Alors que j’étais enfant, quand un nuage jaune s’abattait sur la ville, on avait l’impression que des milliers d’allumettes enflammaient l’air. On m’apprendra plus tard qu’il s’agissait de dioxyde de soufre. À la fin des années 1970, un groupe citoyen exige de réduire de 90 % les émanations de soufre. La réponse de la compagnie : ce n’est pas possible! À la fin des années 1980, avec la lutte aux pluies acides et la mobilisation citoyenne, Noranda transforme finalement ses installations pour atteindre le taux demandé. Elle bénéficie, à cette fin, d’une importante aide financière des gouvernements. On arrivera même à dépasser le 90 %…

En novembre 2004, un Avis sur l’arsenic dans l’air ambiant à Rouyn-Noranda recommande d’abaisser les émissions de ce poison pour atteindre 18 nanogrammes par mètre cube d’air (ng/m3) en 18 mois dans le quartier Notre-Dame, au pied de la fonderie. Il donne 2 mois à la compagnie pour produire un plan visant 3 ng/m3, la norme provinciale. Par la suite, le gouvernement québécois a permis 200 ng/m3 en 2007, puis 100 à partir de 2017. Comment est-ce possible d’autoriser le dépassement de nos normes? Le rôle d’un gouvernement n’est-il pas de protéger notre santé?

Le gisement de la Noranda est épuisé depuis 1976. On y transforme maintenant du cuivre venant d’autres endroits et on y brûle des matériaux de toutes sortes. D’autres métaux accompagnent désormais l’arsenic, notamment le plomb, le cadmium, le nickel, le zinc et le chrome. Il y en aurait 23 différents. Depuis 2013, c’est la multinationale Glencore qui possède la fonderie. Cette entreprise est multimilliardaire.

Depuis 2019, on sait que le taux d’arsenic dans le corps des enfants du quartier Notre-Dame est anormalement élevé. Les effets sur la santé du « cocktail » mentionné plus haut ont été dévoilés cet été : bébés plus petits à la naissance, naissances prématurées, cancers, etc. 

On nous a caché cela durant trois très longues années.

Respirer un silence toxique depuis des décennies a fait perdre confiance. Retarder le règlement de cette histoire met le feu aux esprits : la fonderie a encore 5 ans pour atteindre 15 ng/m3!

Glencore, qui fait des profits au détriment de notre santé, dont celle de son personnel et leur famille, fixe son programme avec le gouvernement. Elle aurait une vingtaine de lobbyistes à Québec. On ne sait pas ce qui se raconte derrière les portes closes, mais on connaît les résultats.

Pour conclure, les experts du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, la référence sur l’état du climat de notre planète) croient qu’il est possible de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré. Pour cela, il faudrait que les émissions de gaz à effet de serre plafonnent au plus tard en 2025…

Avec ce qui se passe à Rouyn-Noranda, il est clair que nous devrons augmenter les pressions pour que ça change!

Philippe Marquis, L’Indice bohémien, Abitibi-Témiscamingue, Septembre 2022

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