Avec les grèves des chargés de cours à l’université Laval à Québec, ainsi que la grève étudiante à l’UQAR (Université du Québec à Rimouski), une grande résilience militantiste a su être démontrée. Sans parler des nombreuses occasions de rejoindre des comités de luttes pour le climat, contre les violences genrées, et d’autres injustices, un phénomène peu connu peut émerger chez ces personnes : le burn-out militant. L’épuisement participe donc de l’expérience sensible de la grève et du militantisme, sans  qu’il ne soit pour autant une fatalité.

Comment faire en sorte que les individus qui s’engagent ne soient pas consumés par le feu militant ?

Définitions

Le terme de « militant·e » désigne des personnes qui s’engagent dans une cause politique, d’aide sociale ou tout autre projet tourné vers autrui. Lorsque les militant.es sont professionnel.les, la définition permet de saisir une grande part de leur réalité, car une certaine forme de culture de travail dans les associations qui les emploient les pousses à réaliser un nombre d’heures bénévoles conséquent (Cottin-Marx, 2023, p. 158).

Quant à la notion de « burn-out », elle désigne un état chronique d’épuisement professionnel. Ce qui se traduit par plusieurs phénomènes : un sentiment de vide, d’être usé sans possibilité de se ressourcer.

Ensuite, la personne se sent détachée de son militantisme en réalisant les actions de manières mécaniques, sa passion et son enthousiasme qui ont initialement alimenté son engagement ne sont plus des moteurs. Et pour finir, un sentiment d’inefficacité, de désespoir, de ne jamais pouvoir changer quoi que ce soit, afflige la personne militante (Cottin-Marx, 2023, p. 158).

Pour les militant·es engagé.es:

«… l’apathie du reste de la population, la lenteur des progrès sont également source de stress et d’épuisement. Cela se traduit par une perte de l’idéalisme qui les poussait autrefois à s’engager » (Cottin-Marx, 2023, p. 161-162).

Causes 

Les causes qui entrainent ces différents phénomènes composant le burn-out, sont, entre autres, provoquées par une culture militante basée sur une « éthique de la souffrance » et du « sacrifice de soi » (Cottin-Marx, 2023, p. 161). Ce qui veut dire que les personnes activistes ne prennent pas en compte leur propre bien-être, car « cela serait contredire le pacte implicite de désintéressement » (Cottin-Marx, 2023, p. 161).

En quoi consiste ce pacte ? Il traduit un don de soi et de son temps pour un projet et une cause bonne. C’est pourquoi prendre du temps pour discuter des sujets liés aux conditions de travail (ou de bénévolat) empiète sur le temps consacré à la cause ou au projet.

Or, rare sont les organisations qui prennent le temps de traiter les questions du bien-être de leurs militant.es. Ce qui entraine un fort taux d’abandon au bout de 3 à 5 ans, car les personnes touchées par l’épuisement vont se ressourcer en sortant du milieu militant, dans un lieu qui peut leur offrir une écoute et une possibilité de se reconstruire (Cottin-Marx, 2023, p. 162).

Solutions 

Comme nous l’avons dit en introduction, le burn-out n’est pas systématique. Car chaque militant·e développe ses défenses face au stress et souffrance liés à son implication. Et tant que ses défenses sont maintenues, alors le burn-out est écarté.

Seulement, le burn-out n’est pas une affaire personnelle, il émane plutôt de défaillances structurelles et organisationnelles. En effet, les structures ont un rôle majeur à jouer et à mettre en place des stratégies pour maintenir le bien-être de ses militant·es.

Dans un premier temps, les problèmes internes doivent devenir une priorité, car s’ils n’occupent aucune place dans les préoccupations de la structure, des conséquences sur la santé des militant·es, et sur l’efficacité du groupe sont entrainées (Cottin-Marx, 2023, p. 163). Par exemple, évaluer la charge de travail des militant·es et la réduire en conséquence.

Échanger sur la culture militante basée sur une « éthique de la souffrance » et du « sacrifice de soi » en mettant en lumière les dynamiques et les comportements qui l’alimentent.

Concernant maintenant les relations entre militant.es, il faut assurer la convivialité et la possibilité de tisser des relations qualitatives, en faisant en sorte que les personnes ne soient pas présentes uniquement pour le travail et la cause. Cela se fait aussi par une intégration bienveillante et un accueil des nouvelles personnes, grâce à la mise en place de formations leur permettant de participer pleinement à la prise de décision, mais aussi leur fournir un historique complet de la structure.

La formation donne aussi la possibilité de maximiser :

«… la participation de tou·tes les membres et d’éviter qu’une personne monopolise la discussion et/ou le pouvoir. C’est se donner les moyens de construire des organisations efficaces sur le long terme et de préserver ses forces vives » (Cottin-Marx, 2023, p. 164)

Mathieu Perchat

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

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Sources

L’article est tirée du Journal le Mouton Noir, journal indépendant plus mordant que le loup

Cottin-Marx, Simon. « Le burn-out militant. Réflexions pour ne pas être consumé par le feu militant », Mouvements, vol. 113, no. 1, 2023, pp. 156-164.

L’article original est accessible ici