Un petit film qui, mine de rien, change de perspective : The Resilient

On a reproché à de nombreuses organisations humanitaires officielles agréées de servir leurs propres intérêts et ceux des gouvernements qui les déléguaient, renvoyant une fausse image des autochtones au lieu de tenir compte sur place des besoins réels de la population, de ses souhaits et de ses idées. Avec un remarquable tam-tam PR, leurs actions étaient saluées comme étant salvatrices et porteuses de solutions alors que le savoir-faire local était souvent balayé d’un revers de main condescendant ; le néo-colonialisme sous un manteau de bienfaisance s’implantait par le biais de projets qui n’avaient pas de sens ni de futur et n’apportaient pas grand-chose, voire rien du tout, aux personnes concernées. L’impact d’une intervention pouvait être « d’ordre social, économique et culturel[1] » et avoir de profondes répercussions négatives.

Les mentalités changent, heureusement ! et j’ai découvert par un heureux hasard un documentaire norvégien qui m’en a apporté la preuve : The Resilient, datant de 2019 et produit par la compagnie indépendante basée à Oslo, differmedia. Le film a figuré en compétition au festival 2020 « Kortfilfestivalen » de Grimstad au sud de la Norvège et faisait également partie de la sélection officielle 2020 du DCEFF à Washington, le festival nord-américain du film environnemental. Il a été présenté dans de nombreuses autres manifestations à travers le monde : en Scandinavie bien entendu, mais aussi en Colombie ou en Europe, de la Belgique à la France en passant par la Slovaquie.

Un autre regard… féminin ?

Ce qui frappe quand on consulte la page de la compagnie de production, c’est que six femmes sont aux manettes. L’objectif des deux co-fondatrices, Julia Dahr et Julie LundeLillesæter, qui sont réalisatrices et productrices à la fois soit de leurs propres films, soit de commandes, est de tenter avec l’appui de leur équipe d’expliquer clairement à l’échelle internationale les enjeux de notre temps, de traduire en images les problèmes qui nous assaillent pour les aborder et mieux les comprendre. Les sujets qu’elles traitent ou produisent vont, entre autres, du célèbre portrait de Greta Thunberg (I’m Greta) aux activistes illégaux (Illegal Activists) en passant par Wind of Change sur une famille kenyane en 2011, ce dernier ayant remporté des récompenses et étant projeté par de nombreuses ONG à travers le monde. Les projets en cours d’achèvement vont du harcèlement sexuel et la manière dont il est abordé par la justice au détriment des femmes qui s’organisent pour changer cet état de choses à Austin (Texas), à l’enfance joyeuse d’une jeune Kenyane et bien d’autres encore[2].

Le documentaire

Il raconte l’histoire d’un producteur de lait norvégien, Einar, fier d’avoir repris la ferme familiale et qui adore la vie rurale qu’il mène avec sa propre famille. Mais Einar se voit soudainement confronté à des vagues de sècheresse jamais vues auparavant sous cette latitude. Les nuits sans sommeil se succèdent, ne lui apportant aucune solution au manque de nourriture pour ses vaches, mais amplifiant son inquiétude. Invité au Malawi pour rencontrer des paysans acculés au même problème, il découvre qu’il peut adapter leurs solutions à ses problèmes. Tout en faisant honneur à leurs méthodes avec les moyens locaux, son ouverture d’esprit, son humilité, sa gratitude face à ces paysans — qui sont loin de vivre sur le même pied que lui, font de son expérience en Afrique un enrichissement et lui font également prendre conscience de la fragilité des conditions de vie en Afrique et de l’injustice climatique.

En misant sur l’émotion, l’objectif du documentaire est d’atteindre un plus large public que celui des habitués de la crise climatique, de la production agricole et de servir de point de départ à une discussion plus approfondie sur l’élevage, la résilience climatique et les adaptations techniques. Pas besoin de comprendre le norvégien pour regarder le film: les sous-titres sont disponibles en français, en anglais et en allemand. Le film fera prochainement partie du festival noma’dock qui va sillonner la France avec des documentaires « valorisant des initiatives durables et solidaires[3] ».

The Resilient

 

 

 

[1] https://www.researchgate.net/publication/37463079_Les_limites_de_l’aide_humanitaire

[2] https://differmedia.com/projects/

[3] http://nomadock.fr/