux mules en bronze chargées d’équipements de guerre. À droite, une inscription résume la situation : « Ils n’avaient pas le choix »

ANIMALS IN WAR

THIS MONUMENT IS DEDICATED TO ALL THE ANIMALS THAT SERVED AND DIED ALONGSIDE BRITISH AND ALLIED FORCES IN WARS AND CAMPAIGNS OF THE 20TH CENTURY

THEY HAD NO CHOICE

Derrière le mur, un chien et un cheval en bronze sont représentés. Une inscription plus détaillée explique la raison de ce monument.

Commémoration initiée par l’Australie

Quant à l’Australie, elle a inauguré en 2009 un monument commémoratif à Canberra, un projet soutenu conjointement par l’Australian War Memorial et une société de protection des animaux, la Société royale de prévention de la cruauté envers les animaux. La sculpture sur un socle de granit représente une tête chevaline, seul vestige du Desert Mounted Corps Memorial, érigé à Port-Saïd en Égypte et détruit durant la crise de Suez.

Très active dans ce domaine de la commémoration, l’organisation australienne AWAMO (Australian War Animal Memorial Organisation), a inauguré en juillet 2017 en France, à Pozières (Somme), un monument qui révèle que 9 millions d’animaux sont morts pendant la Première Guerre mondiale. Il est dédié non seulement aux animaux de guerre australiens, mais à ceux de toutes les nations. L’organisation cherche à faire reconnaître le sacrifice de ces fidèles compagnons de l’homme et à établir des monuments commémoratifs en Australie même, mais aussi dans le monde entier, comme par exemple à Kokoda en Nouvelle-Guinée, au Vietnam, en Nouvelle-Zélande. Il est donc évident que les animaux affectés par la guerre en Ukraine soient dorénavant intégrés dans leurs projets de soutien : animaux domestiques séparés de leurs maîtres, mais aussi les cheptels et les animaux des zoos abandonnés à eux-mêmes.

L’achèvement posthume d’une œuvre de Johannes Engelhardt

Cette année, c’est au tour de l’Allemagne de recevoir un monument de ce genre, puisque le 3 octobre sera inauguré en Bavière, à Treuchtlingen-Wettelsheim en Moyenne Franconie, près de Gunzenhausen, un monument aux animaux morts pendant les guerres. L’idée est due au sculpteur Johannes Engelhardt, décédé en 1990 et dont le cheval en plâtre grandeur nature devait servir de fonte à un moulage en bronze. De généreux donateurs privés et des entreprises ont permis de mener à bien ce projet dont l’initiateur n’aura pu voir la réalisation. Mais c’est également à la ténacité d’une assidue militante pour les droits des animaux que ce monument a enfin pu voir le jour. En effet, Barbara Engelhardt, fille de l’artiste, s’est démenée sans relâche pour faire aboutir ce projet, elle aussi d’autant plus motivée par la guerre en Ukraine.