Habillés par la peur — Court métrage écrit et réalisé par Teresa Scotto di Vettimo

Teresa Scotto di Vettimo est architecte et vidéaste. Depuis plusieurs années, elle écrit pour le théâtre pour la radio et réalise des vidéos. A travers ces formes artistiques, elle explore des thèmes d’architecture (la ville intelligente, la femme dans la ville) et de société en général, qu’elle analyse et représente avec humour. Depuis 2020,  elle réalise la série Critiques D’Ordinaires composé de textes et de vidéos destinés à présenter le regard critique d’un observateur ordinaire sur des œuvres artistiques. Elle vit entre Paris et Naples

 

PRESSENZA : Comment est né ce projet entre vous et Riccarda Montenero ?

L’artiste Riccarda Montenero a présenté sa dernière œuvre photographique, exposée en novembre dernier à Paris et intitulée Habités par la peur.

À cette occasion, elle m’a conviée de nouveau à une collaboration, que j’ai acceptée, en réalisant un court métrage, « Habillés par la peur ».

Car le thème de la peur entre en résonance avec moi et ce que je pense de l’état d’esprit général dans lequel nous vivons ces temps-ci, particulièrement au cours de ces deux dernières années. Quelles que soient nos convictions, nos croyances ou le camp de positionnement choisi face aux évènements, la peur s’est emparée de nos actions, de nos réactions ainsi que de nos pensées, laissant peu de marge à la réflexion ou à une action sensée.

Toutes les peurs qui nous habitent sont remontées d’un seul coup à la surface et ont même traversé nos masques.  D’abord face à un ennemi invisible puis, ces derniers mois face aussi à un ennemi visible, audible et palpable.

Désormais, même nos perspectives du futur semblent être imprégnées de peur.

Ce court métrage s’inscrit dans une série que j’ai conçue en 2020. Elle a débuté quand, pour la première fois, invitée par Riccarda Montenero à m’exprimer librement sur son œuvre photographique, Rue de l’espérance, j’ai réalisé le court métrage Un véritable chemin de croix.

Chaque film a été conçu pour dialoguer avec son œuvre.

Ce dialogue créatif commence toujours par le choix du titre qui est donné comme une première réponse et une réaction un peu provocatrice et ironique de ma part. Ainsi à son œuvre Habités par La Peur, j’ai ainsi voulu répondre par Habillés par la peur.

Dans cette série, à chaque fois, c’est le point de vue d’un visiteur ordinaire que je privilégie pour analyser l’œuvre de l’artiste et à travers lui, restituer ma réflexion.

PRESSENZA : Que souhaitez-vous dire à propos de ce titre Habillés par la peur ?

Comme l’affirme également l’artiste Riccarda Montenero ;

« La peur de la mort, de la perte, du manque, de l’inconnu… a toujours habité l’homme ».

J’ai voulu ajouter mon point de vue, non sans provocation, et si la peur nous habillait également à cause de ceux qui veulent à tout prix nous la faire endosser ? C’est ce que je tente d’explorer et d’affirmer à travers le court métrage Habillés par la peur.

Dans ce court métrage avec ce titre et son histoire, j’ai voulu mettre l’accent sur deux aspects de la peur. Celle qui nous est restituée par les autres, qui veulent, à tout prix, nous la faire endosser. Ainsi que la peur qui se manifeste et s’extériorise à travers le corps qui se dessine sur la peau (la chair de poule), qui nous façonne et nous fait assumer des postures jusqu’à revêtir le corps comme une deuxième peau.

Le court métrage raconte l’expérience d’un visiteur ordinaire, qui se rend à l’exposition photographique Habités par la peur. En regardant les images, il vit une véritable hallucination au point de croire qu’il est lui-même l’objet d’une visite…

Le sentiment de peur du visiteur (incarné par l’acteur Laurent BOREL) est suscité par son regard personnel qu’il porte sur les images de l’œuvre exposée. Puis ce sentiment se manifeste sur son corps, au point que le visiteur finit par se retrouver à nu et au lieu d’admettre qu’il est manifestement habité par son propre sentiment de peur, il se considère (se le dit à lui-même) habillé par la peur. Puis à la fin, sa peur finit par se rendre à l’évidence.

PRESSENZA : Le court métrage intègre l’œuvre photographique Habités par la peur en dialoguant avec elle. Pouvez nous expliquer comment ?

Cela se fait de différentes manières, je laisse le spectateur libre de juger et interpréter.

Néanmoins je peux vous en citer une.

Dans une des séquences du film, la séquence du doigt (photo 1,2,3 ci-dessous) j’ai voulu aussi que l’acteur interagisse physiquement avec les éléments illustrés dans les photos. Pour réaliser ceci techniquement, j’ai travaillé étroitement avec l’artiste Riccarda Montenero avec pour ma part la séquence filmée et  pour sa part avec une série de frames réalisées.

Afin de créer des effets d’animation et restituer un dialogue dans la vidéo.

PRESSENZA : Pourquoi avoir choisi le comédien Laurent Borel ?

Je dois dire avoir eu de la chance, car c’est Laurent Borel qui m’a choisie. Avec le comédien j’avais déjà travaillé pour une petite série de vidéos loufoques et humoristiques par le passé. Quand je lui ai évoqué le projet, il s’est proposé lui-même sans hésiter. J’ai toute de suite accepté, sachant qu’avec lui j’allais avoir une contrainte de départ que j’ai en revanche prise comme une opportunité. Le visage du comédien est particulier. Il ne passe pas inaperçu. J’ai donc fait le choix de ne montrer le comédien que partiellement pendant toute la durée du film et de ne révéler son visage qu’à la fin. Cela pour ne pas déconcentrer le spectateur et porter toute son attention sur le sentiment de peur que le personnage manifeste à travers sa peau, son corps nu.

Pour accentuer la tension du spectateur, j’ai fait le choix aussi de l’absence presque totale de dialogue dans ce film et laisser le son évoquer les différents moments que vit le personnage.
Je souhaite conclure en vous racontant aussi une anecdote drôle concernant ce film. Laurent Borel est souvent choisi en tant que comédien pour interpréter le rôle d’un personnage méchant ou qui fait peur. Dans ce film, il a dû jouer un personnage qui a peur. Chose qui lui a semblé difficile à interpréter car c’est un homme qui affirme n’avoir plus peur de rien dans la vie. Pourtant la séquence dans laquelle il tremble de peur, portant ses mains pour couvrir son visage a été tournée en une seule fois !  Le véritable sentiment de peur que je recherchais a été parfaitement incarné à cet instant-là.

PRESSENZA : Pour conclure, sommes-nous aujourd’hui habités ou habillés par la peur selon vous?

Bien entendu pour moi, c’est les deux et je tente de l’exprimer au travers du choix de la séquence finale du film.  Il reste alors à comprendre : comment se libérer de ces peurs ?

 

Lien vers le film : https://riccardamontenero.com/habilles-par-la-peur/

Lien vers le site de Riccarda Montenero : https://riccardamontenero.com

contact : teresa.scottodivettimo.art@gmail.com

site de Brigitte Cano: Brigitte Cano Photographie – Un regard vers l’humain