Rejoignez le North Country Peace Group pour une lecture et une discussion en ligne du discours du Dr King « Beyond Vietnam – A Time to Break Silence » (« Au-delà du Vietnam – L’heure de briser le silence ») le jeudi 12 janvier, de 18h30 à 20h. MLK a prononcé ce discours anti-guerre controversé mais peu connu depuis la tribune de l’église Riverside à New York le 4 avril 1967. Dénonciation cinglante de l’implication de l’Amérique au Vietnam, le discours établit un lien entre la guerre, la race et la pauvreté et exhorte les citoyens à « mettre un terme à cette guerre tragique ».

Le message du Dr King a déclenché un tollé et un an après la date du discours, il a été assassiné. C’est le discours que nous devions entendre en 1967 – et celui que nous devons entendre aujourd’hui.

Rejoignez-nous pour cette présentation Zoom, la contribution du NCPG à la série d’événements « Beloved Community » (Communauté bien-aimée) de la Table d’Abraham Long Island, qui commémore le week-end MLK 2023. Pour le lien Zoom ou d’autres informations, contactez : ncpeaceg@gmail.com

Pour le lien Zoom ou d’autres informations, contactez : ncpeaceg@gmail.com

Pour voir la vidéo ( 51′ 48′′ ) sur un ordinateur avec les sous-titres en français  : 1. Cliquez sur l’icône Sous-titres (rectangle blanc en bas à droite de la fenêtre du lecteur vidéo).   2. Cliquez sur l’icône Paramètres (roue dentée en bas à droite), puis cliquez successivement sur Sous-titres, puis sur Traduire automatiquement.    3. Dans la fenêtre qui s’ouvre, faites défiler la liste des langues et cliquez sur Français.

Extraits

1

Monsieur le président de l’assemblée, mesdames et messieurs

Je n’ai pas besoin de pause pour dire au combien je suis ravi de me tenir ici ce soir, et au combien ravi de vous voir impliqués en si grand nombre dans les sujets allant être discutés ce soir. Je tiens aussi à dire que c’est pour moi un grand honneur que de partager cette tribune avec les docteur Bennett, docteur Commager et le Rabbin Heschel, et certains leaders et personnalités les plus éminents de notre nation. Et bien-sûr, il est toujours bon de revenir à l’Eglise de Riverside. Durant ces huit dernières années, j’ai eu le privilège de prêcher ici à cette période presque chaque année, et c’est toujours une riche et bonne expérience que de se tenir dans cette magnifique église et parler du haut de cette chaire.

Je viens dans cette magnifique maison d’adoration ce soir car ma conscience ne me laisse d’autres choix. Je me joigne à vous dans cette réunion car je suis profondément en accord avec les buts et les actions de l’association qui nous a rassemblé, la Clergy And Laymen Concerned About Vietnam. Les dernières déclarations de votre comité exécutif sont mon propre sentiment et je me suis découvert en parfait accord lorsque j’ai lu les lignes d’intro :
« Un jour vient quand le silence est trahison« .

Ce jour est venu pour nous et le Vietnam.
La vérité de ces paroles ne fait aucun doute, mais la mission dont elles nous chargent est une des plus difficile. Même poussés par les exigences d’une vérité intérieure, les hommes n’acceptent pas si aisément la tâche qui est celle de s’opposer à la politique gouvernementale, et particulièrement en période de guerre. […]
Certains d’entre nous qui avaient déjà commencé à briser le silence de la nuit ont réalisé que notre métier est bien souvent une vocation à l’agonie, mais nous devons parler. Nous devons parler avec toute l’humilité de notre vision limitée, mais nous devons parler. Et nous devons également nous réjouir car c’est sans doute la première fois dans l’histoire de notre nation qu’un nombre important de chefs religieux choisissent d’aller au-delà de la prophétie du patriotisme trop persuasif pour marcher sur la grande voie d’une ferme dissidence basée sur les ordres de la conscience et la lecture de l’histoire. Peut-être est-ce un nouvel esprit qui grandit en nous. Si c’est le cas, retraçons ses mouvements et prions pour que notre être intérieur soit sensible à ses conseils, car nous avons grand besoin d’une voie nouvelle pour traverser la noirceur qui nous assaille.

Ces deux dernières années, après avoir milité pour briser la trahison de mes propres silences et pour faire part des désirs de mon propre cœur, après avoir appelé à l’arrêt immédiat du massacre au Viêt Nam, beaucoup sont venus m’interroger sur la sagesse de ma position. […]

Puisque je suis prêcheur de métier, je suppose que vous ne serez pas surpris que j’ai sept grandes raisons pour placer le Vietnam dans le champ de ma vision morale.
– Il y a pour commencer un rapport évident et très facile à établir entre la guerre au Vietnam et la lutte que moi, et d’autres, menons en Amérique. Il y a quelques années de cela, il y eut un moment de clarté dans cette lutte. Il a semblé qu’il y avait une promesse réelle d’espoir pour les pauvres, blancs et noirs réunis, à travers le Poverty Program. Puis survint l’escalade au Vietnam, et j’ai vu ce programme brisé et éviscéré comme s’il était devenu le jouet politique inutile d’une société rendue folle par la guerre, et j’ai su que l’Amérique n’investirait jamais les fonds et l’énergie nécessaires pour la réhabilitation des pauvres aussi longtemps que le Vietnam continuerait à drainer les hommes, les talents et l’argent comme un aspirateur démoniaque et destructeur. J’étais alors de plus en plus obligé de voir la guerre comme un ennemi des pauvres et de l’attaquer en tant que tel.

– Peut-être que la prise de conscience la plus tragique de la réalité survint lorsqu’il devint clair pour moi que la guerre ne se contentait pas de dévaster les espoirs des pauvres dans le pays. Elle envoyait aussi leurs fils, leurs
Frères et leurs maris combattre et mourir dans des proportions extraordinairement élevées par rapport au reste de la
Population. Nous prenions de jeunes noirs, estropiés par notre société, et nous les envoyions à 10 000 kilomètres de là pour garantir des libertés en Asie du Sud Est dont ils ne bénéficient pas eux-mêmes dans le sud-ouest de la Géorgie ou dans Harlem Est. Nous avons été placés de manière répétée devant l’ironie cruelle de regarder sur nos écrans des jeunes garçons noirs et blancs tuer et mourir ensemble pour un pays où il ne leur était pas permis de s’asseoir côte
à côte dans les mêmes écoles. Nous les avons vus, dans une même solidarité brutale, mettre le feu aux huttes d’un pauvre village, mais nous réalisons qu’ils ne vivraient jamais dans le même block à Détroit. Je ne pouvais pas rester silencieux devant une si cruelle manipulation des pauvres.

– Ma troisième raison provient de mon expérience dans les ghettos du Nord durant ces trois dernières années et notamment, ces trois derniers étés. En marchant parmi les jeunes gens en colère, rejetés et désespérés, je leur ait dit que les cocktails Molotov et les fusils ne résoudraient pas leurs problèmes. J’ai essayé de leur offrir ma plus profonde compassion tout en conservant ma conviction que le changement social le plus significatif vient à travers l’action non violente. Mais, demandaient-ils, et le Vietnam ? Ils demandaient si notre pays n’utilisaient pas lui-même une dose massive de violence pour résoudre ses problèmes, pour apporter les changements qu’il souhaitait. Leurs questions ont fait mouche, et j’ai su que je ne pourrai jamais plus élever ma voix contre la violence des opprimés dans les ghettos sans avoir auparavant parlé haut et clair au plus grand pourvoyeur de violence du monde aujourd’hui – mon propre gouvernement. Pour l’amour de ces garçons, pour l’amour de ce gouvernement, pour l’amour des centaines de milliers de personnes qui tremblent sous la violence, je ne saurais garder le silence.

– Pour ceux qui me posent la question : « N’êtes-vous pas un dirigeant du mouvement pour les droits civiques ? » et, par là même, pensent m’exclure du mouvement pour la paix, j’ai la réponse suivante : En 1957, lorsqu’un groupe d’entre nous créa la Southern Christian Leadership Conference, nous choisîmes comme devise « Pour le salut de l’âme de l’Amérique». Nous étions convaincus que nous ne pouvions pas limiter notre vision à certains droits des noirs, mais que nous devions au contraire affirmer notre conviction que l’Amérique ne serait jamais libre ou sauvée tant que les descendants de ses esclaves ne seront pas libérés des chaînes qu’ils portent encore.

– Maintenant, il doit être absolument clair que quiconque se préoccupant de l’intégrité et de la vie de l’Amérique aujourd’hui ne peut ignorer la présente guerre. Si l’âme de l’Amérique était empoisonnée, l’autopsie, en partie, révélerait le mot « Vietnam ». L’âme de l’Amérique ne sera pas sauvée aussi longtemps que le pays détruira les espoirs des hommes à travers le monde.

– Que pensent les paysans vietnamiens lorsque nous nous allons avec les propriétaires terriens et que nous refusons de traduire en actes nos nombreux discours concernant une réforme agraire ? Que pensent-ils alors que nous essayons nos dernières armes sur eux, tout comme les Allemands ont essayé leurs nouveaux médicaments et tortures dans les camps de concentration en Europe ? Où sont les racines du Vietnam indépendant que nous prétendons construire ?

– Maintenant, je voudrais qu’il soit clair que, tout en essayant d’être le porte-parole des sans-voix du Vietnam et en essayant de comprendre les arguments de ceux que nous appelons l’ennemi, je suis tout aussi préoccupé par nos propres troupes qui se trouvent là-bas. Parce qu’il m’apparaît que ce à quoi nous les soumettons au Vietnam dépasse le simple processus de brutalité inhérent à toute guerre où se font face deux armées qui cherchent à se détruire. Nous ajoutons le cynisme au processus de mort, car nos soldats doivent se rendent compte assez rapidement que nous ne combattons en réalité pour aucune de ces choses pour lesquelles nous prétendons combattre. Ils doivent très vite se rendre compte que leur gouvernement les a envoyés dans un conflit entre Vietnamiens, et les plus perspicaces comprennent certainement que nous sommes du côté des plus puissants tout en créant un enfer pour les pauvres.

 

2

«Je médite sur la folie du Vietnam et cherche en moi-même des moyens de comprendre et de répondre avec compassion, mon esprit va constamment aux habitants de cette péninsule. Je ne parle pas des soldats de chaque camp, ni des idéologies du Front de libération, ni de la junte de Saïgon, mais simplement des gens qui vivent sous la malédiction de la guerre depuis près de trois décennies consécutives. Je pense à eux aussi, car il est clair pour moi qu’il n’y aura pas de solution valable jusqu’à ce qu’une tentative soit faite pour les connaître et entendre leurs cris brisés.

Ils doivent voir les Américains comme d’étranges libérateurs. Le peuple vietnamien a proclamé sa propre indépendance en 1954 – plutôt en 1945 – après une occupation combinée française et japonaise et avant la révolution communiste en Chine. Ils étaient dirigés par Ho Chi Minh. Même s’ils ont cité la Déclaration d’indépendance américaine dans leur propre document de liberté, nous avons refusé de les reconnaître. Nous avons plutôt décidé de soutenir la France dans sa reconquête de son ancienne colonie. Notre gouvernement a alors estimé que le peuple vietnamien n’était pas prêt pour l’indépendance, et nous avons de nouveau été victimes de l’arrogance mortelle de l’Occident qui a empoisonné l’atmosphère internationale pendant si longtemps.

Avec cette décision tragique, nous avons rejeté un gouvernement révolutionnaire en quête d’autodétermination et un gouvernement qui avait été établi non pas par la Chine – pour laquelle les Vietnamiens n’ont pas beaucoup d’amour – mais par des forces clairement indigènes qui comprenaient des communistes. Pour les paysans, ce nouveau gouvernement signifiait une véritable réforme agraire, l’un des besoins les plus importants de leur vie.

Pendant neuf ans après 1945, nous avons refusé au peuple vietnamien le droit à l’indépendance. Pendant neuf ans, nous avons vigoureusement soutenu les Français dans leur tentative avortée de recoloniser le Vietnam. Avant la fin de la guerre, nous assumions quatre-vingts pour cent des coûts de la guerre française. Avant même que les Français ne soient vaincus à Dien Bien Phu, ils ont commencé à désespérer de leur action imprudente, mais nous ne l’avons pas fait. Nous les avons encouragés avec nos énormes fournitures financières et militaires à continuer la guerre même après avoir perdu la volonté. Bientôt, nous paierons presque tous les coûts de cette tragique tentative de recolonisation.

Après la défaite des Français, il semblait que l’indépendance et la réforme agraire reviendraient grâce à l’Accord de Genève. Mais au lieu de cela, les États-Unis sont venus, déterminés à ce que Ho ne devrait pas unifier la nation temporairement divisée, et les paysans ont regardé à nouveau alors que nous soutenions l’un des dictateurs modernes les plus vicieux, notre homme choisi, le premier ministre Diem. Les paysans ont regardé et ont grincé des dents alors que Diem extirpait sans pitié toute opposition, soutenait leurs propriétaires terriens extorsionneurs et refusait même de discuter de la réunification avec le Nord. Les paysans ont vu que tout cela était présidé par l’influence des États-Unis, puis par un nombre croissant de troupes américaines qui venaient aider à réprimer l’insurrection que les méthodes de Diem avaient suscitée. Lorsque Diem a été renversé, ils ont peut-être été heureux, mais la longue lignée de dictateurs militaires ne semblait pas offrir de réel changement, surtout en termes de besoin de terre et de paix …

Le seul changement est venu des États-Unis, car nous avons augmenté nos engagements de troupes à l’appui de gouvernements qui étaient singulièrement corrompus, incompétents et sans soutien populaire. Pendant ce temps, le peuple a lu nos brochures et a reçu les promesses régulières de paix, de démocratie et de réforme agraire. Maintenant, ils languissent sous nos bombes et nous considèrent, et non leurs compatriotes vietnamiens, comme le véritable ennemi. Ils se déplacent tristement et apathiquement alors que nous les emmenons hors des terres de leurs pères dans des camps de concentration où les besoins sociaux minimaux sont rarement satisfaits. Ils savent qu’ils doivent avancer ou être détruits par nos bombes.

Alors ils s’en vont, principalement les femmes et les enfants et les personnes âgées. Ils nous regardent empoisonner leur eau, alors que nous tuons un million d’acres de leurs récoltes. Ils doivent pleurer alors que les bulldozers rugissent dans leurs zones, se préparant à détruire les précieux arbres. Ils errent dans les hôpitaux avec au moins vingt victimes de la puissance de feu américaine pour une blessure infligée par les Viet Cong. Jusqu’à présent, nous en avons peut-être tué un million, principalement des enfants. Ils errent dans les villes et voient des milliers d’enfants, sans abri, sans vêtements, courir en meute dans les rues comme des animaux. Ils voient les enfants dégradés par nos soldats alors qu’ils mendient de la nourriture. Ils voient les enfants vendre leurs sœurs à nos soldats, solliciter leurs mères.

Que pensent les paysans alors que nous nous allions aux propriétaires terriens et que nous refusons de mettre la moindre action dans nos nombreuses paroles concernant la réforme agraire? Que pensent-ils alors que nous testons nos dernières armes sur eux, tout comme les Allemands ont testé de nouveaux médicaments et de nouvelles tortures dans les camps de concentration d’Europe? Où sont les racines du Vietnam indépendant que nous prétendons construire? Est-ce parmi ces sans voix?

Nous avons détruit leurs deux institutions les plus chères: la famille et le village. Nous avons détruit leurs terres et leurs récoltes. Nous avons coopéré à l’écrasement – à l’écrasement de la seule force politique révolutionnaire non communiste de la nation, l’Église bouddhiste unifiée. Nous avons soutenu les ennemis des paysans de Saïgon. Nous avons corrompu leurs femmes et leurs enfants et tué leurs hommes.

Maintenant, il ne reste plus rien sur quoi bâtir, sauver l’amertume. Bientôt, les seules fondations physiques solides et solides qui subsisteront se trouveront dans nos bases militaires et dans le béton des camps de concentration que nous appelons «hameaux fortifiés». Les paysans peuvent se demander si nous prévoyons de construire notre nouveau Vietnam sur de telles bases. Pouvons-nous les blâmer pour de telles pensées? Nous devons parler pour eux et soulever les questions qu’ils ne peuvent pas soulever. Ce sont aussi nos frères…

Si nous continuons, il n’y aura aucun doute dans mon esprit et dans l’esprit du monde que nous n’avons aucune intention honorable au Vietnam. Si nous n’arrêtons pas immédiatement notre guerre contre le peuple vietnamien, le monde n’aura d’autre alternative que de voir cela comme un jeu horrible, maladroit et mortel auquel nous avons décidé de jouer. Le monde exige maintenant une maturité de l’Amérique que nous ne pourrons peut-être pas atteindre. Il exige que nous admettions que nous nous sommes trompés dès le début de notre aventure au Vietnam, que nous avons été préjudiciables à la vie du peuple vietnamien. La situation en est une dans laquelle nous devons être prêts à nous détourner radicalement de nos voies actuelles. Afin d’expier nos péchés et nos erreurs au Vietnam, nous devons prendre l’initiative de mettre un terme à cette guerre tragique.

Je voudrais suggérer cinq choses concrètes que notre gouvernement devrait faire [immédiatement] pour entamer le long et difficile processus de sortie de ce conflit cauchemardesque:

1. Mettre fin à tous les bombardements au nord et au sud du Vietnam.

2. Déclarer un cessez-le-feu unilatéral dans l’espoir qu’une telle action créera une atmosphère propice à la négociation.

3. Prendre des mesures immédiates pour empêcher d’autres champs de bataille en Asie du Sud-Est en réduisant notre renforcement militaire en Thaïlande et notre ingérence au Laos.

4. Acceptez de façon réaliste le fait que le Front de libération nationale bénéficie d’un soutien substantiel au Sud-Vietnam et doit donc jouer un rôle dans toute négociation significative et dans tout futur gouvernement vietnamien.

5. Fixer une date à laquelle nous retirerons toutes les troupes étrangères du Vietnam conformément à l’Accord de Genève de 1954… »