La deuxième Conférence des États parties à l’Accord d’Escazu, traité régional adopté au Costa Rica en 2018, s’est ouverte le 19 avril à Buenos Aires (Argentine) (voir texte intégral en Espagnol et  texte intégral en Francais ). Cette réunion, qui s’est achevée le 21 avril, était également désignée sous le nom de  » Conférence des Parties  » ou  » COP2  » : il s’agit en effet d’une réunion à laquelle participent les États parties à l’Accord d’Escazú, qui sont à ce jour au nombre de 15 (voir l’état officiel des signatures et ratifications).

L’inauguration de cette réunion s’est déroulée en présence du chef de l’État argentin (voir note officielle et communiqué de presse de la Casa Rosada) et toutes les sessions ont pu être suivies en direct, en accédant au lien officiel de la CEPAL prévu à cet effet (voir hyperlien).

États parties et non parties invités et événements parallèles

Cette COP2 a fait l’objet d’une réunion préparatoire antérieure, également tenue en Argentine le 6 mars, au cours de laquelle les questions à débattre ont été précisées (voir le rapport en espagnol) : il est indiqué (aux pages 15 et 16 du rapport susmentionné) que les représentants des États qui n’ont pas encore ratifié l’Accord d’Escazú ont été invités à participer à cette réunion préparatoire, à savoir : le Brésil, la Colombie et le Pérou.  Un geste de nature politique de la part des 15 États parties envers ces trois États, qui ont été invités à observer diverses sessions, dont une, très attendue, portant sur les initiatives de chaque État partie pour mettre en œuvre l’Accord d’Escazú au plan national.

Dans le cas de l’Amérique Centrale, aucun délégué du Salvador, du Guatemala et du Honduras n’était présent, malgré la situation critique dans laquelle s´y trouvent les défenseurs de l’environnement. Un récent rapport de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme sur la situation dramatique des défenseurs de l’environnement au Salvador, au Guatemala et au Honduras (voir rapport) démontre l’urgence d’adopter les mesures et les figures juridiques prévues par l’Accord d’Escazú.

Il est à noter que, parallèlement aux réunions des représentants des Etats lors de cette COP2, une série d’événements très variés organisés par la société civile et diverses organisations internationales ont eu lieu (voir le programme des événements parallèles).

L’Accord d’Escazú favorise et encourage la participation du public, et les COP constituent un espace remarqué (et remarquable) dans lequel les délégués des Etats et les organisations de la société civile peuvent interagir naturellement : un effort de transparence qui devrait être reproduit dans le cas de réunions similaires liées à d’autres traités internationaux sur l’environnement et les droits de l’homme, qu’il s’agisse d’instruments juridiques universels ou régionaux.

Lors de cette COP2, le Chili (l’un des deux États qui ont mené les négociations pendant plus de cinq ans et demi et qui ont abouti à l’Accord d’Escazú), a participé cette fois-ci en tant qu’État partie : voir l’interview de la négociatrice chilienne de l’Accord d’Escazú, publiée dans PaisCircular, 18/04/2023. Un rapport récent (voir texte) sur le niveau de conformité du Chili avec les normes proposées par l’Accord d’Escazú analyse les diverses initiatives prises par les autorités gouvernementales chiliennes, qui pourraient être reproduites dans bien d’autres parties de l’Amérique Latine. De son côté, la société civile a présenté des propositions intéressantes aux États parties, notamment, parmi beaucoup d’autres, ce rapport d’OXFAM (voir document).

Plus généralement, cet entretien avec un haut fonctionnaire de la CEPAL (publié dans Diálogo Chino, édition du 14/04/2023) nous permet également d’apprécier les défis que représente la construction d’une véritable démocratie environnementale pour les États de la région, sur la base des principes énumérés dans l’Accord d’Escazú.

COP1 et COP2 en bref

Pour rappel, l’Accord d’Escazú a été adopté en mars 2018 au Costa Rica, et le processus de négociation a été co présidé par le Chili et le Costa Rica. Ce traité régional est entré en vigueur en avril 2021 après avoir recueilli les ratifications nécessaires (au total 11, comme indiqué à l’article 22 du traité lui-même).

La première COP s’est réunie un an plus tard, en avril 2022, à Santiago du Chili (voir le programme), avec 12 États parties à l’Accord d’Escazú à ce moment-là, à savoir : Antigua-et-Barbuda, l’Argentine, la Bolivie, l’Équateur, la Guyane, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines ainsi que l’Uruguay. Depuis, l’Accord d’Escazú compte trois nouveaux États parties : le Chili (juin 2022), ainsi que les ratifications récemment enregistrées du Belize et de la Grenade (mars 2023) que nous avons eu l’occasion de commenter, en plus d’autres avancées notables de l’accord d’Escazú en cette année 2023, ainsi que le refus persistant du Costa Rica de l’approuver (Note 1).

Ces derniers jours, les autorités brésiliennes ont manifesté leur intérêt pour l’accélération du processus de ratification de l’Accord d’Escazú (voir communiqué de presse du 13/04/2023) : il est à noter que la responsable du ministère brésilien de l’environnement était présente à la cérémonie d’ouverture de la COP2 (voir note officielle). La triste parenthèse qu´a signifié l’administration du président Bolsonaro (2017-2022) pour les droits de l’homme et l’environnement, ainsi que pour les populations indigènes du Brésil, laisse présager un regain d’intérêt des autorités brésiliennes pour l’adhésion à l’Accord d’Escazu. Des organisations telles que Transparency International (voir document) et Human Rights Watch (voir lettre) ont appellé depuis plusieurs mois le Brésil à ratifier l’Accord d’Escazú dans les plus brefs délais.

On s’attend également à ce que la Colombie achève bientôt le processus de ratification, étant donné que l’accord d’Escazú a été approuvé par les deux chambres de son pouvoir législatif en novembre 2022, approbation que nous avons eu l’occasion d’analyser (Note 2).

En Amérique latine, outre la Colombie, les États suivants ont signé l’accord d’Escazú, mais ne l’ont pas encore approuvé : Brésil, Costa Rica, Guatemala, Haïti, Paraguay, Pérou et République dominicaine. Les États suivants ne l’ont même pas signé : Cuba, le Salvador, le Honduras et le Venezuela.

Les accords conclus lors de la COP2

Au-delà des obstacles de toutes sortes qui se sont dressés dans certains États pour bloquer l’approbation de l’Accord d’Escazú et du désintérêt d’autres États pour (au moins ?) signer ce traité régional, plusieurs questions relatives à la mise en œuvre de l’Accord d’Escazú ont été discutées entre les États parties à partir du 19 avril à Buenos Aires.

À cet égard, le peu de couverture dans les médias costariciens sur les différentes initiatives développées à partir de l’Accord d’Escazú en 2022 est frappant, et il était prévisible que cette COP2 en Argentine subisse le même traitement.

En avril 2022, un guide précieux pour la mise en œuvre de l’Accord d’Escazú a été compilé (voir texte intégral en espagnol), qui peut déjà être utilisé pour générer ou orienter les politiques publiques dans divers États, qu’ils soient ou non des États parties.

Parmi les différents points discutés à Buenos Aires figuraient la nomination des sept membres du Comité de Soutien à l’Application et au Respect, créé par l’Article 18 du traité régional, ainsi que la mise en œuvre du Fonds de contributions volontaires (Article 14). Cet entretien avec le candidat désigné de l’Argentine (voir texte) permet de mieux comprendre les tâches attendues du Comité de Soutien à l’Application et au Respect de l’Accord d’Escazú, dont les règles de composition et de fonctionnement ont été adoptées par les États parties lors de la COP1 de 2022 au Chili (voir document).

Par ailleurs, les Etats ont discuté le suivi des différentes recommandations et conclusions du premier forum sur les défenseurs de l’environnement, qui s’est tenu à Quito (Equateur) en novembre 2022 (voir rapport) : un Plan d’Action (voir document) a été mis en consultation auprès des organisations de la société civile afin de recueillir leurs contributions et propositions. A cet égard, un deuxième forum sur les défenseurs de l’environnement aura lieu au Panama au cours de la dernière semaine du mois de septembre 2023.

En guise de conclusion

Ces initiatives et bien d’autres confirment le pas ferme et décisif que les États parties et la CEPAL entendent donner à l’Accord d’Escazú, conscients de l’importance d’avancer dans la mise en œuvre de ce traité régional : un instrument juridique moderne pour la gestion et la gouvernance de l’environnement, comme cela a été souligné dans plusieurs publications (Note 3).

La prochaine réunion des États parties (ou  » COP « ) se tiendra à nouveau à Santiago du Chili en avril 2024 (confirmant au passage le désintérêt marqué des autorités costariciennes, vu le retour dans la même capitale chilienne que lors de la première réunion de ce type) : il est jugé probable que la Colombie soit déjà un État partie pour cette réunion, et, si l’on prend en compte les souhaits exprimés par les représentants brésiliens lors de la COP2, que le Brésil soit également un État partie.

En ce qui concerne le Costa Rica, les titres de cet article de la DW (Allemagne) et de celui-ci de France24 (France), ou le titre de ce câble de l’agence de presse internationale AFP reproduit dans un média uruguayen, illustrent la profonde consternation internationale causée par son absence parmi les États parties à l’Accord d’Escazú : plus de cinq ans après son adoption sur le sol costaricien, l’Accord d’Escazú avance sans le Costa Rica, et aucun changement majeur conernant la position de ses autorités n’est envisagé pour les trois années à venir.

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Note 1: Cf. BOEGLIN N., « El Acuerdo de Escazú: viento en popa« , Site de la Universidad de Costa Rica (UCR), edition du 10/04/2023. Texte disponible ici.

Note 2: Cf. BOEGLIN N., « Colombia a pocos meses de ser oficialmente Estado Parte del Acuerdo de Escazú« , Site de la Universidad de Costa Rica (UCR), édition du 15/11/2022. Texte disponible ici.

Nota 3: Voir par exemple PEÑA CHACÓN M., « Transparencia y rendición de cuentas en el Estado de Derecho ambiental« , Delfino.cr, édition du 17/04/2021, disponible ici. En ce qui concerne l’accord d’Escazú, nous nous référons à trois publications collectives précieuses (et assez volumineuses) qui détaillent l’étendue de son contenu et son importance pour la consolidation d’une véritable démocratie environnementale en Amérique latine et dans les Caraïbes : ATILIO FRANZA J. & PRIEUR M. (dir.), Acuerdo de Escazú: enfoque internacional, regional y nacional, Editorial Jusbaires, Buenos Aires, 2022, 670 pages. Disponible (texte intégral) iciBARCENA A., MUÑOZ AVILA L., TORRES V. (Editeurs), El Acuerdo de Escazú sobre democracia ambiental y su relación con la Agenda 2030 para el Desarrollo Sostenible, 2021, CEPAL / Universidad del Rosario (Colombia), 298 pages, disponible ici; et PRIEUR M., SOZZO G. y NAPOLI A. (Editores), Acuerdo de Escazú: pacto para la eco-nomía y democracia del siglo XXI, 330 pages,  2020, Universidad del Litoral (Argentina), disponible ici. Le fait qu’il s’agisse d’un instrument de pointe peut être confirmé par l’examen des développements visant à garantir une application correcte des articles 7 et 9, élaborés par la CEPAL elle-même dans le guide de mise en œuvre de l’Accord d’Escazú susmentionné, présenté officiellement en avril 2022 (disponible ici, en particulier aux pages 108 à 126).

L’article original est accessible ici